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2.4 Gravure par voie électrochimique

2.4.1 Rappels théoriques

Dans cette partie seront faits certains rappels théoriques en électrochimie, physique de semi-conducteur et électrochimie de semi-conducteur.

(a) Électrochimie

Par définition, un système électrochimique est composé de deux électrodes plongées dans un milieu électrolytique chacune reliée par un circuit extérieur. La Figure 2.21 illustre les différents composants d’un tel système. Il existe un équilibre de charge impliquant que, si une oxydation apparaît sur une électrode, une réduction a lieu sur l’autre. Par convention, l’électrode subissant l’oxydation est appelée anode et celle subissant la réduction cathode. On parle alors d’oxydation anodique et réduction cathodique. L’anode et la cathode sont séparées par un milieu isolant électrique mais conducteur ionique, appelé électrolyte, dans lequel vont se déplacer les ions. Lors d’une réaction d’oxydation, les électrons quittent l’anode puis circulent dans le circuit électrique pour venir se recombiner à la cathode, tandis que les ions formés par la réaction traversent l’électrolyte. Par conservation de la charge, le nombre d’électrons cédés à l’anode est toujours égal au nombre d’électrons gagnés à la cathode. De par ces caractéristiques, il est possible d’identifier l’anode et la cathode comme des réactifs dont la puissance oxydante/réductrice peut être modulée par la tension et/ou le courant appliqué. Ainsi, en augmentant le potentiel aux bornes des électrodes il est possible de favoriser une réaction, de l’amplifier, voire même de provoquer des réactions secondaires (décomposition de l’électrolyte, formation de dihydrogène. . . ) On distingue deux types de réactions se produisant à la surface des électrodes :

– Les réactions faradiques : réactions avec transfert d’électrons (oxydation/réduction) suivant la loi de Faraday,

– Les réactions non faradiques : réactions associées à l’existence d’une double couche électrochimique à l’interface électrode/électrolyte, qui engendre des courants capa- citifs.

Figure 2.21 Illustration d’un système électrochimique lors de la porosification (ou oxydation) de germanium

Les réactions faradiques sont souvent majoritaires et facilement contrôlables via le potentiel ou le courant appliqué. Elles font intervenir des couples d’oxydant-réducteur capables de s’échanger des électrons. Plus précisément, l’oxydant est un corps susceptible de capter des électrons et le réducteur de céder des électrons. La relation les liants est la suivante :

oxydant+ n.e ↔ reducteur (2.5)

En l’absence de courant, le potentiel à l’équilibre thermodynamique s’exprime selon la loi de Nernst tel que :

Eredox= E0+

R.T n.F. ln

[Ox]

[Red], (2.6)

avec E0 le potentiel standard du couple, R une constante équivalente à 8.31 J mol−1 K−1,

T la température en K, n le nombre d’électron selon l’équation 2.5, F la constante de

Faraday (96 485.3329 As mol−1), et [Ox] et [Red] les concentrations respectives d’oxydant

et de réducteur.

Pour favoriser l’oxydation ou la réduction, il est nécessaire de se placer respectivement au-dessus ou en dessous de ce potentiel. On parle alors de surtension d’électrode η lorsque

le système électrochimique est traversé par un courant :

η= Eappl− Eredox, (2.7)

avec Eappl la tension appliquée au système électrochimique.

Le transfert de charge

L’échange de charges entre la solution et l’électrode, ou transfert de charge, s’effectue à travers la double couche électrochimique. La vitesse de ce transfert de charge dépend du potentiel de l’électrode. Dans le cas d’une réaction redox sur électrode, des électrons sont simultanément acceptés et donnés par l’électrode. La Figure 2.22 ci-dessous illustre ces échanges. Par convention, le courant circule en sens inverse à celui des électrons. Ainsi, le courant d’oxydation I+ est positif (les électrons vont vers l’électrode) et le courant de réduction I- est négatif (les électrons vont vers l’électrolyte). Le courant total I est la somme des courants d’oxydation et de réduction, tel que :

I = I++ I− (2.8)

Lorsque la surtension η augmente, I+augmente et Idiminue. Au potentiel d’équilibre, les

courants d’oxydation et de réduction s’égalisent. On nomme cette valeur commune, courant

d’échange I0. Les courants partiels sont proportionnels aux concentrations volumiques

des espèces COx et CRed à l’interface électrode/solution. Ces concentrations dépendent

notamment du potentiel de l’électrode et du potentiel de la double couche. Le courant total I s’exprime alors :

I= n.F.S.(k+.CRed− k−.COx) (2.9)

Dans cette expression, n est le nombre d’électrons impliqués dans la réaction électrochi-

mique, S la surface de l’électrode et F le faraday (96 485.3329 As mol−1). Les grandeurs

k+ et k− homogènes à une vitesse (m s−1) sont appelées respectivement constantes de vi-

tesse d’oxydation et de réduction et traduisent les cinétiques réactionnelles à la surface de l’électrode.

