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Quelques rappels sur l’analyse linéaire

Comme détaillé au chapitre 2, le modèle de l’état de l’art des instruments de la famille des flûtes s’écrit sous forme d’un système d’équations différentielles à retard de type neutre :

x(t) =˙ f(x(t),x(tτ),x(t˙ −τ), λ). (8.1) On rappelle queλest le vecteur des paramètres,τ le retard lié à la pression d’alimentationPm1, et x le vecteur des variables d’état, constitué des projections sur chaque mode de résonance de la vitesse acoustique vac adimensionnée. On rappelle également qu’en pratique, les variables temporelles du modèle, et la vitesse acoustiquevac sont adimensionnées (voir chapitre2).

Le modèle de l’état de l’art admet pour toutes valeurs des paramètres une solution statique xs, qui correspond à une situation où l’amplitude acoustique dans l’instrument est nulle (pas de son). Comme rappelé en section2.3.4, les propriétés de stabilité dexs peuvent être déterminées par linéarisation des équations du modèle autour de cette solution. Plus précisément, ce sont les racines κ de l’équation caractéristique associée au système linéarisé autour de la solution statique qui déterminent le caractère stable ou instable de xs. On rappelle que dans le cas du système neutre étudié ici, cette équation caractéristique s’écrit de la façon suivante [95] :

det(κIA1A2e−κ˜τA3κe−κ˜τ) = 0, (8.2) oùI est la matrice identité. Cette équation transcendante possède une infinité de racinesκ, mais un nombre fini d’entre elles ont une partie réelle positive [95]. Pour un jeu donné de paramètres

1. On aτ= WU

j, où la vitesse de jetUjest reliée àPmpar la relation de Bernoulli stationnaireUj=q

2 ρPm.

paramètre valeur utilisée paramètre valeur utilisée

W (m) 4.25e−3 ρ (kg·m−3) 1.2

h (m) 1e−3 y0 (m) 0.1e−3

αi (m−1) 400 b (m) 0.4e−3

δd(m) 0.0036 cv (m·s−1) 0.4 Uj

αvc (S.U.) 0.6 fe (Hz) 23 ×44100

Table 8.1: Paramètres du modèle utilisés pour l’étude des transitoires d’attaque.

du modèle, l’existence d’une ou plusieurs racines ayant une partie réelle positive signe la nature instable dexs (se reporter à la section 2.3.4pour plus de détails).

Les parties réelles des racines κ sont représentées en figure 8.1a en fonction du retard adi-mensionné ˜τ, pour les paramètres donnés dans le tableau 8.1, et pour des coefficients modaux correspondant au doigté de sol 3 d’une flûte à bec alto Zen On Bressan (tableau 8.2). Cette analyse permet alors de détecter les bifurcations de la solution statique, qui correspondent à la traversée de l’axe<(κ) = 0 par une ou plusieurs valeurs propres. On s’intéresse particulièrement ici aux bifurcations de Hopf, caractérisées par la traversée de l’axe imaginaire par deux racines imaginaires pures conjuguées. Pour la plage de ˜τ représentée ici, la solution statique est instable.

Plus précisément, deux instabilités différentes, caractérisées par deux racines de parties réelles positives, sont présentes pour 0.98<τ <˜ 1.3. Ces deux branches de racines sont issues de deux bifurcations de Hopf, et sont ici associées à l’existence de deux solutions périodiques différentes.

Ces deux instabilités disparaissent respectivement en ˜τ = 0.17 et ˜τ = 0.08. Aux points de Hopf situés aux deux extrémités de ces branches, la partie imaginaire des valeurs propres nous ren-seigne sur la fréquence de l’instabilité introduite dans le système (voir section2.3.4). Cela permet ici de déterminer que ces deux instabilités sont respectivement liées au premier et au second re-gistres de l’instrument, c’est à dire à des oscillations périodiques à des fréquences proches de la première et de la seconde fréquence de résonance. En ˜τ = 0.98, ˜τ = 0.7 et ˜τ = 0.55, trois autres valeurs propres κ3, κ4 et κ5 traversent l’axe imaginaire. La figure 8.1b représente les valeurs propres responsables de ces bifurcations (i.e.celles qui traversent l’axe imaginaire) dans le plan complexe. Elle montre ainsi qu’il s’agit là encore de bifurcations de Hopf, donnant naissance à trois autres branches de solutions périodiques dont les fréquence au point de Hopf valent res-pectivement =(κ31 = 1173Hz, =(κ41 = 1516Hz, =(κ51 = 1864Hz. Dans ces expressions, ω1

