• Aucun résultat trouvé

D’après les facteurs, un canal de flûte à bec présente classiquement différentes propriétés géométriques, illustrées en figure5.1:

• une convergence longitudinale, le canal étant moins haut en sortie qu’en entrée.

• une faible convergence transversale, le canal étant légèrement moins large en sortie qu’en entrée.

• une voûte dans le sens longitudinal, à la fois sur sa partie inférieure et sa partie supérieure.

La concavité du bouchon est cependant moins marquée que celle de la partie haute du canal. D’après Philippe Bolton, il s’agit principalement d’éviter que le bouchon ne soit convexe, ce qui est considéré comme un défaut important de l’instrument [22].

Figure 5.2: Flûte alto fabriquée par Philippe Bolton, la partie haute du canal a été évidée, de façon à pouvoir y insérer différentes pièces hautes (amovibles) de canal.

(a) Tête de la flûte évidée, sans pièce de canal.

(b) Une des pièces hautes de ca-nal est en place, maintenue en place par l’anneau noir.

(c) Même situation qu’en 5.3b.

L’entrée du canal est visible à droite.

Figure 5.3: Tête de la flûte permettant de modifier la partie haute du canal.

• des chanfreins en sortie du canal, qui forment avec l’axe du canal un angle d’environ 45 sur une profondeur d’environ 1mm.

Dans un instrument classique, le bouchon, qui délimite le bas du canal, est amovible. Il est donc possible, sans modifier aucune autre caractéristique de l’instrument, de changer la géométrie de cette partie du canal en créant plusieurs bouchons différents, qui pourront être intervertis.

Le cas de la partie haute du canal est plus délicat, puisque cette partie est directement taillée dans la tête de l’instrument. Sur un instrument réalisé à la main par un facteur, il est en effet impossible de disposer de plusieurs têtes de flûtes identiques, sur lesquelles il serait possible de ne modifier que la partie haute du canal. Un instrument a donc été spécialement conçu pour cette étude, dans lequel la pièce qui constitue la partie haute du canal est amovible. Comme pour le bouchon, différentes pièces peuvent donc être interverties.

Un modèle de flûte à bec alto couramment réalisé par Philippe Bolton (flûte alto en fad’après Bizey, diapason 392 Hz) a été adapté à cet effet : la partie de la tête qui constitue normalement la partie haute du canal est ici évidée (figures5.2et5.3a), de façon à pouvoir y insérer différentes pièces amovibles, qui sont maintenues en place grâce à une pièce conçue par V. Long et O. Pot (Service d’Etude et Réalisations Mécaniques du LMA) et réalisée à l’imprimante 3D (figures 5.3b et5.3c). Cette pièce assure également que chaque pièce haute de canal (que l’on appellera pièce haute dans la suite de ce chapitre) peut être repositionnée toujours de la même façon par rapport à la pièce basse du canal (bouchon).

Par combinaison de différents bouchons et de différentes pièces hautes, il est alors possible de modifier considérablement la géométrie du canal, tout en conservant exactement le même instrument par ailleurs.

Différents couples de pièces ont alors été conçus, dans le but d’une part d’étudier l’influence de certains points précis de géométrie du canal (convergence, voûte, chanfreins), et d’autres part, de tenter de caractériser la notiond’ouvertureévoquée par facteurs et musiciens. Certaines dimensions sont cependant fixées, et sont donc identiques quel que soit le couple de pièces considéré :

• la longueur du canal, égale à 66.5 mm

• la distance W entre la sortie du canal et le biseau, égale à 4.7 mm.

• la largeur du canal en entrée et en sortie, et par conséquent sa convergence transversale : la largeur est fixée à 14.5 mm en entrée et à 12.95 mm en sortie.