Le transport de masse

Le courant issu des réactions faradiques au voisinage de l’électrode est dépendant de l’apport de matière au sein de l’électrolyte, appelé transport de masse, qui se distingue en 3 processus :

Figure 2.22 Illustration du transfert de charge à l’interface électrolyte/élec- trode. La longueur des flèches est proportionnelle à la quantité de charges qui traverse la double couche électrique dans chaque direction par unité de surface et par unité de temps. [93]

– Diffusion : déplacement sous l’effet d’un gradient de concentration. La diffusion n’existe que s’il y a consommation ou production d’une espèce, c’est-à-dire essentiel- lement au voisinage de l’électrode,

– Migration : déplacement sous l’effet du champ électrique,

– Convection : transport sous l’effet d’un mouvement mécanique de l’électrolyte (agi- tation).

Ainsi, le flux total d’espèce réactive (JT otal) se trouvant au voisinage d’une électrode s’ex-

prime :

JT otal= JDif f usion+ JM igration+ JConvection (2.10)

avec

JDif f usion = −D.grad(C) (2.11)

JM igration= C.µ.grad(ϕ) (2.12)

JConvection= ν.C (2.13)

où D est le coefficient de diffusion de l’espèce réactive (cm2 s−1), C la concentration

grad(ϕ)= -E l’expression du champ électrique (V cm−1).

Étapes limitantes

La vitesse de réaction globale d’un système électrochimique est dépendante des cinétiques intervenants au sein de ce système. Ainsi l’étape la plus lente définira la vitesse de réaction globale. On parle d’étape limitante. Plus précisément, ces étapes sont définies comme :

– Surtension de diffusion, intervenant lorsque l’étape limitante est le transport de matière par diffusion,

– Surtension d’activation, intervenant lorsque l’étape limitante est le transfert de charge à l’interface électrode / électrolyte et donc dépendant du potentiel et de la nature de l’électrode.

Il est possible de déterminer les paramètres qui en découlent, en appliquant la loi de Tafel ou Bulter–Volmer. La première relie la surtension aux abords des électrodes et la densité de courant traversant le système, tandis que la seconde est utilisée et valide lorsque seul le transfert de charge est limitant (où par exemple les concentrations aux abords des électrodes restent les mêmes que celles dans la solution).

(a).ii. Les réactions non-faradiques

Les réactions non faradiques sont directement reliées à la double couche électrochimique présente à l’interface. Cette couche est une zone contenant une séparation de charge qui dépend du potentiel et de la nature chimique des ions présents.

Différents modèles théoriques se sont développés avec les années pour décrire la double couche électrochimique. Le modèle initial est attribué à Helmholtz et qui peut s’assimi- ler à un condensateur dans lequel les ions sont adsorbés à la surface et possèdent une charge opposée à celle de l’électrode [94]. Plus tard, Gouy et Chapman développèrent cette théorie en y implantant la théorie de la couche diffuse, reliée à l’agitation thermique et dont le potentiel de surface décroit de façon exponentielle en fonction de la distance entre l’ion et l’électrode [95, 96]. Ensuite, Stern combina ces deux théories en une seule, couche compacte d’Helmholtz suivie de la couche diffuse de Gouy-Chapman, fournissant une description relativement correcte du comportement électrique de l’interface électro- de/électrolyte pour la plupart des systèmes [97]. Grahame reprit par la suite le modèle de Stern en y ajoutant une couche interne d’Helmholtz faite d’ions non solvatés permettant d’expliquer l’adsorption spécifique [98]. Enfin, Bockris, Devanathan et Müller proposèrent le model BDM incluant l’action du solvant à l’interface [99]. Une représentation schéma-

tique des modèles de Helmholtz, Gouy-Chapman, Stern et BDM est montrée en Figure 2.23 ci-dessous.

Figure 2.23 Représentation schématique des modèles de double couche électro- chimique (de gauche à droite) Helmholtz, Gouy-Chapman, Stern et BDM, avec (1) couche interne d’Helmholtz, (2) couche externe d’Helmholtz et (3) couche diffuse de Gouy-Chapman.

