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2.4 Gravure par voie électrochimique

2.4.3 Porosification électrochimique du germanium

La gravure électrochimique de germanium, développée à partir des travaux d’Ulhir, connaît un plus faible développement que pour le Si à cause de son coût, mais aussi à cause de sa porosification moins stable et moins rapide, limitée en épaisseur, et difficilement distin- guable de son régime d’électropolissage. Actuellement, trois régimes de gravure, en courant continu, courant pulsé bipolaire et courant pulsé bipolaire rapide ont été découverts avec des morphologies poreuses qui leur sont propres.

(a) Régime de gravure

(a).i. Courant continu

Un des articles fondateurs concernant la porosification électrochimique de Ge est celui de Fang et al. qui s’intéressèrent à l’influence de la résistivité du wafer, du type de dopage, de la nature de l’électrolyte, ou encore de l’illumination sur la nucléation et la croissance des pores [9]. Leurs études ont mis en évidence la formation particulière de macropores

ainsi que le phénomène de dissolution concurrent à la porosification. Via ce phénomène, une épaisseur critique de germanium poreux existe, empêchant une porosification linéaire et homogène en fonction du temps. Dans leurs discussions, ils amenèrent ainsi plusieurs hypothèses qui sont :

(i) Le mécanisme de gravure au fond des pores est majoritairement dû au courant issu de l’effet d’avalanche,

(ii) La présence d’une chimie et d’une cinétique de passivation qui vient diversifier la forme et la stabilité des pores,

(iii) La formation concentrique de pore secondaire autour d’un pore central liée à la surtension de potentiel à la surface des pores (illustré en Figure 2.30),

(iv) L’orientation cristalline variable des pores formés via la diminution de l’épaisseur de SCR et celui formé par la formation d’oxyde.

Figure 2.30 Illustration du modèle de formation des pores secondaires selon la surtension [9]

L’alternance entre un courant anodique et cathodique pour favoriser la passivation via la formation de liaison hydride, et donc augmenter l’épaisseur de poreux, a été démontrée pour la première fois par Choi et Buriak [107] pour un électrolyte à base d’acide chlorhy- drique. Cette étude initia alors l’utilisation de courant pulsé bipolaire pour optimiser la gravure électrochimique de Ge.

(a).ii. Courant pulsé bipolaire

À la différence du courant continu, la gravure pulsée bipolaire permet d’alterner entre pulse anodique et cathodique à une certaine fréquence. Les profils galvanostatiques et potentiostatiques de cette étude sont montrés dans la Figure 2.31 ci-dessous.

Figure 2.31 Profil de gravure par courant pulsé bipolaire sans initiation (à gauche) [10] et avec initiation (à droite) [11]

Garralaga Rojas et al. [10] furent les premiers à démontrer l’utilité de ce régime permettant d’obtenir une couche homogène de morphologie de germanium poreux spongieux sur wafer de 4”. Dans un premier temps, ils remarquèrent l’utilisation bénéfique de surfactant tel que l’éthanol pour la dissolution continue de la couche poreuse formée. Puis dans un second temps, ils proposèrent un mécanisme de passivation lors du pulse cathodique en deux étapes : réduction de l’oxyde de Ge en surface puis liaison des atomes de Ge avec l’hydrogène. La réaction de passivation est donnée comme :

Ge+ 4e−+ 4H+→ GeH4 (2.19)

Basés sur leurs observations, les auteurs indiquèrent également que la passivation appli- quée avait une durée de vie limitée, directement dépendante de la densité de courant de gravure ainsi que de la concentration de l’électrolyte. Plus tard, Garrala Rojas et al. [11] utilisèrent ce même régime pour le développement de double couche poreuse dont la po- rosité est fonction de la concentration d’électrolyte, de la densité de courant de gravure

et de la résistivité du substrat. Dans cette étude, ils furent aussi les premiers à utiliser une étape d’initiation par courant continu avant d’appliquer la recette de gravure pulsée bipolaire, cela afin de favoriser la nucléation des pores en surface et donc l’homogénéité de la couche poreuse gravée. Ils démontrèrent également la faisabilité de ce procédé pour l’obtention de multicouches poreuses nécessaires au bon détachement de cellules solaires multi-jonctions à haute efficacité [12].

Par la suite, Tutashkonko et al. s’intéressèrent plus particulièrement à l’émergence de nou- velles morphologies de germanium mésoporeux et renommèrent la technique par courant pulsé bipolaire (Classic Bipolar Electrochemical Etching en anglais, CBEE).

