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1. Fondements et développement de la politique de la ville (1960-2000)

Les « grands ensembles » français ont été construits initialement pour faire face à une pénurie de logement dans les années 1960. Ils vont peu à peu devenir les lieux d’une crise sociale. Les Zones à Urbaniser en priorité (1958) créent de nouveaux quartiers le plus souvent en périphérie des agglomérations. Caractérisés par une majorité de logements sociaux, ces grands ensembles ne correspondent rapidement plus au type d’habitat souhaité par les habitants, l’idéal social étant plutôt d’accéder à la propriété via une maison individuelle.

Les barres d’habitation vieillissent rapidement et mal. D’autre part, la crise économique du début des années 1970 vient souligner la mise à l’écart géographique et les difficultés spécifiques de ces quartiers : un taux de chômage plus élevé que la moyenne, notamment chez les jeunes, une surreprésentation d’habitant-e-s issu-e-s de l’immigration et des difficultés d’insertion accrues. Ce contexte socio-économique créé les conditions d’un malaise social, que les habitant-e-s de ces quartiers vont exprimer à la fin des années 1970. Pour faire face à la dégradation constatée des logements, et plus généralement du cadre de vie dans ces quartiers, les opérations Habitat et Vie social (HVS) sont créées en 1977. Mais ces opérations de réhabilitation ne suffiront pas à répondre aux inquiétudes et aux difficultés vécues par les habitant-e-s de ces quartiers.

L’agglomération lyonnaise a ainsi été l’un des principaux théâtres des affrontements qui opposèrent les forces de l’ordre et les jeunes habitant-e-s, notamment dans les quartiers de la Grappinière (1979) puis des Minguettes (1981). Dès lors l’action publique s’oriente vers une attention particulière et une prise en compte globale des problématiques touchant plus particulièrement certains territoires urbains. Cela concerne aussi bien la question de l’insertion sociale et professionnelle des jeunes, avec le rapport Schwartz (1981) qui va mener à la création des missions locales, que celle de l’éducation avec la création des Zones d’Education Prioritaires (ZEP, 1981) dont l’objectif est de lutter contre l’échec scolaire. D’autre part, ces évènements donnent lieu aux dispositifs spécifiques de lutte contre la délinquance comme le Conseil National de Prévention de la Délinquance (CNPD) préconisé par le rapport Bonnemaison (1981). Enfin, suite au rapport écrit par Hubert Dubedout (1983) des programmes de Développement Social des Quartiers (DSQ) voient le jour pour orienter l’action publique sur ces territoires. Ces rapports et les concrétisations auxquelles ils donnent lieu constituent trois des piliers majeurs de l’instauration de la politique de la ville en France.

Du côté des habitant-e-s des quartiers ainsi désignés, une marche pour l’égalité est lancée en 1983 à partir des Minguettes, avec notamment l’objectif de reconnaissance du peuple français issu de l’immigration. L’année suivante une « deuxième marche des beurs » est organisée.

En 1988, année d’apparition du Revenu minimum d’insertion (RMI), est créée une Délégation Ministérielle à la Ville (DIV) qui recense quatre cent « quartiers en difficultés ». Avec la politique de développement social urbain (DSU) lancée en 1989, l’objectif est de dépasser le développement social des quartiers et de penser ces derniers non de manière autonomes, mais réellement en lien avec la ville, sans coupure. C’est aussi l’année de la création du Haut Conseil à l’Intégration.

L’attention accrue autour des problématiques urbaines dans ces dernières décennies et les « émeutes » de Vaulx-en-Velin en 1990 conduisent à la création d’un ministère de la ville. La question de la jeunesse de ces quartiers est abordée lors des premières assises des jeunes de banlieues qui sont organisées à Lyon en 1992.

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Avec les contrats de ville qui viennent remplacer les conventions DSQ, l’objectif est de lutter contre la stigmatisation de ces quartiers et de lancer une politique sociale globale qui soit transversale et partenariale et qui implique fortement les collectivités territoriales par le biais d’une contractualisation avec l’Etat et les principaux partenaires locaux concernés. En ce qui concerne plus précisément le Grand Lyon, si certaines communes s’étaient déjà engagées dans la voie de la politique de la ville dès 1984, c’est au niveau de l’agglomération lyonnaise que la politique de la ville se concrétise avec la signature du premier contrat de ville de l’agglomération en 1992.

