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1.3 Limitations du Modèle Standard

1.3.1 Phénomène d'oscillation

La récente découverte des oscillations d'un état de saveur à un autre a montré que le neutrino avait une masse non nulle et qu'il existait alors un mélange entre les états de saveur (νe, νµ, ντ) de l'interaction faible et les états propres de masse (ν1, ν2, ν3) décrivant la propagation des neutrinos.

Mélange des saveurs de neutrinos et oscillation

En considérant un neutrino massif, l'oscillation trouve son origine dans le mélange des états de saveur, c'est à dire que chaque état de saveur leptonique n'est pas un état propre de masse mais une superposition d'états propres de masse. Au cours de sa propagation, un neutrino massif subit un déphasage entre ses états de saveur qui modie la probabilité de détection d'une saveur donnée et peut conduire à la détection d'une saveur diérente de celle d'origine. Le phénomène d'oscillation n'est donc pas conservatif vis-à-vis du nombre leptonique de saveur, mais conserve le nombre leptonique total.

A l'instar de ce qui est fait pour les quarks avec la matrice de mélange CKM [35, 36], on peut dénir une matrice de mélange unitaire UP M N S (matrice de mélange de Pontecorvo-Maki-Nakagawa-Sakata) [37, 38] qui couple les états propres de saveurs (νe, νµ, ντ) aux états propres de masse (ν1, ν2, ν3) selon la relation :

αi =X i Uαiii ⇐⇒   νe νµ ντ  = UP M N S   ν1 ν2 ν3  =   Ue1 Ue2 Ue3 Uµ1 Uµ2 Uµ3 Uτ 1 Uτ 2 Uτ 3     ν1 ν2 ν3   (1.7) où les indices α = (e, µ, τ) et i = (1, 2, 3).

La matrice UP M N S étant unitaire, les 9 paramètres Uαi peuvent se réduire à 4 paramètres libres, 3 angles de mélange θ12, θ23, θ31 qui caractérisent la probabilité d'oscillation d'un état de saveur à un autre et une phase de Dirac δ qui traduit la possible violation de symétrie CP. Si le neutrino est de Majorana, c'est-à-dire s'il est sa propre antiparticule (ν = ¯ν), deux phases supplémentaires η1 et η2 sont alors ajoutées. La matrice UP M N S peut alors être réécrite telle que : UP M N S =   c12 s12 0 −s12 c12 0 0 0 1     1 0 0 0 c23 s23 0 −s23 c23     c13 0 s13e−iδ 0 1 0 −s13e−iδ 0 c13     1 0 0 0 eiη1 0 0 0 e2   (1.8) où les paramètres cij et sij désignent les cosinus et sinus des angles de mélange θij. Les angles de mélange sont accessibles par la mesure de neutrinos solaires (θ12), atmosphériques (θ23) et de réacteurs et d'accélérateurs (θ31).

Oscillations dans le vide

Dans le vide, les oscillations sont purement cinématiques et peuvent être décrites par l'équation de Schrödinger qui décrit l'évolution d'un état propre de masse |νi(t = 0)i vers un état |νi(t)i :

i(t)i = e−i(Eit−piL)i(0)i (1.9) avec Ei l'énergie du neutrino, pi son impulsion et L la distance parcourue pendant le temps t. En considérant la masse très faible du neutrino, sa vitesse est très proche de celle de la lumière et son énergie peut s'exprimer comme :

Ei = q p2 i + m2 i ≈ pi+ m 2 i 2pi ≈ pi+ m 2 i 2Ei (1.10)

CHAPITRE 1. LA PHYSIQUE DU NEUTRINO permettant ainsi de simplier l'équation (1.9) :

i(t)i = e

−im2 i

2EiLi(0)i (1.11) Appliquée à un état de saveur donné, cette équation devient :

α(t)i =X i Uαie −im2 i 2EiLi(0)i =X i Uαie −im2 i 2EiLX β Uβiβ(0)i =X i X β Uβie −im2 i 2EiLU αiβ(0)i (1.12) Cette formule permet de calculer la probabilité de détecter un neutrino de saveur β à un instant t lorsqu'un neutrino de saveur α a été émis au temps t = 0 :

P (να → νβ) = |hνβ(t)|να(0)i|2 = |X i Uαie −im2i 2EiLU βi|2 =X i,j UαiUβiUαj Uβjei ∆m2ij 2E L = δαβ− 4X i>j

<(Uαi UβiUαjUβj )sin2(∆m

2 ij

4E L) + 2 X

i>j

=(UαiUβiUαjUβj )sin(∆m

2 ij

2E L) (1.13) Cette probabilité dépend de la distance L parcourue par le neutrino depuis son émission, de l'énergie E du neutrino et de la diérence des masses au carré ∆mij = m2

i − m2

j des états νi et νj. La présence de ce dernier terme dans la formule (1.13) montre que les oscillations ne sont possibles que pour des particules massives de masses diérentes.