est la première pulsation de résonance, variable utilisée pour l’adimensionnement des variables temporelles et fréquentielles du modèle (voir chapitre2). La multiplication par ω1 permet donc ici dere-dimensionner les variables fréquentielles. Par comparaison avec les coefficients modaux (voir tableau8.2), ces instabilités de la solution statique sont donc respectivement associées aux 3ième, 4ième et 5ième registres.

L’étude des valeurs propres du système linéarisé autour de la solution statique du modèle

per-0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 0

0.02 0.04 0.06 0.08 0.1 0.12 0.14 0.16

ω1 τ

Re(κ)

augmentation de P m

(a) Représentation en fonction du retard adimensionné de la partie réelle des valeurs propres du modèle linéarisé autour de sa solution statique. Les bifurcations sont mises en évidence par différents marqueurs. Seule une extrémité de chaquebranche de valeurs propresest soulignée (l’autre extrémité étant associée à la même instabilité de la solution statique).

5

0

-5 -0.5 0 0.5

−1 −0.5 0 0.5 1

−5 0 5

−1 −0.5 0 0.5 1

−5 0 5

(b) Pour chaque bifurcation mise en évidence en figure 8.1a, représenta-tion dans le plan complexe des va-leurs propres traversant l’axe imagi-naire au point de bifurcation.

Figure8.1: Analyse de stabilité linéaire de la solution statique du modèle, pour des coefficients modaux correspondant à un doigté desol 3.

paramètre valeur paramètre valeur paramètre valeur a0(m2·kg−1) 11.22 b0 1.6 c0(s−1) 3.31 a1(m2·kg−1) 22.36 ω1(rad·s−1) 2511 Q1 44.9 a2(m2·kg−1) 16.39 ω2(rad·s−1) 5113 Q2 59.64 a3(m2·kg−1) 12.64 ω3(rad·s−1) 7570 Q3 67.2 a4(m2·kg−1) 10.55 ω4(rad·s−1) 9719 Q4 73.57

a5(m2·kg−1) 10.32 ω5(rad·s−1) 11910 Q5 79.99

Table8.2: Coefficients modaux associés au doigté de sol 3 d’une flûte à bec alto Zen OnBressan, déterminés parfitde l’admittance calculée avec WIAT [97] à partir des dimensions géométriques de l’instrument.

met ainsi de prédire les seuils d’existence de différentes branches de solutions périodiques, ainsi que la fréquence d’oscillation au seuil (voir par exemple [105] ou [96] pour une démonstration).

Cependant, comme on l’a vu au chapitre2, les solutions périodiques n’étant pas nécessairement stables après le point de Hopf qui leur donne naissance, cette analyse ne permet pas de déter-miner le seuil d’oscillationobservable de chaque solution périodique. Seule l’analyse du modèle non linéaire complet (voir chapitre2) permet alors de prédire ces seuils.

Différentes études [36, 5, 38] se sont intéressées aux informations fournies par l’analyse du gain en boucle ouverte (voir sections 1.3.6, 4.5.1) et B, démontrant sa capacité à fournir des informations sur la fréquence d’oscillation loin du seuil d’apparition des branches de solutions périodiques, ainsi que sur les seuils de changement de régime. Par ailleurs, on a vu précédemment qu’une telle analyse permet d’apporter un certain éclairage sur le mécanisme d’apparition des régimes quasi-périodiques dans les flûtes. Comme démontré en annexeB, cette analyse est théo-riquement identique à la résolution de l’équation caractéristique8.2. Cependant, comme souligné précédemment, il semble que l’analyse du gain en boucle ouverte réalisée dans [36, 38, 5] soit inexacte, car réalisée dans le domaine de Fourier et non dans le domaine de Laplace. Les résultats sont donc à considérer avec précaution.