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Intégration temporelle du modèle physique de l’instrument

˜t=ω1t

˜τ =ω1τ v(˜˜ t) = heαiW

bUj

vact)

(2.1)

ω1 est la première pulsation de résonance.

Par ailleurs, dans le cas de la simulation temporelle, un bruit blanc σ(t), de très faible amplitude (typiquement de variance 10−8), est ajoutée àη(W, t) de façon à initier les oscillations, c’est à dire à fournir la perturbation initiale qui va permettre au système de s’éloigner de la solution statique.

2.2 Intégration temporelle du modèle physique de l’instrument

Une approche classique [37, 38, 5] consiste à calculer des solutions du modèle à partir de conditions initiales, en utilisant un schéma d’intégration temporelle : la solution à un instant t est déterminée à partir de la solution aux instants antérieurs. La difficulté réside ici dans la présence, dans le système d’équations1.23, de la dérivée ˙vac(t−τ) d’une variable retardée. En effet, là où la plupart dessolverspermettent de résoudre des systèmes d’équations différentielles ordinaires (ODE, pour ordinary differential equations), il faut ici résoudre un système d’équa-tions différentielles à retard de type neutre (NDDE, pourneutral delay differential equations)1. Différents solvers adaptés aux équations différentielles à retard, non neutres (DDE pourdelay differential equations) ont cependant été développés depuis de nombreuses années (par exemple [141,127,125]), parmi lesquels quelques-uns sont adaptés aux NDDE [62,85,126].

2.2.1 Implémentation et choix du solver

Si le choix d’un solver spécifiquement dédié à la résolution de systèmes neutres (NDDE) peut paraîtrea priorile plus pertinent, l’option retenue ici consiste à utiliser l’environnement Simulink de Matlab, qui permet de résoudre des NDDE tout en utilisant un solver initialement dédié aux ODE, utilisant une méthode Runge-Kutta d’ordre 3 (méthode de Bogacki-Shampine [21]). Les variables retardées sont alors approchéesvia une interpolation linéaire entre deux échantillons calculés précédemment. Ce choix est motivé d’une part par la souplesse de l’environnement de programmation, mais surtout par la possibilié de faire varier certains paramètres pendant la simulation. On pense notamment aux paramètres de contrôle : pouvoir effectuer, par exemple, des rampes de la pression d’alimentation est indispensable dans le cadre d’une confrontation - même qualitative - avec des données expérimentales issues de mesures sur musicien ou sur bouche artificielle.

D’un point de vue théorique, la validité des résultats fournis par ce solver peut être question-née. Cependant, la comparaison avec les résultats issus de solvers dédiés aux systèmes neutres, que nous avons effectuée dans [137], permet de valider cette approche.

2.2.2 Premières illustrations

Un premier résultat de simulation temporelle du modèle physique de l’instrument est présenté en figure2.1 en terme d’amplitude et de fréquence d’oscillation, pour une rampe croissante et

1. Nous reviendrons plus en détails sur cette caractéristique du modèle au paragraphe2.3.

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6

retard adimensionneτ ⋅ ω 1 amplituded’oscillationdevac(m/s)

simulation − rampe decroissante deτ simulation − rampe croissante deτ

(a) Amplitude d’oscillation (crète à crète) devac(t) en fonction du retard adimensionnéτ ω1.

0 0.2 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 1.6

retard adimensionneτ ⋅ ω 1

frequenced’oscillation(Hz)

simulation − rampe decroissante deτ simulation − rampe croissante deτ

(b) Fréquence d’oscillation en fonction du retard adimensionné τ ω1. Les fréquences de résonance fk = ωk/(2π) sont indiquées par les lignes de points bleus à gauche.

Figure 2.1: Résultats de simulations temporelles du modèle de flûte, pour une rampe décrois-sante et croisdécrois-sante du retard ˜τ (correspondant respectivement à des évolutions non linéaires croissante et décroissante dePm). Le résonateur cylindrique de 16 mm de diamètre et de 40 cm de longueur est modélisé par une somme de 5 modes.

décroissante du retard adimensionné ˜τ. Comme souligné au paragraphe 1.3, ce paramètre est lié à l’inverse de la pression d’alimentation Pm. Le résonateur est ici modélisé par un cylindre sans trous de note, de diamètre 16 mm et de longueur 40 cm (ce qui est proche des dimensions typiques d’une flûte à bec alto [17]).

