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6.1 Le projet LiquidO

6.1.3 Collection et détection de la lumière

Fibres optiques

Une bre optique est un l transparent doté d'une âme (ou c÷ur) et d'une ou plusieurs gaines qui permettent d'acheminer la lumière sur de grandes distances. Il existe diérents types de bres, qui dièrent par leur géométrie (section carrée ou ronde) ou par leurs propriétés physiques (ecacité de piégeage, longueur d'atténuation, composition scintillante ou décalant la longueur d'onde incidente).

Les bres optiques utilisées pour les premiers prototypes de LiquidO sont des bres de type B3 produites par Kuraray [13] à section circulaire de 1 mm de diamètre. Ce sont des bres multigaines à décalage de longueur d'onde (WaveLength Shifting bres, WLS) dopées à 200 ppm d'agents uorescents dans le c÷ur dont les caractéristiques sont présentées dans le tableau 6.2.

Matériau Indice de réfraction densité Épaisseur(g/cm3) (mm)

C÷ur Polystyrène 1,59 1,05 0,92

Enrobage interne Polyméthacrylatede méthyle 1,49 1,19 0,02

Enrobage externe Fluoropolymère 1,42 1,43 0,02

Absorption Émission Longueur d'atténuation

[250-415] nm [370-600] nm > 4 m

(maximum à 351 nm) (maximum à 450 nm)

Table 6.2  Caractéristiques des bres optiques Kuraray B3 utilisées dans LiquidO [13].

Ces bres absorbent les photons UV émis par le scintillateur liquide et les ré-émettent isotropiquement en décalant leur longueur d'onde suivant les spectres d'absorption et d'émission présentés gure 6.4-a. Le décalage en longueur d'onde permet de s'adapter à l'optimum de détection de lumière des photodétecteurs mais surtout de piéger une fraction des photons entrant dans la bre dès lors qu'ils sont ré-émis avec un angle inférieur à un angle limite θL illustré gure 6.4-b. Cet angle est déterminé par la loi de Snell-Descartes et dépend donc des diérents indices optiques (n) des milieux mis en jeu : sin(θL) = qn2

c÷ur− n2

gaine. Le photon peut alors se propager dans la bre jusqu'à être soit absorbé par cette dernière, soit sortir de la bre à une de ses extrémités selon un angle de sortie θS. À noter que la présence d'agents uorescents dans la bre diminue la longueur d'atténuation de la bre. La présence de plusieurs enrobages (bres multigaines) permet de compenser ce problème en réduisant le parcours des photons dans le c÷ur de la bre où se trouvent les composés uorescents.

Photodétecteurs SiPM

La lumière collectée puis réémise par les bres optiques est acheminée jusqu'aux photodétecteurs placés à leur extrémité. Pour les prototypes LiquidO, le choix s'est porté sur des

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 a   b 

Figure 6.4  Probabilités d'absorption (en jaune) et d'émission (en rouge) des bres en fonction de la longueur d'onde des photons (a) et schéma de principe d'une bre optique à décalage de longueur d'onde (b).

compteurs photomultiplicateurs multipixel (MPPC) aussi appelés photomultiplicateurs silicium (SiPM). Il s'agit d'une matrice de photodiodes silicium à avalanche qui sont des photodétecteurs de type semi-conducteurs à jonction PN fonctionnant en mode Geiger. Ces détecteurs ont un gain important (de l'ordre de 106, comparable à celui des photomultiplicateurs) et un temps de réponse très rapide (quelques ns) qui en fait d'excellents candidats pour accéder à la dynamique des évènements. Cependant, leur bruit est beaucoup plus élevé ([10-100] kHz) que celui des photomultiplicateurs traditionnellement utilisés ([10-100] Hz).