Le « Pacte de relance pour la ville » définit en 1996 des Zones Urbaines Sensibles (ZUS, 1996) : territoires étalon de la politique de la ville, qui comprennent des Zones de Redynamisation Urbaine (ZRU) et des Zones Franches Urbaines (ZFU)147.

Les contrats de ville sont revus en 1999 en vue d’une prolongation, et le programme de rénovation urbaine dessine des Grands Projets de Ville (GPV), synonyme d’opérations de renouvellement urbain de grande envergure, et des Opérations de Renouvellement Urbain (ORU) de taille plus modeste, mais qui demandent des moyens renforcés par rapport aux autres contrats de ville.

L’ensemble des évolutions de la politique de la ville au cours de ces décennies est caractérisé par la mise en place d’une politique globale, pensée en transversalité des différents enjeux et qui, bien qu’initiée par l’Etat, soit ancrée localement et fortement territorialisée. Les actions de politique de la ville sont pensées à la croisée des compétences étatiques et de l’implication des collectivités territoriales sur des territoires prioritaires qui font l’objet d’une politique de discrimination positive avec des moyens supplémentaires par rapport aux politiques de droit commun.

2. Evolutions de la politique de la ville depuis les années 2000

Les nouveaux contrats de ville sont effectifs à partir de 2000 et jusqu’en 2006. En 2000, la loi relative à la solidarité et au renouvellement urbains, dite loi SRU148, met à nouveau l’accent sur les questions de démocratie et de participation des habitants, déjà mises en avant tout au long de l’évolution de la politique de la ville et notamment dans la circulaire de 1998. La circulaire dite Jospin présente ainsi la participation citoyenne comme l’innovation majeure de la nouvelle forme des contrats de ville, or celle-ci était déjà au cœur du programme Habitat et Vie Sociale (1977). La loi du 27 février 2002 relative à la démocratie de proximité ira plus fortement dans ce sens en instituant des conseils de quartier au rôle consultatif. Avec la loi relative à la lutte contre les discriminations (2001), le Fond d’Action Sociale (FAS) devient le Fasild (Fonds d’action et de soutien pour l’intégration et la lutte contre les discriminations).

Suite au rapport de la Cour des Comptes de 2002 qui dresse un bilan critique de l’action de la politique de la ville durant ces trente dernières années, un Comité d’évaluation de la politique de la ville voit le jour. Puis en 2003, la priorité est donnée au renouvellement urbain avec le programme national de rénovation urbaine (PNRU) de la loi Borloo149 prévoyant des actions importantes de restructuration urbaine, avec des phases de démolition et de reconstruction. Ces opérations sont pilotées par l’Etat via l’Agence Nationale pour la Rénovation Urbaine (ANRU).

147 En fonction de la taille du territoire visé et du nombre d’habitants. Ces zones spécifiques bénéficient de mesures particulières (notamment sous la forme d’exonération fiscales et sociales).

148 La loi SRU, impose aux villes de plus de 3500 habitants de disposer d'au moins 20 % de logements sociaux. 149

Loi d’orientation et de programmation pour la ville et la rénovation urbaine du 1er aout 2003, dite loi Borloo.

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En 2004 est créée la Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité (HALDE) dotée d’un champ d’action bien plus large que celui de la politique de la ville puisqu’il concerne l’ensemble des discriminations (liées à l’âge, au sexe, à l’orientation sexuelle, à l’origine, à l’apparence physique, au handicap, à l’état de santé, aux opinions politiques ou religieuses, à l’activité syndicale, etc.). Le rapport annuel de la HALDE de 2005 précise que le critère de « l’origine » est celui principalement mis en avant dans les réclamations qui lui sont faites (39,6 %). La HALDE sera renforcée par la loi du 31 mars 2006 pour l’Egalité des chances avant de disparaitre lors de la création du Défenseur des droits (2011).

La loi de programmation pour la cohésion sociale de 2005 recentre les champs d’intervention sur des publics en proposant des réponses plus individualisées sur les questions de logement et d’emploi notamment. Ce plan de cohésion sociale préfigure la forme des futurs Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS).

