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1.4 Transport optimal d’une onde de matière

1.4.1 Rappel de nos résultats

Principe de l’expérience. Nous nous intéressons à un nuage atomique confiné dans un piège harmonique, que l’on met en mouvement pour déplacer les atomes. Au cours d’une telle expérience, l’accélération et la décélération du piège vont exciter le mode d’oscillation dipolaire du paquet piégé. À cet égard, se placer dans le régime adiabatique permet de s’assurer que cette excitation va rester négligeable. En fait, ceci constitue la définition du régime de déplacement adiabatique : l’amplitude de l’oscillation dipolaire causée par le transport doit rester très petite devant l’extension spatiale ∆ du nuage, ce qui se traduit par :

∀t, |¨xc(t)| ω2

0

∆ =⇒ (ωT )2 4d

, (1.29)

où ¨xc(t) est l’accélération imposée au piège, ω0 est la pulsation de piégeage dans la direction du mouvement, T est la durée du transport et d est la distance parcourue10. Notons que la condition (1.29) est nécessaire mais non suffisante : on peut toujours imaginer un transport lent mais comportant de grandes accélérations. . .

Nous voulons déterminer s’il est possible de déplacer ce paquet d’atomes en un temps de l’ordre de la période d’oscillation, sans excitation résiduelle de l’oscillation dipolaire après transport. L’extension de nos nuages dans la direction du transport est de l’ordre du mm, et nous allons transporter le paquet sur plusieurs cm ; la fréquence d’oscillation longitudinale est de l’ordre de 10 Hz. Le régime adiabatique est donc obtenu pour un transport dont la durée est grande devant 100 ms. En raison des limitations de notre platine de translation, nous ne pouvions pas effectuer le transport en moins de 300 ms ; toutefois, comme on le verra par la suite, on est alors déjà bien dans le régime non-adiabatique.

Protocole expérimental. Pour déplacer les nuages d’atomes piégés dans la pince optique, nous avons monté la lentille de focalisation du faisceau dans la chambre à vide sur une platine de translation contrôlée par ordinateur11

(voir figure 1.12). Grâce à ce système, nous pouvons déplacer le point focal

10. Pour établir la seconde condition, on utilise ˙xc(0) = ˙xc(T ) = 0, où ˙xcest la vitesse du piège, et le théorème des accroissements finis.

Figure 1.12 – Schéma du dispositif expérimental de transport d’atomes froids

dans une pince optique.

z b A b B b A d d t ˙xc v0 T /4 T

Figure 1.13 – Profil de vitesse ˙xc(t) imposé au piège au cours de nos

expé-riences. La durée T est variée entre300 ms et 1,4 s, et la vitesse v0 est ajustée de manière à garder la distance d= 22,5 mm constante.

du laser, et donc le piège, sur 10 cm (l’amplitude de mouvement de la platine) avec une précision et une répétabilité inférieure au micron.

En revanche, notre système d’imagerie est fixe et a une largeur de champ de quelques mm seulement. Nous voulions démontrer le procédé sur des distances importantes, et avons donc procédé à des aller-retours du nuage, entre le point A où les atomes sont initialement piégés et un point B situé 22,5 mm plus loin, avec le profil de vitesse représenté sur la figure1.13.

Pour mesurer l’amplitude A des oscillations après transport, nous enre-gistrons une séquence d’images par absorption du nuage juste après la fin du transport, typiquement 30 images séparées par des intervalles de 10 ms. Bien sûr, le processus d’imagerie étant destructif, l’ensemble de la séquence

0 1 2 3 4 5 6 0.4 0.6 0.8 1 1.2 1.4 A [m m ] T [s]

Figure 1.14 – Amplitude de l’oscillation résiduelle d’un nuage d’atomes

confiné dans la pince optique après un transport de durée T suivant le profil de vitesse de la figure 1.13. La courbe en trait plein est la prédiction théo-rique(1.30) sans paramètre ajustable.

doit être répété avant la prise de chaque image. Nous extrayons ensuite la position moyenne du nuage de chaque image au moyen d’un ajustement gaussien du paquet d’atomes. Pour finir, nous ajustons la première période des données d’oscillations obtenues par un sinus.

Résultats. Les résultats sont rappelés sur la figure 1.14 extraite de la référence [45]. On constate que l’amplitude des oscillations ne décroît pas de manière monotone avec la durée du transport, et qu’il y a même des valeurs de transport spécifiques telles que cette amplitude s’annule ! On a alors réalisé un transport non-adiabatique optimal du paquet atomique. Interprétation. Pour comprendre ce phénomène, il est intéressant d’étu-dier la situation plus simple dans laquelle on effectue un aller simple de A à Bd’une seule particule piégée de masse m. Prenons par exemple le profil tri-angulaire de la figure 1.15a. Il comporte une phase d’accélération constante a0 = 4d/T2 immédiatement suivie d’une phase de décélération constante −a0. Ceci correspond à de simples rotations autour des points ∓a02

0 dans l’espace des phases de la particule piégée, dans le référentiel lié au centre du piège12. La condition de transport optimale T = 2nT0, avec n ∈ N?, se comprend alors aisément, et correspond au diagramme « lunettes » de la figure 1.15b : au milieu et à la fin du mouvement, la particule se trouve de nouveau au repos dans le référentiel du piège.

12. Dans le référentiel du piège, une accélération a de celui-ci correspond à une force constante −ma.

D’un point de vue énergétique, l’énergie acquise à mi-course, soit mv2 0/2, où v0 = ˙xc(T/2) est la vitesse maximale atteinte par le piège, est restituée dans la deuxième partie du trajet, exactement comme dans le cas d’un trans-port adiabatique. La différence réside dans le fait que la particule est tran-sitoirement excité : la distance au centre du piège atteint 2a02

0 au cours du mouvement, valeur pouvant être arbitrairement élevée en fonction de la distance d à parcourir.

Dans le cas d’un aller-retour, on va bien sûr retrouver les mêmes annula-tions que pour l’aller simple, pour T = 2nT0. Il va s’y ajouter une deuxième série de zéros de l’amplitude, correspondant aux trajectoires pour lesquelles l’énergie reçue après l’aller est restituée au retour, et à des temps de trans-ports T = (2n − 1)T0. Ces zéros sont les annulations aiguës que l’on peut voir sur la figure1.13.

Un modèle simple, traitant de la dynamique unidimensionnelle du mou-vement longitudinal du centre de masse d’un nuage piégé dans un potentiel harmonique déplacé, permet de rendre compte de nos résultats expérimen-taux. On se reportera au chapitre 5 de la thèse de Gaël Reinaudi [44] pour les détails des calculs, qui mènent à l’expression suivante de l’amplitude après transport :

A= |F [ ˙xc] (ω0)| , (1.30)

où F [f] (ω) =´−∞+∞f(t)e−iωtdt est la transformée de Fourier de la fonction f(t) appliquée à la pulsation ω.

Cette formulation en terme de transformée de Fourier ouvre des perspec-tives très intéressantes quant à l’optimisation du transport adiabatique : on peut mettre à profit la grande quantité de travaux réalisés sur l’apodisation de profils de diffraction [46], ou de manière équivalente ceux concernant les fonctions de fenêtrage utilisées pour l’analyse spectrale [47], pour choisir un profil de vitesse dont la transformée de Fourier présente les caractéristiques voulues. Par exemple, le profil13 de Blackman-Haris d’ordre 4 présente la particularité de n’avoir aucun lobe latéral dans sa transformée de Fourier (voir figure 1.15a), et par suite de permettre un transport non adiabatique optimal robuste dès que le temps de transport est supérieur à 4 périodes d’oscillations.