Cinq types de canaux ont été étudiés, dont les représentations schématiques et les dimensions sont données dans les tableaux5.1 et5.2:

• un canal optimal pour P. Bolton, c’est à dire un canal qui correspond à celui qu’il aurait réalisé dans le cas d’une flûte destinée à être jouée par un flûtiste professionnel. Munie de ces pièces de canal, la flûte correspond donc à un instrument non modifié, avec une hauteur de canal de 0.9mm en sortie et de 1.6mm en entrée.

• un canal droit, c’est à dire non convergent et sans voûte. Ce canal a donc une hauteur constante de 0.9mm le long de l’axe x, identique à la hauteur de sortie du canaloptimal.

Par ailleurs, le décalage y0 entre le bas du canal et le biseau (voir figure 5.1), paramètre connu pour avoir une influence importante sur le timbre [74], est lui aussi fixé de la même façon que pour le canal optimal.

• un canalconvergent, sans voûte, qui présente la même section d’entrée et la même section de sortie que le canal optimal. Là encore, la valeur de y0 est identique à celle choisie pour le canaloptimal.

• un canal jouable, c’est à dire que l’on pourrait éventuellement trouver sur un instrument de facteur, mais qui est jugé par le facteur plus fermé que le canal optimal réalisé précé-demment.

• un autre canal jouable, mais qui est cette fois jugé par le facteur plus ouvert que le canal optimal réalisé précédemment.

Parmi ces canaux, on peut noter que le canal droit et le canal convergent ne pourraient pas être observés sur des flûtes de facteur, dans le sens où ils font abstraction de certains éléments de géométrie communément admis comme indispensables. S’il arrive de trouver ces types de canaux sur des instruments bas de gamme fabriqués en grande série, ils permettent surtout ici d’étudier le rôle de la convergence et de la voûte. A l’inverse, on peut trouver les trois autres canaux (optimal, plus fermé et plus ouvert) sur des instruments destinés à être joués par des flûtistes professionnels. Ils correspondent simplement à des choix de facture différents. Deux groupes de canaux sont donc étudiés séparément dans les sections 5.3 et 5.4 de ce chapitre. Le premier groupe, qui comprend le canal droit, le canal convergent et le canal optimal, permet d’étudier l’influence d’éléments géométriques objectifs et mesurables. Le second groupe, qui comprend le canal optimal, le canal plus fermé et le canal plus ouvert est lui conçu dans le but de tenter de caractériser la notion d’ouverture de l’instrument. Suivant cette catégorisation, l’étude de l’influence des chanfreins rentre dans le premier groupe. Bien que largement étudiés par Blanc [18, 20], cette étude offre l’occasion d’observer leur rôle sur plusieurs canaux différents, et sur un instrument réalisé par un facteur. Pour l’ensemble des canaux, une série de mesures a donc systématiquement été réalisée avant et après la taille des chanfreins.

En complément de ces deux aspects, différentes séries de mesures ont également été réalisées en laboratoire au cours de la réalisation du canaloptimal. Plutôt que de lier de façon précise un élément géométrique à des propriétés sonores, l’objectif ici est plutôt de tenter de déterminer ce que cherche à obtenir le facteur, ce vers quoi il tend lors de la taille du canal, et les critères sur lesquels il s’appuie. Ces travaux sont présentés en section5.5

canaldroit

he= 0.9mm hs= 0.9mm y0 =−0.35mm

canalconvergent

he= 1.6mm hs= 0.9mm y0 =−0.35mm

canaloptimal

he= 1.6mm hs= 0.9mm y0 =−0.35mm

Table5.1: Représentation schématique et dimensions des canaux du groupe 1, étudiés en section 5.3.he est la hauteur du canal en entrée (i.e. du coté du musicien), hs est la hauteur du canal en sortie (i.e.du côté du biseau), et y0 le décalage (transversal) du biseau par rapport à l’axex (voir figure 5.1).

canalplusfermé

he= 1.4mm hs= 0.7mm y0 =−0.35mm

canaloptimal

he= 1.6mm hs= 0.9mm y0 =−0.35mm

canalplusouvert

he= 1.7mm hs= 1.1mm y0 =−0.35mm

Table5.2: Représentation schématique et dimensions des canaux du groupe 2, étudiés en section 5.4. he est la hauteur du canal en entrée (i.e.du coté du musicien), hs est la hauteur du canal en sortie (i.e.du côté du biseau), ety0 le décalage (transversal) du biseau par rapport à l’axex (voir figure5.1).

