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3.2 Bouche artificielle asservie en pression

3.2.3 Illustration

Ce dispositif permet de réaliser des profils précis de pression d’alimentation, comme l’illustre la figure3.4, représentant pour une évolution linéaire, la pression ciblePcet la pression réellement obtenuePm.

Il est possible de réaliser des transitoires d’attaques, correspondant à des évolutions très rapides dePm, grâce à la bouche artificielle. Les temps de montée de la pression dans la bouche obtenus sont de l’ordre de 10ms, ce qui correspond au temps de montée minimal généralement observé lors de mesures sur musiciens [79,27,108]. Cependant, il n’est pas possible de contrôler (et de répéter) précisément ces temps de montée : le schéma PID n’étant pas adapté à des évolutions aussi rapides, les transitoires d’attaque sont réalisés en boucle ouverte, c’est à dire sans asservissement de la pression dans la bouche. Des exemples des signauxPmqu’il est possible d’obtenir sont donnés en figure3.5.

0 0.5 1 1.5 0

0.5 1 1.5

temps (s) Pression d’alimentation (kPa)

0 0.5 1 1.5

0 0.5 1 1.5

temps (s) Pression d’alimentation (kPa)

Figure3.5: Exemples de transitoires d’attaque obtenus avec la bouche artificielle sur une flûte à bec alto Zen-On. L’ordre de grandeur de la pression cible est contrôlé par le choix de la valeur de courant envoyé à l’électrovanne, mais il n’y a pas ici d’asservissement de la pression d’alimentation.

Conclusion de la première partie

Différentes approches ont été présentées dans cette première partie, qui permettent d’analyser le comportement de l’instrument d’une part, et du modèle de l’état de l’art d’autre part.

La confrontation des différentes méthodes d’analyse du modèle permet à ce stade de valider l’approche par collocation orthogonale et continuation pour l’étude de cette famille d’instru-ments. Surtout, la confrontation entre diagrammes de bifurcation et simulations temporelles a montré son intérêt dans l’étude de ces instruments. En effet, l’accès aux diagrammes de bifurca-tions, qui donnent une vision plus globale de la dynamique du système permet d’interpréter plus facilement les résultats issus de simulations temporelles, et permet surtout de s’affranchir de la grande sensibilité aux conditions initiales. Cette vision plus globale, en permettant de relativiser les écarts quantitatifs entre comportement du modèle et de l’instrument réel, facilite la compa-raison entre résultats expérimentaux et numériques. Ainsi, cette approche permet d’expliquer et de prédire de façon plus précise différents aspects du comportement du modèle (également observés expérimentalement) tels par exemple que les changements de registre et l’hystérésis associée.

On l’a vu, cette approche présente néanmoins un certain nombre de limitations. Elle n’a donc pas vocation à remplacer les simulations temporelles, mais plutôt à être un outil complémentaire.

L’intégration temporelle est en effet le seul outil permettant d’accéder à tous les types de régimes du modèle, ce qui demeure indispensable pour étudier certains phénomènes, tels que l’apparition de régimes quasi-périodiques, comme nous le verrons au chapitre4.

Dans la suite de ce document, ces différents outils sont mis à profit afin de traiter diffé-rentes problématiques relatives au comportement d’instruments réels, en lien avec l’influence des paramètres de facture d’une part, et des paramètres de contrôle d’autre part.

De l’influence du facteur :

paramètres de facture et régimes

d’oscillation

Avant-Propos

Dans cette seconde partie, les outils et approches présentés dans la première partie sont mis à profit pour étudier les différents régimes d’oscillation des instruments de la famille des flûtes, en lien avec lesparamètres de facture, fixés par le facteur d’instruments au moment de la fabrication.

Le chapitre4 porte plus particulièrement sur les régimes non périodiques rencontrés à la fois dans les flûtes à bec et dans des flûtes traditionnelles chiliennes. On s’attache dans un premier temps à comprendre les différences et similitudes entre ces régimes, et à determiner leur nature précise. Ces régimes étant, selon le contexte musical, soit recherchés soit évités, il est intéressant de tenter de comprendre à la fois leurs origines, et les paramètres qui favorisent leur apparition.

L’utilisation du modèle physique décrit plus haut permet alors de mieux appréhender leurs mécanismes d’apparition, et d’étudier par la suite le rôle que joue l’inharmonicité du résonateur, liée à la géométrie de la perce de l’instrument, sur leur apparition.