Rappel sur les semi-conducteurs

Dans un matériau, les électrons peuvent avoir des énergies comprises dans diérents intervalles, appelés bandes, obéissant à la statistique de Fermi-Dirac. On distingue trois bandes possibles :

 la bande de valence, dernière bande d'énergie complètement remplie par les électrons. Les électrons localisés sur cette bande participent à la cohésion des atomes dans les molécules.  la bande de conduction, première bande d'énergie permise qui suit la bande de valence. Elle peut être vide d'électrons ou en partie remplie. Les électrons sur cette bande sont délocalisés dans le réseau atomique et participent à la conduction électrique.

 la bande interdite, fossé en énergie séparant la bande de conduction et la bande de valence, dans laquelle aucun électron ne peut se trouver.

Les matériaux conducteurs sont caractérisés par un recouvrement des bandes de valence et de conduction (gure 6.5-gauche). Cela permet aux électrons de circuler librement dans le matériau. Les isolants ont quant à eux une bande de conduction vide d'électrons et une bande d'énergie interdite très grande (plusieurs dizaines d'eV), interdisant le passage d'un électron de la bande de valence à la bande de conduction (gure 6.5-milieu). Il existe une troisième catégorie de matériaux, appelés semi-conducteurs, dont la structuration en bande est similaire à celle des isolants mais dont la bande interdite est susamment petite (quelques eV) pour autoriser le passage d'un électron de la bande de valence à la bande de conduction grâce à un apport d'énergie extérieur (gure 6.5-droite). Le départ de l'électron de la bande de valence crée une lacune appelée trou. Celle-ci va s'apparier avec l'électron dans la bande de conduction et migrer au sein du matériau si celui-ci est soumis à un potentiel électrique. Pour réduire le fossé en énergie que constitue la bande interdite, un semi-conducteur peut être dopé avec des impuretés dont les niveaux d'énergie se situent entre les bandes de valence et de conduction. On parle de dopage N si les impuretés augmentent la densité d'électrons et de dopage P si elles

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Les SiPM sont des semi-conducteurs à jonction NPN qui permettent de bien discriminer un signal issu de l'interaction d'un photon de celui causé par le bruit thermique. Les SiPM sont particulièrement adaptés à la détection de faibles quantités de photons.

Figure 6.5  Schéma des niveaux d'énergie en bandes pour un conducteur (à gauche), un isolant (au milieu) et un semi-conducteur (à droite).

Fonctionnement des SiPM

Lorsqu'un photon de scintillation atteint le SiPM, il crée un photoélectron par eet photoélectrique. Ce photoélectron passe alors dans la bande de conduction où une avalanche électronique se crée sous l'eet d'un champ électrique appliqué an de donner lieu à un signal électrique mesurable. Pour fonctionner, un SiPM a donc besoin d'être alimenté par deux tensions :

 la tension de polarisation de quelques volts (≈ 5 V) qui sert à polariser la jonction PN du semi-conducteur ;

 la tension d'opération comprise typiquement entre 50 et 100 volts qui permet l'avalanche électronique. Cette avalanche augmente le gain du SiPM tout en améliorant la résolution en temps et l'ecacité de détection des photons. La contrepartie est une augmentation du nombre de post-signaux ("afterpulses"), du bruit noir ("dark count") et du dialogue interpixel ("crosstalk" ou "diaphonie"), qui diminue le rapport signal sur bruit.

Les SiPM possèdent une ecacité de détection des photons (PDE) dénie par :

P DE = QE ×  (6.1) où QE est l'ecacité quantique correspondant à la probabilité que le photon soit converti en photoélectron par eet photoélectrique, et  est la probabilité de faire une avalanche. L'ecacité de détection PDE des SiPM est plus importante (35 % en moyenne) que celle des photomultiplicateurs (≈ 26 % = 37 % (QE) × 0,7 (ecacité de collection pour un photomultiplicateur 8" de SuperNEMO)).

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Les SiPM orent la possibilité de compter des photons uniques grâce à la pixélisation. En eet, chaque pixel délivre un signal de sortie et les impulsions sont ensuite sommées. Cela signie que si le SiPM compte N photons, l'amplitude du signal de sortie sera N fois l'amplitude d'une impulsion délivrée par un pixel. Dans le cas où un pixel est touché par plusieurs photons dans un laps de temps très court, le signal délivré par ce pixel correspond à un signal 1 photon, ce qui ajoute alors des non-linéarités dans le nombre de photons comptés en cas de forte illumination. Le choix de la pixelisation du SiPM sera donc à adapter suivant la quantité de lumière à détecter.