En se plaçant dans des conditions de distance d'observation L et d'énergie des neutrinos E adaptées, l'oscillation peut être dominée par le mélange entre deux saveurs seulement. L'oscillation peut alors s'exprimer plus simplement en fonction des deux états de saveur (να et νβ), des deux états propres de masse (νi et νj) et de l'angle de mélange θij :

α νβ  = cos(θij) sin(θij) −sin(θij) cos(θij)  νi νj  (1.14) Ainsi, la probabilité d'oscillation s'écrit :

P (να → νβ) = sin2(2θij)sin2(∆m

2 ijL

4E ) (1.15) L'amplitude des oscillations dépend donc de la valeur de l'angle de mélange θij. La période dépend du facteur ∆m2ijL

4E , et donc pour un rapport L/E donné, de la diérence de masse ∆m2ij entre les deux états propres de masse. Les expériences se placent à une distance L de la source qui correspond à un maximum de l'oscillation (n×2πE

∆m2) pour étudier les propriétés des neutrinos. Elles mesurent alors l'apparition d'une saveur (να → νβ) ou la disparition des neutrinos de saveur originelle (να → να).

CHAPITRE 1. LA PHYSIQUE DU NEUTRINO Oscillations dans la matière

Les neutrinos interagissent par courant faible chargé ou neutre avec les électrons et les quarks qui composent la matière traversée. La probabilité de diusion élastique d'un neutrino électronique sur un électron étant de 10−49 cm2, seules les diusions cohérentes de neutrinos ayant lieu vers l'avant (qui n'aectent pas la cinématique de l'évènement) seront prises en compte dans la description du mécanisme d'oscillation dans la matière. Ces diusions cohérentes introduisent un phénomène d'interférence (modication des paquets d'ondes) entre les fonctions d'ondes initiale et nale qui impacte les paramètres d'oscillations θV et ∆m2

V (paramètres d'oscillation dans le vide), appelé eet MSW (Mikheev-Smirnov-Wolfenstein) [39, 40].

Les diusions cohérentes provenant des interactions par courant neutre sont insensibles à la saveur leptonique et donc équivalentes pour les trois saveurs de neutrinos. Ce n'est pas le cas des interactions par courant chargé qui couple les neutrinos aux leptons chargés de même saveur. La matière stable traversée par les neutrinos ne contenant ni muons, ni tau, seuls les neutrinos électroniques vont donc interagir avec les électrons. Ces neutrinos sont alors soumis à un potentiel eectif V qui dépend de la densité volumique d'électrons Nede la matière traversée :

V (νe) = √

2GFNe et V (¯νe) = −√

2GFNe (1.16) avec GF la constante de Fermi. La probabilité d'oscillation dans la matière prend alors la forme (dans le cas simplié de deux saveurs) :

P (να → νβ) = sin2(2θM)sin2(∆m

2 ML

4E ) (1.17) avec deux nouveaux paramètres θM et ∆m2

M, dépendants de la densité électronique et reliés aux paramètres d'oscillation dans le vide θV et ∆m2

V par : sin2(2θM) = sin 2V sin2V + (cos2θV − R)2 (1.18) ∆m2M = ∆m2Vpsin2V + (cos2θV − R)2 (1.19) avec R = ±2 √ 2GFENe ∆m2 V (1.20) La densité critique Nc pour laquelle, à une énergie E donnée, la probabilité d'oscillation est maximale (sin(2θM) = 1 ⇐⇒ R = cos2θV), est dénie comme :

Nc= ±cos2θV∆m

2 V

2√

2GFE (1.21) Trois cas de gures se présentent selon la valeur de Ne :

 si Ne Nc alors l'oscillation peut être considérée identique à celle du vide ;

 si Ne ≈ Nc, nous sommes dans le cas d'une résonance et la probabilité de changement de saveur est maximal ;

 si Ne> Nc, l'oscillation est supprimée par les eets de matière.

Nous pouvons aussi remarquer que la probabilité d'oscillation est ampliée (diminuée) si ∆m2 V

> 0 pour les (anti)neutrinos pour un même trajet dans la matière en raison du signe du potentiel V, et inversement si ∆m2

V < 0. L'observation de cet eet est aujourd'hui utilisée pour tenter d'établir le signe de ∆m2

V et ainsi déterminer l'ordre des masses des neutrinos (partie 1.3). Le développement du modèle MSW a ainsi permis d'expliquer le décit dans le ux attendu de neutrinos solaires détectés sur Terre en prenant en compte les oscillations au sein du Soleil et de déterminer le signe de ∆m2

CHAPITRE 1. LA PHYSIQUE DU NEUTRINO

Résultats des expériences d'oscillation et ordre des masses

Les diérentes expériences qui étudient le phénomène d'oscillations ne sont généralement sensibles qu'à une partie des paramètres de mélange selon la source de neutrinos observée (et donc selon l'énergie et la distance d'étude possibles). Ainsi on peut citer par exemple :

 SNO [41] ou SuperKamiokande [42] pour les neutrinos solaires avec une mesure de sin2θ12 et ∆m2