(b) Physique de semi-conducteurs

Les semi-conducteurs sont des matériaux dont la conductivité électrique se trouve entre celle des métaux et des isolants. Ce comportement peut être décrit par la théorie des bandes qui stipule qu’un électron dans un solide ne peut prendre que des valeurs d’éner- gie comprises dans un certain intervalle, appelé bandes. L’illustration de cette théorie est montrée en Figure 2.24. Ces bandes sont issues du principe d’exclusion de Pauli qui énonça que deux électrons appartenant à un même système ne peuvent se trouver dans un même état quantique et donc à un même niveau d’énergie. Ce concept amène une perception non plus de niveau discret, mais continu sur une fenêtre spécifique d’énergie, représentée alors par des bandes. Alors qu’un isolant aura une bande interdite importante entre sa bande de conduction et de valence, empêchant toute conduction électronique, un métal à l’inverse verra sa bande de conduction et de valence se chevaucher, permettant aux électrons de circuler librement dans tout le solide. Dans ce cas, l’énergie de valence

EV est supérieure à l’énergie de conduction EC. Le semi-conducteur, comme l’isolant,

a ses deux bandes séparées par une bande interdite, appelée plus couramment « gap » et dont la largeur inférieure à l’isolant lui permet de conduire le courant via l’apport d’énergie extérieure (chaleur, champ électromagnétique, lumière. . . ). L’intérêt porté aux semi-conducteurs s’explique donc par la présence de ce faible « gap », qui dépendamment

de son énergie EG, peut amener des propriétés variées pour un même élément. Le silicium

notamment, semi-conducteur du groupe IV, a inondé les marchés de l’opto-électronique, l’épitaxie ou encore la microélectronique.

Figure 2.24 Schéma théorique établi selon la théorie des bandes d’énergie in- diquant la position respective de la bande de valence et de la bande d’énergie pour un métal, un semi-conducteur et un isolant

Un autre aspect important participant à la théorie des bandes est celui de l’énergie de

Fermi EF, qui représente le niveau maximal d’énergie que peut prendre une charge pour

passer de la bande de valence à la bande de conduction et inversement le niveau mini- mal d’énergie que peut prendre une charge pour passer de la bande de conduction à la bande de valence. Intrinsèquement, le niveau de Fermi divise la bande interdite en deux moitiés égales. Cependant, il est possible de venir modifier ce niveau par l’insertion de dopant au sein de semi-conducteurs. Ces dopants viennent modifier la densité de porteurs majoritaires et ainsi accentuer les propriétés électriques du matériau. On identifie ainsi les dopants de type N, augmentant la densité d’électrons et rapprochant l’énergie de Fermi proche de la bande de conduction, et les dopants de type P, augmentant la densité de trous et rapprochant alors le niveau de Fermi proche de la bande de valence.

(c) Électrochimie de semi-conducteurs

Théoriquement, mettre en contact un électrolyte avec un semi-conducteur revient à mettre en contact un métal avec un semi-conducteur [100]. En effet, lors de l’immersion d’une élec- trode semi-conductrice dans un électrolyte, les potentiels électrochimiques se répartissent à l’interface. La Figure 2.25 ci-dessous illustre la double couche électrochimique dans le cas d’une interface semi-conducteur/électrolyte, ainsi que la variation des potentiels dans chacune des phases. Cette répartition à l’interface nécessite un flux de charge d’une phase

Figure 2.25 Représentation de (en haut) la double couche électrochimique et (en bas) la répartition du potentiel, à l’interface semi-conducteur et électrolyte

à l’autre, forçant les niveaux de Fermi à s’équilibrer et entraînant ainsi la courbure de bande dans le semi-conducteur. Ceci entraîne l’apparition d’un contact ohmique ou d’une diode Schottky dépendamment du type de dopage du semi-conducteur et plus précisément

dépendamment de la différence entre l’affinité électronique χS d’un semi-conducteur et du

travail de sortie ϕm d’un électrolyte. La Figure 2.26 ci-dessus représente le diagramme de

bande avant équilibre des niveaux de Fermi (à gauche) et après équilibre (à droite) quand un semi-conducteur de type P est en contact avec un électrolyte. L’énergie de Fermi d’un

électrolyte est fonction du potentiel de Nerst Eredox et du niveau d’énergie d’un électron

dans le vide e0 et s’exprime de la façon suivante [101] :

Figure 2.26 Diagramme de bande d’une interface semi-conducteur de type p/- électrolyte (a) avant mise en contact et (b) à l’équilibre

La courbure obtenue entraîne également une déplétion des porteurs majoritaires proche de l’interface. Cette zone de déplétion est appelée zone en charge espace (Space Charge