L’automne 2005 verra éclater des phénomènes de « violences urbaines » dans de nombreux quartiers. Depuis ses débuts la politique de la ville s’est construite en réaction à des évènements remarquables et de plus en plus médiatisés, et notamment aux phénomènes qualifiés d’« émeutes urbaines ». C’est ainsi que la Loi sur l’égalité des chances voit le jour en mars 2006 créant l’Agence Nationale de Cohésion Sociale et d’Egalité des chances (ACSE) chargée de la mise en œuvre des programmes de développement social à destination des habiant-e-s des quartiers repérés comme sensibles.

Les contrats de ville arrivant à terme en 2006 sont remplacés par les Contrats Urbains de Cohésion Sociale (CUCS) en 2007. Ils ont pour vocation de coordonner l’ensemble des dispositifs politique de la ville et signent l’accélération du programme de rénovation urbaine, en créant une hiérarchisation des quartiers ciblés. La Délégation interministérielle à la ville (DIV) et les communes concernées réalisent ainsi un travail de priorisation (catégorie 1 à 3) dont dépend l'attribution de l'enveloppe budgétaire. Après quarante années d’expérimentation les CUCS veulent amorcer un changement de paradigme en proposant un glissement des crédits fléchés politique de la Ville vers des crédits dits de « droit commun ». L’objectif est notamment d’éviter la stigmatisation des quartiers prioritaires et de ne pas penser la ville indépendamment de ses quartiers.

L’avenir des Contrats Urbains de Cohésion Sociale est en ce moment expérimenté dans douze intercommunalités pour préparer les contractualisations suivantes (2014-2020) : « pilotés à l’échelle intercommunale, ces futurs contrats de ville seront adossés au projet de territoire de l’agglomération et traiteront à la fois des enjeux de cohésion sociale et de développement urbain. Le préfet, le président de l’EPCI et les maires devront mobiliser tous les acteurs institutionnels et de la société civile, y compris des habitants et veilleront à la mise en synergie de l’ensemble des politiques de droit commun »150.

Au regard de l’évolution de la politique de la ville dont nous venons de retracer les principaux évènements et dispositifs structurants, on observe finalement que « l’enjeu de gouvernance de la Politique de la Ville n’est pas de choisir une option plutôt qu’une autre, le territoire ou la population, les lieux ou les gens, mais de pouvoir traduire leur interdépendance croissante dans un même projet » (Avenel, 2013).

150 Source : http://www.ville.gouv.fr/?12-sites-pilotes-vont-prefigurer consulté le 21 juin2013. / XIV

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3. Les Contrats Urbains de Cohésion Sociale de Lyon

Parmi les cinq quartiers lyonnais classés en ZUS (zones urbaines sensibles) Mermoz et la Duchère constituent les deux quartiers concernés par un programme de rénovation urbaine (PRU). Pour la ville de Lyon, la « politique de la Ville est le nom donné à une politique de requalification urbaine appliquée à des quartiers défavorisés afin d'enrayer leur marginalisation. Le principe consiste à concentrer et à articuler sur ces sites prioritaires tous les objectifs urbanistiques, économiques, culturels et sociaux. Chaque quartier de Lyon est unique, avec son histoire, ses particularités, ses atouts ou ses faiblesses. Mais certains demandent une attention particulière et des moyens supplémentaires. Voilà pourquoi la Ville de Lyon, avec ses partenaires, travaillent ensemble et en partenariat avec les associations et les habitants des quartiers de la géographie prioritaire »151. La politique de la Ville est impulsée par le cabinet de l’adjoint au maire à la politique de la ville, Mr Lévêque, et portée techniquement par la Direction du Développement Territorial (DDT).

Trois axes de progression ont été retenus comme étant prioritaires pour l’avenant 2011-2014 du Contrat Urbain de Cohésion Sociale parmi lesquels on retrouve le développement social local et la participation des habitants et la lutte contre les discriminations.

Il est ainsi précisé qu’« à l’échelle des quartiers, la démarche de développement social local est portée par les projets de territoire et leur pilotage par les équipes projet. Le partenariat construit entre la ville de Lyon et les acteurs structurants des territoires que sont les Centres Sociaux, les MJC et les Maisons de l’Enfance joue un rôle central »152. Concernant la participation des habitant-e-s, ces structures sont perçues comme des « relais incontournables de l’action publique de développement des territoires » (ibid., p.18) avec l’objectif général d’un renforcement des ressources des habitant-e- s par des actions collectives et d’accompagnement, la poursuite du recours à l’expertise d’usage et la consolidation des démarches de concertation.

