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Mécanisme d’apparition des multiphoniques de flûte à bec

4.3 Mécanisme d’apparition des régimes quasi-périodiques

4.3.2 Mécanisme d’apparition des multiphoniques de flûte à bec

Comme précédemment, mais cette fois pour le jeu de paramètres donnant naissance, en simulation temporelle, au régime quasi-périodique de type multiphonique, la confrontation entre le diagramme de bifurcations et les résultats de simulations permet de mieux comprendre l’origine du multiphonique.

Le diagramme de bifurcation du modèle pour le doigté desol 3 est représenté en figure4.19, en terme d’évolution de la fréquence des solutions périodiques avecPm. Il montre l’existence de nombreuses solutions périodiques pourPm= 4900 Pa, valeur à laquelle le régime quasi-périodique est observé en simulation. En ce point, les branches de solutions périodiques correspondant aux premier, second et troisième registres sont instables, alors que les branches associées aux quatrième et cinquième registres sont stables.

−1 −0.5 0 0.5 1

Figure 4.17: Représentation dans le plan complexe des multiplicateurs de Floquet asso-ciés au premier registre, au point de bifurca-tion (i.e.pour Pm = 761P a, en ronds bleus), et juste après la bifurcation (Pm = 767P a, en croix rouges). Le cercle noir représente le cercle unité. Les paramètres sont identiques à ceux utilisés pour le diagramme de bifurcation 4.15.

Figure 4.18: Signal de vitesse acoustique (en haut) obtenu lors de la simulation temporelle d’une rampe décroissante de Pm (en bas) se terminant par un plateau àPm= 762P a, juste au-dessus du seuil de transition vers le premier registre prédit par le diagramme de bifurcation 4.15. Juste au-dessus de ce seuil, le spectre met en évidence une fréquence de modulation de 27Hz. Les paramètres sont identiques à ceux utilisés pour le diagramme de bifurcation4.15.

0 2000 4000 6000 8000

200

Figure 4.19: Diagramme de bifurcation du modèle de flûte pour le jeu de paramètres donnant naissance à un son de type multiphonique (doigté de sol 3) : représentation de la fréquence des solutions périodiques en fonction de la pression d’alimentation Pm. Les parties stables des branches sont représentées en traits pleins, les parties instables en pointillés.

temps (s)

(a) Spectrogramme du signalvac(en haut) obtenu lors de la simulation d’une rampe croissante dePm (en bas). Les pointillés mettent en évidence l’ins-tant et la valeur dePmpour lesquels une transition vers un régime périodique est observée.

temps (s)

(b) Spectrogramme du signalvac(en haut) obtenu lors de la simulation d’une rampe décroissante de Pm (en bas). Les pointillés mettent en évidence l’instant et la valeur dePmpour lesquels une tran-sition vers un régime périodique est observée.

Figure4.20: Simulations de rampes dePm, afin de déterminer la zone d’observabilité du régime quasi-périodique rappelant un multiphonique de flûte à bec, observé pour les coefficients modaux d’un doigté de sol 3. Les simulations sont réalisées à une fréquence d’échantillonage de 25× 44100Hz.

Partant du régime quasi-périodique représenté en figure4.10, la simulation de rampes crois-santes et décroiscrois-santes de la pression d’alimentation Pm permet de déterminer les valeurs de ce paramètre pour lesquelles le régime quasi-périodique devient instable ou cesse d’exister. Les spectrogrammes des signaux obtenus avec de telles simulations, présentés en figure4.20, mettent en évidence que le régime quasi-périodique est stable pour la plage Pm ∈ [4343; 5478]P a. Au delà de ces valeurs, on observe des transitions vers des régimes périodiques, correspondant au 4ièmeregistre pour la rampe décroissante et au 5ièmeregistre pour la rampe croissante, comme le montre la superposition des résultats de simulation et du diagramme de bifurcation en amplitude (figure4.21).

Ce scénario est à première vue moins clair que dans le cas du sonido rajado : ici, les va-leurs de Pm pour lesquelles le régime quasi-périodique devient instable (ou cesse d’exister) ne correspondent pas à des bifurcations de Neimark-Sacker de branches de solutions périodiques : d’après les diagrammes de bifurcations (figures 4.19 et 4.21a), les registres 4 et 5 sont stables respectivement pourPm∈[1069; 6695]P aet Pm >1686P a.

En simulation, la présence d’hystérésis sur les transitions entre le régime quasi-périodique étudié et les autres régimes d’oscillation confirme que celui-ci n’est pas issu d’une bifurcation de Neimark-Sackerdirecte. En effet, comme le montre la figure 4.22, la réalisation d’une rampe croissante dePmsimilaire à celle présentée en figure4.20a, mais suivie d’une rampe décroissante montre qu’une fois le 5ième registre atteint, la diminution de Pm n’entraîne pas de retour vers le régime quasi-périodique. Le même phénomène est observé pour la transition vers le 4ième registre.