Ces premiers résultats mettent en évidence la capacité du modèle étudié à reproduire - au moins qualitativement - différents phénomènes bien connus expérimentalement :

• les changements de registres, qui se manifestent ici par les nombreux sauts d’amplitude et de fréquence observés lors de la variation continue de ˜τ. Bien connus des flûtistes, ils correspondent à des changements de note (le plus souvent à l’octave supérieure lorsque l’on passe du premier au second registre) obtenus en soufflant de plus en plus fort dans l’instrument. On en observe notamment sur la figure 2.2, qui représente l’évolution de la fréquence de jeu d’une flûte à bec alto Zen-On lors d’une rampe croissante puis décroissante de la pression d’alimentation réalisée à la bouche artificielle (voir section 3.2) pour un doigté2 de sol dièse 4.

• l’hystérésis associé à ces changements de registre. Comme le montre clairement la figure 2.1b, les sauts de fréquence et d’amplitude n’interviennent pas aux mêmes valeurs de τ˜ lors de la rampe croissante ou de la rampe décroissante de ce paramètre. Là encore, cette hystérésis associée au changement de registre est bien connue expérimentalement [36,116,5,139], et est elle-aussi visible sur la figure 2.2: si l’évolution de la pression avec le temps est symétrique (par rapport à t = 65s), ce n’est pas le cas de l’évolution de la fréquence.

• les sons éoliens. Ces régimes apparaissent pour des valeurs très faibles de la pression d’ali-mentation, avant l’apparition de la note recherchée pour le doigté considéré. Comme on l’a

2. Une tablature des doigtés des flûtes à bec est donnée en annexeD

0 500 1000 1500 2000 2500 3000 3500

frequence(Hz)

0 20 40 60 80 100 120

0 500

temps (s) P m(Pa)

−40

−20 0 20 40 60 80

C

A B D E

dB

Figure 2.2: Spectrogramme (en haut) de la pression acoustique mesurée à l’intérieur (sous la biseau) d’une flûte à bec alto Zen On, jouée par une bouche artificielle sur un doigté de sol dièse 4. Le profil croissant puis décroissant de la pression d’alimentation réalisé par la bouche artificielle est représenté en bas.

vu en section 1.3.6, ils correspondent à un couplage entre un mode acoustique du tuyau et un mode hydrodynamique du jet d’ordre supérieur à 1. Ces régimes sont caractérisés par une période d’oscillation plus petite que le retard τ, et apparaissent, comme le montre la figure 2.3, pour des valeurs de retard adimensionné ˜τ supérieures à 1.2 dans le cas de la rampe décroissante et supérieures à 1.4 dans le cas de la rampe croissante de ˜τ. On les retrouve expérimentalement dans les zones A et E de la figure 2.2.

• l’évolution de la fréquence de jeu avec la pression dans la bouche. La forte dépendance de la fréquence de jeu à la valeur de la pression d’alimentation est une caractéristique bien connue des flûtes (voir par exemple [34, 36, 101]), que l’on observe notamment sur les données expérimentales en figure 2.2 (zone C). Ce phénomène se retrouve nettement en simulation temporelle pour tous les régimes observés en figure 2.1b.

2.2.3 Discussion

Un des principaux avantages de la simulation temporelle réside dans la richesse et la com-plexité des régimes d’oscillation et comportements accessibles : régimes statiques (non oscillants), périodiques et non périodiques comme illustré en figure 2.4, transitoires entre régimes (parti-culièrement importants perceptivement [115,75]), ou encore effet de l’évolution temporelle des paramètres, problématique qui sera abordée au chapitre7. Bien sûr, l’accès à la synthèse sonore est également un avantage non négligable de cette méthode.

Sensibilité aux conditions initiales

Cependant, cette richesse et cette complexité des comportements peuvent aussi rendre dif-ficiles l’analyse et la compréhension du comportement du modèle, et de l’instrument réel : plus les régimes d’oscillation sont nombreux et variés, plus il est difficile de comprendre l’influence de

0 2 4 6 8 x 10−4 0

0.5 1 1.5 2 2.5

3x 10−3

τ (s)

T(s)

τ τ

τ = T

régimes

"normaux"

régimes éoliens simulation - rampe décroissante de simulation - rampe croissante de

Figure2.3: Simulation temporelle du modèle de flûte, pour une rampe décroissante et croissante du retard ˜τ, et pour un résonateur cylindrique de 16 mm de diamètre et de 40 cm de longueur modélisé par une somme de 5 modes. La représentation de la période d’oscillationT en fonction du retard permet de distinguer les régimeséoliens des régimesclassiques.