0 0.05 0.1 0.15 0.2 0.25 0.3 0.35

Figure 5.4: Exemple d’un signal Pm obtenu lors de la réalisation d’échelons de pression à la bouche artificielle, pour une pente maximale de la tension alimentant l’électrovanne fixée à 20 V/s (cas d’une attaque lente). Pcible repré-sente la valeur de pression atteinte à la fin de l’échelon, et la croix indique letemps de mon-tée, auquelPm est égal à 90% dePcible.

0 200 400 600 800 1000 1200 1400

0

Figure 5.5: Temps de montée de Pm mesu-rés lors de la réalisation à la bouche artificielle d’échelons dePm, représentés en fonction de la pression cible Pcible de l’échelon. Les attaques lentes sont représentées par des croix et les at-taques rapides par des cercles. Ces mesures ont été réalisés pour le canal droit, sur un doigté de si bémol, et le temps de montée est dé-fini comme le temps après lequel Pm diffère de Pcible par moins de 10%.

L’utilisation de la bouche artificielle asservie en pression décrite au chapitre 3 permet de caractériser le comportement de l’instrument, de façon objective, pour chaque configuration du canal. Pour chaque étape de conception du canal optimal, et pour chacun des autres canaux, différents profils de la pression d’alimentation Pm sont réalisés, au cours desquels la pression interne (sous le biseau), le débit d’air entrant dans l’instrument et le son rayonné sont mesurés :

• des rampes croissantes et décroissantes dePm, évoluant entre 20 à 920 Pa avec une pente a= 30P a/s.

• des montée rapides dePm suivies d’un plateau, simulant des transitoires d’attaques, pour deux temps de montée dePm différents. La figure5.4présente l’allure typique d’un signal Pm ainsi obtenu. Les temps caractéristiques de ces attaques étant trop courts pour que l’asservissement puisse fonctionner, il est important de noter qu’il n’est pas possible de contrôler et de reproduire précisément deux fois la même attaque, contrairement à ce qui est possible pour les rampes. L’électrovanne contrôlant la pression dans la bouche fonctionne alorsen boucle ouverte, c’est à dire sans boucle de rétroaction (voir chapitre3).

Cependant, il est possible de contrôler la pente maximale de la tension électrique envoyée à l’amplificateur de puissance fournissant un courant à l’électrovanne. Ce courant contrôlant directement l’ouverture de l’électrovanne et donc le débit d’air injecté dans l’instrument (voir chapitre3), il est possible, par suite, de limiter le temps de montée dePm. Ici, le fait de fixer la pente maximale de la tension à 20 V/s puis à 250 V/s permet d’obtenir des temps de montée dePm qualitativement différents, l’un correspondant à une attaquelente et l’autre à une attaquerapide.

Cette série de mesures est à chaque fois réalisée pour trois doigtés (une tablature des doigtés de la flûte à bec est donnée en annexeD). Ces trois doigtés sont associés à trois notes différentes :

un doigté def a3, un doigté desi bémol3, qui est un doigté de fourche, c’est à dire qu’il présente un trou fermé après un trou ouvert, et un doigté desol dièse4. Le choix de ces trois doigtés se fonde sur le fait qu’ils présentent des comportements différents, permettant d’explorer l’influence de la géométrie du canal sur différents phénomènes : lorsque Pm augmente, le doigté de f a 3 correspond généralement au cas classique d’une transition vers une note à l’octave supérieure, le doigté desi bémol 3 est connu pour présenter une transition vers un régime quasi-périodique (voir chapitre 4), alors que le doigté de sol dièse 4 est connu pour favoriser l’apparition de régimes éoliens (voir section1.3.6).