Dans le chapitre5, l’attention est portée sur l’influence de la géométrie ducanal des flûtes à bec sur les régimes de l’instrument. Les facteurs de flûtes à bec insistent sur l’importance de ce paramètre, et les flûtistes à bec semblent particulièrement sensibles àl’ouverture de l’instrument, qui est selon eux fortement liée à la géométrie du canal. En collaboration étroite avec le facteur de flûtes à bec Philippe Bolton, on cherche à déterminer s’il est possible de mesurer et de carac-tériser, en laboratoire, l’influence de la géométrie du canal sur le son produit par l’instrument.

On cherche ainsi à comprendre le rôle de certains éléments de la géométrie (convergence et voûte du canal, chanfreins ...), mais également à déterminer ce que regroupe la notion "d’ouverture".

Enfin, l’analyse des différentes étapes du travail du facteur sur le canal permet de chercher à comprendre vers queloptimum tend le facteur.

Génération de sons quasi-périodiques

Sommaire

4.1 Observations expérimentales : détermination de la nature des ré-gimes non périodiques . . . . 71 4.2 Production de régimes quasi-périodiques par simulations

tempo-relles d’un modèle physique . . . . 77 4.3 Mécanisme d’apparition des régimes quasi-périodiques . . . . 83 4.4 Lien entre inharmonicité et régimes quasi-périodiques . . . . 90 4.5 Inharmonicité, retard, et régimes quasi-périodiques : un éclairage

sur le mécanisme d’apparition . . . . 93 4.6 Conclusion . . . . 99 Si la diversité des régimes d’oscillation observés dans les flûtes a été mise en évidence dans de nombreux travaux (par exemple [38,71,143]), la plupart d’entre eux s’attachent principalement à décrire les caractéristiques des régimes périodiques, qui constituent, dans la plupart des cas, le comportement recherché par l’instrumentiste.

Dans la musique occidentale classique, les régimes non périodiques sont considérés comme un défaut de l’instrument ou une faiblesse de l’instrumentiste : c’est le cas notamment desnotes qui roulentévoquées par les facteurs, ou de l’instrumentiste qui, lors d’un transitoire d’attaque, atteint d’abord un régime non périodique avant d’obtenir le régime périodique recherché. Dans d’autres esthétiques musicales, ce sont à l’inverse ces régimes non périodiques qui sont recher-chés. C’est le cas notamment de la musique contemporaine, où les multiphoniques, sorte de

"doubles sons" obtenus pour certains doigtés, sont couramment utilisés. Les flautas de chinos, flûtes traditionnelles pré-hispaniques jouées dans des processions rituelles dans le centre du Chili, sont quant à elles utilisées principalement dans le but de générer des sons non périodiques. Ces flûtes peuvent être incluses dans la famille des flûtes de Pan dans le sens où elles présentent une extrémité ouverte et une extrémité fermée (voir 4.1a), mais également du point de vue de la technique de jeu : comme illustré en figure4.1b le jet d’air est soufflé sur l’arrête du tube, qui constitue donc le biseau. Une des particularités de ces instruments réside dans la forme com-plexe de leur résonateur, constitué comme le montre la figure4.1b de deux tubes de diamètres différents disposés en série. La famille desflautas de chinos comprend des instruments de tailles différentes, mais il semble cependant que les rapports des longueurs des deux parties du réso-nateur soit toujours de l’ordre de 1, alors que le rapport de leurs sections est proche de 2 [19].

La seconde particularité de ces flûtes réside dans les sons qu’elles produisent : appeléssonidos 69

(a) Photographie d’une flûtecatarra, tirée de [44].

Les deux tubes en série sont de longueur 12.5 cm et 13 cm, et de diamètre 19mm et 9mm [19].

300 mm 310 mm

18mm 11mm

bis bbb

biseau Qout

Qin

résonateur

lèvres du musicien jet

(b) Représentation schématique du résonateur et du mécanisme d’excitation des flautas de chinos.

Les dimensions indiquées correspondent à une flûte Puntera.

Figure 4.1: Flûte catarra (à gauche) et représentation schématique du fonctionnement de ce type d’instrument (à droite).

rajados (littéralementson déchiré), ils semblent être caractérisés par leur richesse harmonique, et une composante battante très présente, appeléeganseo [147].