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8

−10

−5 0 5 10 15

vitesse acoustique vac (m/s)

temps (s)

0 0.1 0.2 0.3 0.4 0.5 0.6 0.7 0.8

0 500 1000 1500 2000

Pression d’alimentation Pm (Pa)

temps (s) egime

statique

egime non periodique

egime periodique

Figure 2.4: Illustration de la variété de régimes accessibles en simulation : vitesse acoustique (en haut) observée lors d’un transitoire d’attaque de la pression d’alimentation (en bas). Modèle de résonateur à 5 modes, correspondant au doigté de sol 3 d’une flûte à bec alto Zen-On.

temps (s)

Figure 2.5: Spectrogrammes (à gauche) de la vitesse acoustique vac obtenue par simulation du profil de pression d’alimentation Pm représenté à droite, pour un modèle de résonateur à 5 modes correspondant au doigté sol3 d’une flûte à bec alto Zen On Bressant. Le caractère aléatoire du bruit blanc (de variance fixe) superposé à la pression d’alimentation suffit à modifier le comportement du modèle d’une réalisation à une autre : dans un cas le régime périodique, obtenu après un transitoire d’environ 0.18s, a une fréquence de 1200Hz, alors que dans le second cas, le régime périodique est atteint après un transitoire d’environ 0.6s, et a une fréquence de 820Hz.

différents paramètres sur ces régimes. Cette difficulté est encore aggravée par la grande sensibilité du modèle à des modifications minimes des paramètres et des conditions initiales (qui peuvent d’ailleurs être considérées comme des paramètres). Une simulation pour un jeu de paramètres donné ne donne alors accès qu’à une vision parcellaire de la dynamique du système. Dans ce contexte, la comparaison qualitative des simulations avec des données expérimentales devient particulièrement complexe.

Une illustration de la forte sensibilité du modèle à des petites modifications des paramètres et des conditions initiales3est donnée en figure2.5. Tous les paramètres étant fixés pendant la durée des simulations, cette figure représente, à gauche, le spectre du signal obtenu en réalisant un transitoire d’attaque de la pression d’alimentation (représentée à droite). Les deux cas représentés sur les deux spectrogrammes ne diffèrent l’un de l’autre que par le bruit qui leur est ajouté, qui est aléatoire. Bien que la variance de ce bruit blanc soit la même dans les cas, et malgré sa très faible amplitude (de l’ordre de 10−8Pa) par rapport à la valeur de la pression d’alimentation, son caractère aléatoire entraîne de grandes différences dans le comportement du modèle. Dans un cas, le régime transitoire dure environ 0.18s, et le régime permanent est périodique de fréquence 1200Hz. Dans le second cas, la durée du régime transitoire atteint 0.6set le régime permanent demeure périodique, mais avec une fréquence de 820Hz.

Le fait d’obtenir de telles différences pour des paramètres quasi-identiques rend alors difficile non seulement la comparaison du comportement du modèle avec l’expérience, mais également la confrontation de différentes simulations du modèle entre elles.

Effet de la fréquence d’échantillonnage

Cette sensibilité des résultats aubruit demeure valable pour lebruit numérique, c’est à dire pour les approximations dues à l’échantillonnage et à la quantification des signaux. Mise en

évi-3. caractéristique bien connue des systèmes dynamiques non linéaires ! [13]

1.5 2 2.5 3 3.5 4 500

1000 1500 2000 2500

retard adimensionne ω

1τ

frequence d’oscillation (Hz)

fe = 44.1 kHz fe = 3 x 44.1 kHz fe = 10 x 44.1 kHz fe = 20 x 44.1 kHz

Figure 2.6: Illustration de l’influence de la fréquence d’échantillonnage fe sur les résultats d’intégration temporelle : fréquence de jeu obtenue lors de simulations d’une rampe décroissante du retard adimensionné ˜τ, pour différentes valeurs defe, tous paramètres constants par ailleurs.

Modèle de résonateur à 5 modes, correspondant au doigté defa 3 d’une flûte à bec alto Zen-On.

dence dans un contexte différent par Bergeot [16], cette sensibilité s’illustre ici par l’influence de la valeur de la fréquence d’échantillonnage fe utilisée pour l’intégration temporelle du modèle.

La figure 2.6 représente la fréquence des régimes périodiques observés lors de rampes décrois-santes du retard ˜τ. Le jeu de paramètres utilisé est identique pour toutes les simulations, mais des valeurs différentes de fe sont utilisées.

Les grandes différences observées sur ces résultats illustrent la nécessité d’utiliser des valeurs particulièrement élevées de la fréquence d’échantillonnage (pratiquement toujours supérieures à 1 MHz), afin de s’affranchir de son influence et d’accéder à des solutions du modèle cohérentes avec d’autres méthodes d’analyse [137]. L’intégration temporelle devient alors une méthode particulièrement coûteuse en temps : le calcul ne pouvant être parallélisé, la simulation d’une minute de son à une fréquence d’échantillonnage de 23×44100Hzdure de 4 à 5 heures.