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Comme toutes les expériences cherchant à détecter la décroissance double bêta sans émission de neutrino, le détecteur SuperNEMO doit être le plus radiopur possible. La source contenant l'isotope double bêta, qui est le point de départ des événements recherchés, est l'élément du détecteur qui doit être le plus radiopur. Elle doit également être mince pour limiter la perte d'énergie des électrons détectés à distance. Cette section va permettre d'expliquer comment ces deux critères ont motivé la production de la source émettrice ββ de SuperNEMO.

2.2.1 Choix de l'isotope et de la géométrie

Le sélénium 82 (82Se) a été choisi pour SuperNEMO car il possède une énergie disponible susamment grande (Qββ = 2,995 MeV) pour limiter le bruit de fond lié à la radioactivité naturelle et une demi-vie du processus permis ββ2ν T

1/2 = 9,4.1019ans également élevée pour réduire le bruit de fond d'origine ββ2ν. Cet isotope peut également être enrichi par des méthodes traditionnelles.

Pour limiter les pertes d'énergie des électrons dans la source, SuperNEMO est équipé de feuilles sources minces (36 feuilles de 2,7 m × 13,5 cm × 250 µm). La géométrie et le mode d'installation des feuilles permettent de les remplacer dans le cas d'un éventuel changement d'isotope d'étude. La masse d'isotope émetteur doit aussi être la plus grande possible ce qui est dicile avec l'utilisation de sources minces et qui ne peut être satisfait que si l'isotope est

CHAPITRE 2. DESCRIPTION DU DÉMONSTRATEUR DE SUPERNEMO enrichi. Une masse totale de 6,11 kg de 82Se est présente dans le démonstrateur.

2.2.2 Enrichissement, purication et production des feuilles sources

Enrichissement

Le sélénium composant les feuilles sources doit être enrichi pour atteindre une masse de82Se susante. L'enrichissement permet de séparer chaque isotope d'un élément pour ne conserver que l'isotope d'intérêt. C'est une technique très utilisée avec l'uranium notamment, pour le fonctionnement des centrales électronucléaires avec de l'uranium faiblement enrichi (3 à 5 %) en 235U ou pour des applications militaires avec un taux d'enrichissement supérieur à 90 %. Toutes les méthodes d'enrichissement possèdent un point commun : l'élément qui doit être enrichi doit pouvoir être mis sous forme gazeuse pour favoriser le déplacement des atomes (ou des molécules) de manière individuelle. Pour vaporiser les isotopes à enrichir, ceux-ci sont mis sous forme moléculaire (UF6 par exemple). La nécessité d'avoir l'isotope sous forme gazeuse limite le choix des éléments pouvant être enrichis.

Il existe plusieurs techniques d'enrichissement. La première, datant de la n de la seconde guerre mondiale, consiste à faire diuser les molécules gazeuses dans un gradient de température, opérant ainsi une sélection en masse. D'autres méthodes ont ensuite vu le jour, telles que la séparation électromagnétique avec l'utilisation d'un spectromètre de masse qui nécessite l'ionisation préalable du gaz, ou la diusion à travers une membrane dont la vitesse dépend de la masse de la molécule, elle-même dépendante de la masse de l'isotope à enrichir.

Cependant, les besoins modernes en uranium enrichi requièrent l'utilisation de nouvelles techniques capables d'enrichir de grandes quantités de matière. De nos jours, la technique principalement utilisée est la centrifugation. Elle consiste en l'utilisation de centrifugeuses en rotation à grande vitesse et chauées à leur base. Ceci est illustré par la gure 2.3 : la force centrifuge appliquée aux molécules opère une première séparation en fonction de leur masse, les plus lourdes migrant vers l'extérieur et les plus légères vers le centre. Le chauage quant à lui créé un mouvement de convection thermique au sein de la centrifugeuse permettant aussi une séparation avec un déplacement des molécules légères vers le haut et des plus lourdes vers le bas.

Figure 2.3 Illustration de la séparation en masse d'isotopes dans une centrifugeuse avec convection thermique [5].