Region en anglais, SCR) et est directement reliée à la barrière énergétique qui se forme

à l’interface, de potentiel ϕB. On parle alors de barrière Schottky. Le courant pouvant

traverser cette interface est principalement dû aux porteurs majoritaires, c’est-à-dire les trous pour un type p et les électrons pour un type n. Ce courant se propage selon trois mécanismes distincts :

– Diffusion des porteurs du semi-conducteur au métal. La théorie de la diffusion sup- pose que la force motrice est répartie sur la longueur de la zone de déplétion. Son équation est la suivante :

JD= q.µn.εmax.Nc.[exp (

Va

Vt) − 1]

(2.15) – Émission thermoionique des porteurs à travers la barrière Schottky. La théorie des émissions thermoioniques postule que seuls les porteurs ayant une énergie égale ou supérieure à l’énergie de barrière à l’interface métal-semi-conducteur contribuent au flux de courant. Elle est notamment proportionnelle à l’agitation thermique des porteurs. Elle s’exprime selon l’équation suivante :

JD = q.νR.Nc.exp( ϕB Vt) . [exp ( Va Vt) − 1] (2.16) – Effet tunnel à travers la barrière Schottky. Cet effet prend en compte la nature ondulatoire des électrons, leur permettant de pénétrer à travers des barrières isolantes

minces. Plus la barrière est mince, plus cet effet participe au courant. Son expression est la suivante : JD = q.νR.n.exp⎛ ⎝ 4 3. √ 2.q.m∗ h̵ . ϕ 3 2 B ξ ⎞ ⎠ (2.17)

où q est la charge élémentaire, µn la mobilité électronique, νRla constante de Richardson,

NC la densité de porteurs dans la bande de conduction située aux abords de l’interface,

ϕB la hauteur de la barrière Schottky, Va le potentiel appliqué, Vt le potentiel thermique

(=0.26 eV à 293 °K), n la densité de charge disponible, m∗la masse effective d’un électron,

h̵ la constant de Planck, ξ le champ électrique de la SCR, équivalent à ϕB/L (avec L la

longueur de la SCR) et εmax le champ électrique à l’interface métal/semi-conducteur.

La Figure 2.27 est une simulation des différents mécanismes de courant intervenant dans le semi-conducteur. Il a été considéré ici une densité de porteurs dans la bande de conduc- tion NC équivalente à la densité de charge disponible n, soit 108 cm−2. De plus, le champ

électrique à l’interface métal/semi-conducteur fut fixé à une valeur de 1 V m−1. Enfin,

la longueur de la SCR fut définie à 13 nm, comme annoncé dans la littérature pour le germanium porosifié dans un électrolyte acide, sous pulse anodique [14].

On distingue dans la Figure 2.27-(a) l’évolution du courant de diffusion et de l’émission thermoionique en fonction de la tension appliquée, ainsi que la conduction par effet tunnel en fonction de la longueur de la zone charge espace. Dans la Figure 2.27-(b), les sommes respectives du courant de diffusion et l’effet tunnel, de l’émission thermoionique et l’effet tunnel, ainsi que la somme totale de tous les mécanismes participant au courant du semi- conducteur sont représentées. Les simulations montrent dans un premier temps l’influence supérieure de l’émission thermoionique (et cela sans variation de température) par rapport au courant de diffusion, avec l’augmentation de la tension appliquée. Cependant, dans le cas d’une tension faible, entre 0 et 0.1 V, c’est l’effet tunnel qui influencera majoritai- rement la densité de courant traversant le semi-conducteur. Ces résultats informent sur l’importance de ces mécanismes et plus particulièrement de celui intervenant lors de la gravure électrochimique sur le taux de gravure et donc l’évolution des nanostructures. Dans une jonction donnée, une combinaison des trois mécanismes pourrait exister. Cepen- dant, on constate généralement qu’un seul mécanisme domine, selon le potentiel appliqué. Cela dit, une différence de densité de courant importante peut être observée entre les courbes «diffusion + tunnel» et «thermoionique + tunnel», pouvant expliciter un méca- nisme favorisant l’électropolissage de la porosification. Cette limite en densité de courant varie selon le dopage du semi-conducteur ainsi que de la concentration en HF de l’élec- trolyte. Enfin, dans le cas présent où le métal est un électrolyte, le courant traversant la jonction est directement proportionnel au courant de transfert de charge et transport de

Figure 2.27 Simulation des courants traversant le semi-conducteur

masse, et donc majoritairement limité par les cinétiques réactionnelles ainsi que le flux total d’ion se déplaçant au voisinage de l’électrode.