Dans une première étude, l’influence de la durée des pulses anodique/cathodique sur la for- mation de Ge poreux est montrée comme prépondérante, autant que la densité de courant de gravure et le temps de porosification [13]. Les auteurs mirent ainsi en évidence 6 nou- velles morphologies, dont les images SEM de chacune de ces morphologies sont montrées en Figure 2.32.

(a) Tubulaire avec de courts pores secondaires, (b) Tubulaire avec pores secondaires et tertiaires,

(c) Spongieux à haute porosité, (d) Spongieux à faible porosité, (e) Dendritique à haute porosité, (f) Dendritique à faible porosité.

Ainsi il est montré qu’en fonction de la densité de courant de gravure et du temps total de porosification, chacune de ces nanostructures peut être obtenue. Précisément, pour les fortes densités de courant, les pores suivent l’orientation cristalline du substrat, formant alors les pores primaires. Avec l’augmentation du temps total de gravure, la nucléation des pores secondaires sur les parois des pores primaires s’accentue au point de croître pour former des branches. Qu’ils soient secondaires ou tertiaires, les pores formés sur les parois ne suivent plus l’orientation du cristal mais bien les lignes de courant traversant le substrat. Deux orientations de gravure sont alors distinguées, l’orientation du cristal et celle du courant. Avec la diminution de la densité de courant, les morphologies colonnaires disparaissent pour laisser place au spongieux, l’orientation préférentielle n’étant plus celle du cristal mais celle du courant. Basés sur leurs observations, les auteurs conclurent que : (i) La formation de Ge mésoporeux est directement due à la migration des trous du Ge vers l’interface électrode/électrolyte, permettant la rupture des liaisons Ge-Ge par les ions F−.

Figure 2.32 Images SEM en vue de côté des 6 morphologies possibles de Ge mésoporeux par CBEE [13]

(ii) Les morphologies mésoporeuses spongieuses sont dues à une diffusion et une émission thermoionique des porteurs de charges majoritaires passant du substrat de Ge vers l’électrolyte, à travers une zone charge espace (SCR) fine.

(iii) La conduction par effet tunnel est proposée comme mécanisme majoritaire pour la formation des morphologies tubulaires. Cependant, les auteurs indiquèrent que cette nanostructure ne peut être formée que de cet unique effet et que d’autres mécanismes encore inconnus interviennent.

(iv) Tout comme pour le Si, le Ge subit une déplétion de charge dans ces cristallites amenant la distance entre deux pores égale à deux fois la largeur de sa SCR.

(v) Le changement de morphologies poreuses avec l’épaisseur s’avère inverse de ce qui a été observé sur Si et est expliqué par la réduction de concentration d’électrolyte au

fond des pores (dû à une diffusion limitée). Dans le Si, moins d’ions F− amène plus

de formation d’oxyde participant au processus d’électropolissage et prodiguant ainsi une porosité augmentée. Dans le cas de Ge, une diminution de la densité de pores est observée, induisant une diminution de porosité.

Dans un second article, Tutashkonko et al. [14] se sont intéressés à l’influence du temps de pulse de passivation sur la morphologie du poreux. Ils démontrèrent ainsi que dépen- damment du degré de passivation de surface, il est possible d’obtenir des nanostructures spongieuses (en bleu), ramifiées (en vert) ou en arête de poisson (en rouge), comme le montre la Figure 2.33.

Plus précisément, la morphologie spongieuse intervenant au plus haut degré de passivation est obtenue quand la surface complète du pore est passivée par l’hydrogène. Bien que ce phénomène reste encore méconnu, l’hypothèse de la formation des liaisons Ge-H lors de la cathodisation reste la plus répandue. Dans ce cas, la morphologie est déterminée par le champ électrique local, issu majoritairement des défauts du réseau cristallin ou des im- puretés ionisées, et donc par les lignes de courant pouvant rompre la barrière énergétique à l’interface. Ce phénomène favorise l’émergence de pore sphérique, caractéristique des nanostructures spongieuses. Pour les morphologies ramifiées et en arête de poisson, un plus faible degré de passivation est nécessaire.