Un exemple de distribution typique du nombre de photons collectés pour un ensemble d'évènements est représenté gure 6.6 (illustration de Hamamatsu [8]). Nous observons sur cette gure le piédestal à 0 photon (pas de photon détecté, déclenchement sur la ligne de base des signaux), ainsi que les "photopics" correspondant à 1 photon, 2 photons... détectés. Il est possible, à partir de ce type de spectre, d'extraire le nombre moyen de photons collectés sur l'ensemble des évènements analysés. Cette information sera utilisée pour caractériser la réponse des prototypes LiquidO.

Figure 6.6  Exemple de distribution du nombre de photons détectés par un SiPM sur un ensemble d'événements d'une prise de données. Figure du fabricant Hamamatsu [8].

SiPM des prototypes LiquidO

Le choix des SiPM pour les prototypes LiquidO s'est porté sur la série S13360-1350PE produite par Hamamatsu (gure 6.7-a) [8]. Ces SiPM sont bien adaptés aux caractéristiques des bres, tant par leur dimension (1,3 × 1,3 mm) que par leur pouvoir de détection. En eet, le PDE (gure 6.7-b) est grand et son maximum correspond à la longueur d'onde des photons émis par les bres (PDE = 40 % à 450 nm). Le nombre de pixels (50 µm × 50 µm) égal à 667 est également adapté à la quantité de photons de scintillation attendus.

Électronique

L'électronique qui sera utilisée pour les prototypes LiquidO a été spécialement conçue pour le projet par l'IJCLab. Elle est divisée en trois parties distinctes : les cartes SiC (SiPM Card), les cartes SiBB (SiPM Base Board) et l'acquisition SAMPIC.

Les cartes SiC (gure 6.8-a) intègrent l'ensemble de l'électronique permettant l'alimentation du SiPM (au centre de la gure) avec une tension d'opération de +56 V et une tension

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 a   b 

Figure 6.7  MPPC S13360-1350PE (a) et courbe d'ecacité de détection des photons en fonction de la longueur d'onde du SIPM (b).

 a   b 

Figure 6.8  Photographies des cartes SiC (a) et SiBB (b) utilisées dans LiquidO.

de polarisation de +5,5 V (qui permet également d'alimenter les amplicateurs) ainsi que la récupération du signal amplié polarisé en négatif. Elles sont équipées d'un senseur de température individuel qui permet d'inuer automatiquement sur la tension d'opération appliquée au SiPM pour compenser les modications de gain dues aux variations de température. Les cartes SiC peuvent être utilisées individuellement ou regroupées. Dans le premier cas, l'utilisateur peut facilement collecter le signal grâce à un connecteur MCX. Dans le second cas, les SiC sont xées sur une carte SiBB. Les cartes SiBB (gure 6.8-b) peuvent accueillir jusqu'à 32 cartes SiC et sont équipées de toute l'électronique nécessaire au fonctionnement de l'ensemble des SiC (alimentation commune, ajustement des gains individuels, lecture des signaux) ainsi qu'une carte FPGA pour assurer le contrôle de toutes ces fonctionnalités. La connexion à l'acquisition est assurée par deux connecteur 3M 16 voies. Une simple interface USB 2.0 permet à l'utilisateur de contrôler les cartes via un logiciel dédié. L'acquisition SAMPIC est basée sur la technologie des ASIC SAMPIC. Il s'agit d'une électronique avec une fréquence d'échantillonnage très rapide pouvant aller jusqu'à 8,5 GS/s. Le signal est échantillonné sur 64 canaux et chaque canal représente 117,6 ps. Cette acquisition est capable d'accueillir jusqu'à 64 (4 × 16) voies de lecture en même temps.

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