• Aucun résultat trouvé

Dans une expérience recherchant une désintégration double bêta sans émission de neutrino, la radiopureté des matériaux est cruciale pour réduire au maximum le bruit de fond. Cela passe avant tout par une sélection très rigoureuse des matériaux qui composent le détecteur. Le niveau de contamination très bas de chaque matériau doit donc être mesuré et validé avant d'être utilisé dans le détecteur. Pour cela, trois méthodes de mesures ont été utilisées pour contrôler la radiopureté des feuilles sources, du trajectographe et du calorimètre.

CHAPITRE 2. DESCRIPTION DU DÉMONSTRATEUR DE SUPERNEMO

Figure 2.10  Blindage en fer à gauche, blindage neutron sous forme de cuves d'eau au milieu et tente anti-radon à droite, de SuperNEMO.

2.6.1 Détecteur BiPo

La collaboration SuperNEMO a imposé un niveau de contamination des feuilles sources de 2 µBq/kg en 208Tl et 10 µBq/kg en 214Bi. Pour pouvoir mesurer une contamination aussi faible, il a fallu concevoir un nouveau détecteur : le détecteur BiPo [101], en fonctionnement au Laboratoire Souterrain de Canfranc depuis 2013.

Le principe de mesure de BiPo repose sur la détection en cascade d'un électron issu de la décroissance β du bismuth suivie par la décroissance α du polonium ls conduisant à l'émission d'une particule alpha.

 Dans le cas du 208Tl, la mesure s'appuie sur la détection d'une décroissance β du 212Bi (Qβ = 2,2 MeV) suivie de la décroissance α du 212Po (Qα = 8,78 MeV) de 300 ns de demi-vie.

 Pour ce qui est du214Bi, la mesure s'appuie sur sa décroissance β (Qβ = 3,2 MeV) vers le

214Po, lui-même émetteur α (Qα = 7,69 MeV) de 164 µs de période.

Pour détecter ces cascades β − α, le détecteur est constitué de 80 modules optiques (40 paires) entre lesquels l'échantillon est positionné. Ces modules optiques sont formés (gure 2.11) :

 de scintillateurs en polystryrène aluminisé (par évaporation, pour isoler optiquement les modules) à face carrée de 30 cm de côté et 2 mm d'épaisseur ;

 de photomultiplicateurs 5" basse radioactivité de NEMO3 couplés aux scintillateurs par un guide de lumière.

Les matériaux le composant ont eux aussi été sélectionnés pour satisfaire aux niveaux de radiopureté requis par la mesure.

Cette technique de détection a permis d'atteindre une sensibilité de détection de 2 µBq/kg pour le208Tl et 140 µBq/kg en214Bi en 6 mois de mesure. Si le niveau de sensibilité requis est atteint pour la contamination du208Tl, ce n'est pas le cas pour le214Bi, mais de futurs développements (analyse de la forme des signaux) pourraient améliorer cette sensibilité.

La mesure de radiopureté des feuilles sources (gure 2.11) avec BiPo donne les résultats suivants : la contamination en208Tl (resp.214Bi) est en moyenne de 24 µBq/kg (≤ 290 µBq/kg) pour les feuilles produite à ITEP et de 22 µBq/kg (≤ 595 µBq/kg) pour celles produite au LAPP. Cela constitue une amélioration de la radiopureté d'un facteur 5 par rapport à NEMO3 mais reste au dessus des valeurs 2 µBq/kg en208Tl et 10 µBq/kg en214Bi xées par la collaboration. Des pistes d'amélioration des méthodes de purication sont envisagées pour la fabrication des feuilles source du format nal de SuperNEMO.

CHAPITRE 2. DESCRIPTION DU DÉMONSTRATEUR DE SUPERNEMO

Figure 2.11  Photographie d'une mesure de radiopureté des feuilles sources dans BiPo.

2.6.2 Chambre d'émanation de radon

Le radon est un gaz noble radioactif descendant directement du radium. Sa présence dans le détecteur est une source de bruit de fond puisqu'il peut se déposer ainsi que ses descendants sur les surfaces des feuilles sources ou des ls du trajectographe et donner lieu à la création de

214Bi notamment. Il peut se retrouver dans le détecteur par les trois processus décrits en 2.5. Le risque de dégazage (émanation, gure 2.12-a) du radon des matériaux du détecteur a fait l'objet d'études poussées pour aboutir à la construction au CENBG d'une chambre d'émanation (gure 2.12-b), capable de mesurer précisément le taux de radon émané par les matériaux [102].

 a   b 

Figure 2.12  Schéma d'émanation du radon d'un matériau (a) et photographie de la chambre d'émanation de 710 l du CENBG (b).

Les échantillons étudiés sont placés dans la chambre qui est ensuite remplie d'azote pur. Au bout de plusieurs jours au cours desquels le radon va émaner des matériaux, le gaz de l'enceinte est pompé vers un détecteur électrostatique capable de mesurer un taux d'émanation de 0,5 mBq/m2/jour. Le taux d'émanation de radon a été mesuré pour un grand nombre des

CHAPITRE 2. DESCRIPTION DU DÉMONSTRATEUR DE SUPERNEMO matériaux critiques du démonstrateur.

2.6.3 Détecteurs HPGe

La dernière technique utilisée pour mesurer la contamination des matériaux est basée sur la spectrométrie gamma réalisée à l'aide de détecteurs HPGe (High Purity Germanium). Le germanium est un semi-conducteur qui possède une grande ecacité de détection des photons gamma avec une excellente résolution en énergie (≤ 1 % à 1 MeV). Chaque isotope émetteur γ peut être identié grâce à la mesure de l'énergie du ou des photon(s) gamma qu'il émet. De plus, il est possible de remonter à son activité à partir du nombre d'évènements mesurés dans les raies du spectre.

La collaboration possède six détecteurs de ce type, trois au CENBG et trois au Laboratoire Souterrain de Modane. Les HPGe du CENBG ont une sensibilité de quelques dizaines de mBq/kg pour une mesure standard d'un échantillon de 100 g sur 2 semaines. Ils ont permis de mesurer la contamination des matériaux les moins critiques et de présélectionner ceux nécessitant une mesure plus précise. Les HPGe basés au LSM peuvent quant à eux atteindre une sensibilité de 0,1 mBq/kg pour une mesure standard et ont été utilisés pour les mesures de radiopureté des matériaux de masse importante ou situés dans les parties les plus internes du détecteur .