Figure 2.33 a) Images SEM en vue de côté et illustration de germanium mé- soporeux composé des 3 morphologies spongieuse (en bleu), en arête de poisson (en rouge) et ramifiée (en vert), b) réaction électrochimique à la surface du Ge pour le pulse anodique et cathodique, et c) illustration de la nucléation et la croissance des pores en fonction du degré de passivation [14]

Notamment, ces dernières se forment quand seul le fond des pores est passivé, favorisant la nucléation sur les murs. La propagation des pores secondaires s’effectue alors en fonction de la largeur de la SCR mais aussi selon des orientations cristallines plus chimiquement stables. La différence entre la structure ramifiée et celle en arête de poisson se situe no- tamment sur la passivation complète ou partielle du fond des pores, provoquant dans le premier cas la nucléation de pores secondaires sur les murs et dans le deuxième l’élargis- sement du pore principal ainsi que la nucléation de pores secondaires proche de la pointe. Dans cette même étude, comme montré en Figure 2.33 (c), les auteurs analysèrent les réactions électrochimiques des pulses anodiques et cathodiques, qui peuvent se résumer par les équations de réactions suivantes. Ils distinguèrent d’abord pendant l’anodisation, l’hydroxylation du Ge entraînant la formation de liaisons pendantes et la recombinaison des ions fluor sur ces liaisons, produisant ainsi de l’acide hydrofluogermanique, produit de la porosification :

Ge+ 6HF + 4h+→ H2GeF6+ 4H+ (2.21)

Concernant la cathodisation, le processus de passivation est dû à la réduction de l’oxyde de surface formant ainsi des liaisons hydrogène, dont la réaction peut s’écrire :

Ge(OH)2+ 4H++ 4e−↔ GeH2+ 2H2O (2.22)

Pour résumer, Tutashkonko et al. contribuèrent grandement à la compréhension de la passivation sur la gravure électrochimique de Ge. Notamment, ils distinguèrent par leur modèle la variation de passivation qu’une surface peut subir, formant préférentiellement

des liaisons GeH2 ou GeH après réduction d’oxyde, permettant une gravure spécifique au

fond des pores ou sur les murs.

(a).iii. Courant pulsé bipolaire rapide

Dernièrement, Bioud et al. [15] proposèrent une nouvelle méthode de gravure consistant à appliquer un courant pulsé bipolaire avec initiation et avec des temps anodiques et cathodiques très courts, appelée gravure électrochimique bipolaire rapide (Fast Bipolar

Electrochemical Etching en anglais, FBEE). Via cette méthode il est possible d’obtenir

une morphologie spongieuse plus homogène, sur une plus grande épaisseur et répétable d’un échantillon à l’autre.

La Figure 2.34 illustre notamment les différences obtenues pour la FBEE dans cette étude par rapport à la CBEE. L’augmentation de la fréquence des pulses a permis d’observer des couches de poreux spongieux plus homogènes, comme montré dans la Figure 2.34-

(b). De plus, alors que la CBEE présente des taux de gravure entre 3 nm min−1 et 25

nm min−1 pour des valeurs de densités de courant entre 0.2 mA cm2 à 2.5 mA cm2,

la FBEE démontre un taux de gravure bien supérieur, entre 10 et 280 nm min−1 pour

des densités de courant allant de 2.5 mA cm2 à 23 mA cm2. Cette dernière technique de

gravure permet donc d’appliquer des densités de courant beaucoup plus élevées que pour la CBEE, augmentant drastiquement le taux de gravure. Cependant, sur cette même Figure 2.34-(c), les échantillons obtenus via FBEE présentent une porosité comprise entre 40 et 60% alors que la CBEE permet d’atteindre des valeurs extrêmes, telles que 20 et 80%. Ces résultats montrent le manque de flexibilité que fait preuve la FBEE dans l’obtention de couche poreuse à différentes morphologies et porosités.

Cependant, cette technique présente l’avantage de privilégier la dissolution tétravalente à la divalente et d’augmenter la vitesse de gravure, permettant d’atteindre des épaisseurs

Figure 2.34 Illustration des différences entre les régimes de gravure CBEE et FBEE selon (a) le profil galvanostatique, (b) les observations SEM en section et (c) les variations du taux de gravure et de la porosité en fonction de la densité de courant de gravure [15]

homogènes de morphologie spongieuse allant jusque 5 µm. Pour rappel, les équations de réaction divalentes et tétravalentes dans le cas de la porosification du germanium sont les suivantes :

Ge+ 6HF + 4h+→ GeF62−+ 6H+ (2.24) Dans leur modèle, les auteurs expliquent aussi qu’un faible temps de pulse permet de li- miter l’élargissement des pores et de conserver une cohérence structurale.