S’il est intéressant pour le chercheur de comprendre les mécanismes de production de ces régimes non périodiques, il semble également instructif, du point de vue du facteur d’instru-ments, de connaître les paramètres qui lui permettront, selon les cas, de favoriser ou à l’inverse d’éviter l’apparition de ce type de régimes. Les caractéristiques géométriques fixées par le facteur semblent en effet jouer un rôle prépondérant dans l’apparition des régimes non périodiques : Gil-bert [81], Dalmontet al.[40], et plus récemment Docet al.[51] ont mis en évidence l’influence de l’inharmonicité des fréquences de résonance, elle-même directement liée à la géométrie du réso-nateur, sur la présence de régimes non périodiques dans les instruments à anche. Bien qu’aucune étude aussi poussée n’ait à notre connaissance été menée sur les flûtes, l’analyse du comportement d’un modèle physique extrêmement simplifié de cette famille d’instruments suggère, comme pour les instruments à anche, une forte influence de l’inharmonicité sur la présence demultiphoniques [139]. Par ailleurs, le fait que les résonateurs desflautas de chinos présentent des géométries qui favorisent l’inharmonicité, associé au fait qu’elles sont dédiées à la production de régimes non périodiques, peut être un argument supplémentaire en faveur d’une influence de l’inharmonicité sur la génération de sons non périodiques.

Avant de pouvoir étudier plus spécifiquement l’influence de différents paramètres de facture sur les plages d’existence des régimes non périodiques, on s’intéresse dans ce chapitre à leur mécanisme d’apparition. L’attention est portée sur deux types de régimes non périodiques, a priori bien différents l’un de l’autre, d’un point de vue perceptif d’abord, mais également du fait des instruments qui les produisent :

• les multiphoniquesde flûtes à bec d’une part,

• et les sonidos rajados produits par desflautas de chinos d’autre part.

Si l’analyse des régimes non périodiques observés expérimentalement (en section 4.1) est indispensable à la caractérisation des phénomènes étudiés, leur reproduction par un modèle physique de l’instrument s’avère également particulièrement instructive. Se pose alors la ques-tion de la capacité d’un même modèle, très générique, à reproduire le comportement de deux instruments si différents, bien que liés par le mécanisme de production du son (section4.2). En-fin, l’analyse du modèlevia le calcul de ses diagrammes de bifurcations, détaillée en section4.3, procure des informations inaccessibles en simulation temporelle, mais qui permettent finalement

d’expliquer les mécanismes à l’origine des régimes non périodiques étudiés. La compréhension de ces mécanismes permet alors d’étudier, en section4.4, l’influence de l’inharmonicité du réso-nateur sur les seuils d’apparition des régimes non périodiques considérés.

4.1 Observations expérimentales : détermination de la nature des régimes non périodiques

Afin de comprendre les mécanismes de production des différents régimes non périodiques, il est dans un premier temps nécessaire de déterminer plus précisément leur nature. En effet, si l’analyse du spectre et de la forme d’onde de deux multiphoniques de flûte à bec alto (en figure 4.3) et de deux sonidos rajados obtenus sur deux instruments différents (en figure 4.2) permet de déterminer que ces sons ne sont pas périodiques, elle ne permet pas nécessairement de déterminer à elle seule s’il s’agit :

• de régimes quasi-périodiques, dont le spectre fait apparaître au moins deux fréquences de base f1 et f2 incommensurables (i.e. ff2

1 n’est pas entier) [13].

• de régimes intermittents, constitués de successions de phases laminaires et de bouffées de turbulence [13].

• de régimes chaotiques, qui apparaissent dans le domaine de Fourier semblables à du bruit, mais qui ne sont pas stochastiques dans la mesure ou ils présentent une structure dans l’espace des phases, et où les systèmes qui les générèrent sont entièrement déterministes [13].

Une première comparaison des spectres et formes d’onde des deux types de sons étudiés, en fi-gures4.2et4.3, permet cependant de souligner des différences importantes entre multiphoniques de flûtes à bec etsonidos rajados.

Les deux sons représentés en figure 4.2 sont issus de deux flautas de chinos de dimensions différentes : une première appelée catarra et une seconde appelée puntera, dont les dimensions sont données dans [19] et [44]. Les signaux analysés ici, mesurés par P. de la Cuadra et C. Vergez, correspondent au champ rayonné de l’instrument joué par un musicien. Ils sont par conséquent fortement non stationnaires, et leur spectre ne fournit que des informations relativement peu précises. Il apparaît néanmoins que les deux signaux temporels comportent une forte modulation d’amplitude, à une fréquence de l’ordre de 15Hz à 20Hz. Cette caractéristique des sonidos rajados (le ganseo) avait déjà observée par Wright et Campbell [147]. S’il est manifeste que les multiphoniques obtenus sur flûte à bec alto pour les doigtés desi3 etsi bémol3, représentés en figure 4.3, ne sont pas périodiques, ils présentent une modulation d’amplitude moins marquée que les sonidos rajados. Par ailleurs, leurs modulations semblent intervenir à des fréquences beaucoup plus élevées que dans le cas des flûtes chiliennes.