CHAPITRE 2. DESCRIPTION DU DÉMONSTRATEUR DE SUPERNEMO L'utilisation de ce dispositif permet aussi un montage en cascade : la séparation opérée dans une première centrifugeuse est transmise dans la suivante, et ainsi de suite. A chaque étape, la teneur en isotope d'intérêt augmente, jusqu'à atteindre la pureté souhaitée.

C'est avec cette méthode que les 6,11 kg de82Se ont été enrichis. Le sélénium naturel, composé de six isotopes stables, est enrichi par centrifugation (sous forme de SeF6) pour ne conserver que le 82Se, seul émetteur double bêta de cet élément avec un taux d'enrichissement de 90 % à 99 %. Une décharge électrique dans le gaz permet de récupérer le sélénium sous forme de poudre qui doit être puriée avant d'être utilisée.

Purication

Le matériau enrichi en isotopes ββ doit ensuite être purié pour limiter la présence de contaminants. Il s'agit de tous les noyaux radioactifs dont la désintégration peut conduire à imiter un signal ββ, c'est-à-dire une topologie deux électrons dont la somme en énergie est égale au Qββ. Les deux noyaux principalement problématiques sont le bismuth 214 (214Bi) et le thallium 208 (208Tl) et les processus pouvant conduire à un signal imitant une décroissance ββ seront décrits dans la section 2.9. An de purier au mieux la poudre de sélénium, trois méthodes ont été utilisées :

 une purication chimique : les contaminants sont xés à du sel de baryum par cristallisation avant d'être éliminés [95] ;

 une purication par double distillation.

 une purication par chromatographie : le sélénium migre au travers d'une résine échangeuse d'ions qui va retenir uniquement les impuretés [96].

An de vérier l'ecacité de ces méthodes de purication, la radiopureté des feuilles sources a été mesurée par un détecteur dédié, BiPo, présenté section 2.6.1.

Production des feuilles sources

La poudre de sélénium puriée est mélangée à de la colle PVA (PolyVinyl Alcohol) dans le but d'obtenir une pâte facilement modelable. Ce mélange est déposé sur une ne feuille de mylar de 12 µm d'épaisseur. Actuellement dans SuperNEMO, deux types de feuilles sources qui dièrent par leur mode de production sont installées.

 Les feuilles produites par ITEP en Russie sont celles dont la granularité est la plus grossière, c'est-à-dire que les grains de sélénium qui la composent ont une taille de l'ordre de quelques dizaines de micromètres. Le mélange de colle et de sélénium est déposé sur une feuille de mylar micro-perforée pour permettre un séchage plus ecace de la colle. La contrepartie est que la méthode de perforation entraîne l'introduction d'impuretés. Une fois le séchage terminé, une deuxième feuille de mylar vient fermer la source.

 Les feuilles produites par le LAPP à Annecy [97] sont faites à partir de grains très ns (≤ 1 µm). Pour que la production des feuilles se fasse dans des conditions les plus radio-pures possibles, et en particulier pour éviter l'introduction de contaminants par le biais de la micro-perforation du mylar, le laboratoire d'Annecy a testé plusieurs méthodes de mise en forme et de séchage. La méthode nale utilisée consiste à déposer le mélange dans un moule visible gure 2.4-a qui, une fois séché, est encapsulé par deux feuilles de mylar. La moitié des feuilles sources a été produite selon la méthode ITEP, soient 18 bandes, l'autre moitié selon le procédé développé par le LAPP. Une fois les feuilles sources produites, elles ont été transportées et installées en 2018 dans le détecteur (gure 2.4-b).

CHAPITRE 2. DESCRIPTION DU DÉMONSTRATEUR DE SUPERNEMO

 a   b 

Figure 2.4 Production d'une feuille source de sélénium par la méthode du LAPP (a) et photographie des feuilles sources dans le détecteur SuperNEMO avant fermeture du détecteur (b). Les feuilles à l'apparence segmentée sont celles produites au LAPP, les feuilles continues ont été produites à ITEP.