(b) Propriétés et applications

Les propriétés électrochimiques du germanium et germanium mésoporeux ayant été expli- quées dans les parties précédentes, seules les propriétés électriques, optiques, thermiques et mécaniques seront explicitées ici.

Les applications de germanium mésoporeux sont limitées par les difficultés de sa synthèse qui reste à être stabilisée et approfondie. Cependant, comme pour le silicium, porosifier le germanium permet de modifier certaines de ses propriétés, présentant des avantages par rapport à celles intrinsèques. Ainsi, il a été montré qu’en augmentant la porosité et en diminuant la taille des cristallites, il est possible d’élargir la bande interdite du Ge, permettant un confinement quantique partiel des charges [108]. Dans une autre étude, Beattie et al. [109] montrèrent que le germanium mésoporeux est 5 fois plus résistif que son substrat et qu’il est possible de modifier sa conductivité électrique par un recuit. Ils annoncent d’ailleurs que le Ge mésoporeux recuit pourrait être intéressant dans des appli- cations de stockage d’énergie. Bien que le recuit n’ait pas été effectué lors de cette thèse, il serait intéressant de l’effectuer pour les applications d’anode sur puce pour non seulement augmenter les taux de décharge mais également réduire la porosité et donc la surface spé- cifique à l’origine de la capacité irréversible.

Puisque la porosification vient modifier la bande interdite du Ge poreux, les propriétés optiques du nanomatériau s’en trouvent également modifiées. En effet, le phénomène de confinement optique vient radicalement modifier le déplacement des paires électrons-trous et ainsi réduire la formation d’exciton, particule reliée aux propriétés optiques d’un semi- conducteur. Ce phénomène de confinement quantique a déjà été observé dans des couches de Ge nanoporeux [110]. De même, l’influence de la porosité sur l’indice de réfraction a été étudié par Bioud et al. [15]. Ces caractéristiques font du germanium mésoporeux un candidat intéressant pour des dispositifs photovoltaïques [111]. Concernant les propriétés thermiques, le germanium mésoporeux a été montré comme candidat intéressant pour des applications d’isolant thermique en microélectronique [112] et également pour des appli- cations thermoélectriques et photovoltaïques [113]. En effet comme démontré dans ces études, porosifier le germanium permet de réduire sa conductivité thermique tout en amé- liorant sa diffusivité, en particulier dans le cas de structures poreuses anisotropes. Isaev et al. [113] annoncent notamment dans leurs travaux une diminution de 96.6% de la conduc-

tivité thermique du Ge après porosification.

Enfin, pour ce qui est des propriétés mécaniques, la porosification est connue pour réduire de façon drastique le module de Young dans le Si mésoporeux, faisant de ce matériau un candidat optimal pour les substrats flexibles [7]. Ce type de substrat, par sa nanostruc- ture, est capable d’accommoder les désaccords de mailles avec les matériaux crûs à sa surface par épitaxie et permet une croissance de matériaux 2D à faible densité de dislo- cation. Boucherif et al. [114] et Bioud et al. [115] furent des précurseurs dans ce domaine, le premier en démontrant expérimentalement l’utilisation de Ge mésoporeux en tant que substrat compliant pour la croissance de semi-conducteur de groupe III-V et le deuxième pour avoir exploré et démontré l’efficacité de substrat Ge/Si mésoporeux sur la diminution de densité de dislocation passant de 108 à 104 cm−2.

(c) Défis et objectifs

Au vu de l’état de l’art présenté précédemment, il apparaît clairement des opportunités d’études du germanium mésoporeux pour des applications en microélectroniques, thermo- électriques, photovoltaïques et stockage d’énergie. Concernant cette dernière application, la démonstration de l’efficacité du Ge mésoporeux sur puce, avec et sans revêtement de gra- phène, est nécessaire et attendue. Cette application est l’objet du Chapitre 3. Cependant, malgré de récents développements, la porosification du germanium souffre d’un manque de stabilité et de flexibilité dans les recettes existantes et les morphologies découvertes. De plus, il est nécessaire d’ouvrir les possibilités quant aux morphologies pouvant être obtenues par le dernier régime découvert par Bioud et al., la FBEE [15]. Ainsi, l’étude du Chapitre 4 se concentrera sur l’émergence de morphologies tubulaire et colonnaire par FBEE et sur la compréhension des mécanismes physiques intervenant dans cette synthèse, avec toujours une perspective dans l’application d’anode sur puce.