Cependant, le fait qu’une des fréquences de base du régime quasi-périodique (f2 = 1558Hz, mise en évidence en section 4.2) diffère de moins de 0.04% de la fréquence associée au registre 4 (égale à 1557.5Hz pour Pm = 4900P a, d’après le diagramme de bifurcation en figure 4.19) suggère qu’il existe un lien entre la branche de solutions périodiques associée au 4ième registre et le régime quasi-périodique. Par ailleurs, l’analyse de Floquet en Pm = 6695P a permet de

0 2000 4000 6000 8000 amplitude d’oscillation crete a crete(m/s)

solutions stables solutions instables simulation : rampe croiss. P

m

simulation : rampe decroiss. P

m

(a) Superposition du diagramme de bifurcation et des résultats de simulations temporelles présentés en figure4.20.

3000 4000 5000 6000 7000 20

Figure4.21: Amplitude d’oscillation (crète à crète) devac, en fonction du retard adimensionné τ˜, pour le doigté de sol 3.

Figure 4.22: Spectrogramme du signalvac (en haut) obtenu lors de la simulation d’une rampe croissante puis décroissante de Pm (en bas), pour les mêmes paramètres qu’en figure 4.20. Le phénomène d’hystérésis se manifeste par le fait que la diminution dePmn’entraîne pas un retour vers le régime quasi-périodique. La simulation est réalisée à une fréquence d’échantillonage de 25×44100Hz.

−1 −0.5 0 0.5 1

Figure 4.23: Représentation dans le plan complexe des multiplicateurs de Floquet au point de déstabilisation du 4ième registre, pour les mêmes paramètres du modèle qu’en figure 4.19(doigté desol 3). Les multiplicateurs liés à bifurcation de Neimark-Sacker sont repré-sentés en rouge.

0 2000 4000 6000 8000 10000

0

registre 4 − partie stable registre 4 − partie instable

regime quasi−periodique − partie instable regime quasi−periodique − partie stable

Figure 4.24: Représentation schématique d’une bifurcation de Neimark-Sacker inverse : au point de bifurcation, la branche de solu-tions périodiques rencontre une branche de solutions quasi-périodiques instable, qui rede-vient stable (localement) en son point d’in-flexion [105,134].

déterminer que la déstabilisation du 4ième registre est liée à une bifurcation de Neimark-Sacker, comme le montre la figure 4.23. Les exposants de Floquet µ1,2 associés à cette bifurcation fournissent la valeur de la nouvelle fréquence |=µ1,2| = 340.8Hz introduite dans le système en ce point, valeur qui diffère de moins de 0.3% de la seconde fréquence de base du régime quasi-périodique, égale à 340Hz (voir section 4.2).

La concordance entre les valeurs des fréquences relevées en simulation d’une part et pré-dites par l’analyse de Floquet d’autre part, associée au fait que les transitions du régime quasi-périodique vers d’autres régimes présentent des hystérésis, suggèrent fortement que le régime quasi-périodique étudié est issu d’une bifurcation de Neimark-Sackerinverse de la solu-tion périodique associée au 4ième registre. La bifurcation étant inverse, la branche de solutions quasi-périodiques est instable au point de bifurcation ([105], p. 209), et existe pour des valeurs Pm <6995P a, comme schématisé sur la figure4.24. Cependant, rien n’empêche cette branche de devenir ensuite stable sur une certaine plage dePm (ici pour Pm ∈[4343; 5478]P a), permettant ainsi l’observation du régime quasi-périodique en simulation temporelle.

4.3.3 Discussion

Malgré les différences importantes entre les instruments qui les produisent, malgré leurs ca-ractéristiques bien distinctes, et bien qu’ils soient perçus différemment les uns des autres, les sonidos rajados de flautas de chinos et les multiphoniques de flûtes à bec partagent le même mécanisme d’apparition. Pour les jeux de paramètres permettant de reproduire ces deux phé-nomènes a priori distincts, la comparaison entre diagrammes de bifurcation et résultats de si-mulation permet de démontrer, dans les deux cas, que le régime quasi-périodique est issu d’une bifurcation de Neimark-Sacker (directe ou indirecte) d’une solution périodique associée à l’un des registresde l’instrument. L’analyse du modèle permet de prédire la fréquence de modulation de la solution quasi-périodique, mais également dans certains cas le seuil d’apparition de ce régime.

De plus, la valeur de la fréquence de modulation semble dans les deux cas liée à l’un des modes de résonance de l’instrument. En effet, dans le cas du sonido rajado, si la première fréquence

de basef1 = 188.2Hz est celle associée au premier registre (dont le régime quasi-périodique est issu) et est donc proche de la première fréquence de résonance de 183.3 Hz, la seconde fréquence de base f2 = 367.8Hz relevée en simulation temporelle (section 4.2) est proche de la seconde fréquence de résonance de l’instrument, qui vaut 372.1Hz(voir figure 4.11). De la même façon, le son de synthèse de type multiphonique étant issu du 4ième registre, l’une de ses fréquences de base (f2 = 1558 Hz) est proche de la fréquence du 4ième mode de résonance, à 1547 Hz. Il est alors notable que l’autre fréquence de base f1 = 340Hz du multiphonique est très exactement égale à la différence entre la première fréquence de base et la 5ième fréquence de résonance, égale à 1898Hz (voir figure 4.25).

Il n’en reste pas moins quesonidos rajados etmultiphoniquesprésentent des caractéristiques différentes : l’ordre de grandeur de la fréquence de modulation semble notamment être différent entre les deux types de régimes.