Concernant le volet « prévention et lutte contre les discriminations » celui-ci est décrit comme « la déclinaison de la politique égalité globale conduite par la Ville de Lyon au regard du contexte spécifique des territoires prioritaires […] et correspond à un engagement volontariste et transversal à tous les niveaux du contrat urbain de cohésion sociale, en se déclinant dans ses axes de travail territoriaux et thématiques » (p.19). Stipulons ici que « la politique en faveur de l’égalité de la Ville de Lyon a pour cadre les lois qui prohibent la discrimination. La référence est bien l’égalité en droit et non les inégalités socio-économiques, spatiales ou culturelles ». Par ailleurs, la ville de Lyon précise que « la discrimination est une inégalité de traitement fondée sur un critère prohibé. Les discriminations peuvent être cumulatives et sont souvent peu visibles. Elles ne constituent pas que des actes isolés et répétés mais peuvent être de nature « systémique » et ont pour conséquence de fragiliser la cohésion sociale en remettant profondément en cause le pacte républicain. Les discriminations sont à la fois définies juridiquement en tant que délit et systémiques, c'est-à-dire coproduites » (p.31). Concrètement il s’agit d’accompagner les opérateurs/trices pour qu’illes deviennent des acteurs/trices de l’égalité, d’intégrer des plans d’action égalité dans les projets de territoire et de traiter le ressenti discriminatoire en mettant en œuvre des expérimentations. Enfin, en ce qui nous concerne ici, il s’agit de « renforcer la prise en compte de l’égalité entre les femmes et les hommes », l’enjeu étant « de reconnaitre les besoins particuliers et la situation des femmes des quartiers afin de développer de nouvelles approches par une meilleure connaissance des discriminations et stéréotypes que subissent ces femmes » (p.19). Ces thématiques sont portées plus particulièrement par la Mission égalité de la Ville de Lyon qui coordonne la mise en œuvre et la déclinaison opérationnelle de cet axe « prévention et lutte contre les discriminations ». La Mission

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Source : http://www.polville.lyon.fr/polville/ 152 Avenant au CUCS 2011-2014, p.17.

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Egalité est présentée à ce titre comme « un outil et une ressource au service des thématiques, des territoires et des acteurs » (p.20).

Enfin, l’avenant 2011-2014 stipule que le quartier Mermoz a été retenu comme territoire d’expérimentation pour préparer la prochaine génération des contrats urbains. « Il s’agit notamment de veiller sur ce quartier à une attention accrue de l’Etat sur trois thèmes prioritaires (éducation, emploi et sécurité), auxquels il a été décidé localement de rajouter la santé, la culture et la GSUP, se traduisant par de nouveaux engagements de moyens de droit commun » (p.9).

SOURCES : Sitographie http://www.polville.lyon.fr/polville/sections/fr/les_quartiers/mermoz/ http://www.polville.lyon.fr/polville/sections/fr/les_quartiers/la_duchere http://www.polville.lyon.fr/polville/sections/fr/les_quartiers/vaise/?aIndex=0 http://www.aquitaine.drjscs.gouv.fr/IMG/pdf/BOISDe_la_politique_de_la_ville_aux_Contrats_Urbai ns_d.pdf http://www.polville.lyon.fr/static/polville/contenu/CUCS/concertation_nationale/reperes- historiques.pdf http://www.ladocumentationfrancaise.fr/dossiers/d000077-la-politique-de-la-ville-a-l-epreuve-des- violences-urbaines-de-2005/qu-est-ce-que-la-politique-de-la-ville Bibliographie

- Avenel, C. (2013). La Politique de la Ville en quête de réforme, La Vie des idées. URL : http://www.laviedesidees.fr/La-Politique-de-la-Ville-en-quete.html

- Bonnemaison, G. (1982). Face à la délinquance : prévention, répression, solidarité – Rapport au premier ministre. Paris : La Documentation française.

- Dubedout, H. (1983). Ensemble, refaire la ville. Paris : La Documentation française.

- Schwartz, B. (1981). L'Insertion professionnelle et sociale des jeunes – Rapport au Premier ministre. Paris : La Documentation française.