• Aucun résultat trouvé

Les microARN ont un rôle biologique important puisqu’ils sont impliqués dans le développement, la prolifération et la différenciation cellulaire. Ils ont également un rôle dans la transduction du signal, l’apoptose ou encore la tumorigenèse. Dans ce paragraphe, nous étudierons les différents mécanismes associés aux microARN. Nous verrons également quelques exemples de microARN impliqués dans des cancers.

1. Mode d’action et régulation des microARN a. Régulation négative par les microARN

Il est aujourd’hui admis que les microARN exercent un effet négatif sur leurs ARNm cibles. En général, les microARN engendrent la dégradation de leurs ARNm cibles ou l’inhibition de leur traduction en se fixant les UTR3’. Leur action est régulée par l’association du complexe RISC avec des cofacteurs et/ou par la présence de protéines spécifiques sur les ARNm. De plus, le mode d’action des microARN est également déterminé par la complémentarité de séquence entre le microARN et son ARNm cible. En effet, une complémentarité parfaite entre le microARN et son ARNm cible engendre une dégradation de l’ARNm cible (Hutvagner & Zamore, 2002 ; Martinez &Tuschl, 2004). Cette dégradation est permise par l’activité endonucléase de la protéine AGO2. Cette enzyme va cliver le microARN et son ARNm cible entre les nucléotides 10 et 11. Ce clivage entrainera la dégradation de l’ARNm par l’action d’exonucléase 5’3’ et 3’5’.

Par ailleurs, si la complémentarité du microARN et de son ARNm cible est imparfaite (notamment entre les nucléotides 10 et 11), l’ARNm cible ne sera pas traduit et une modification de sa stabilité, suite à une déadénylation et une perte de la coiffe 5’, sera observée (Behm-Ansmant et al., 2006 ; Giraldez et al., 2006 ; Jackson & Standart, 2007 ;Wu et al. 2006) (fig 18 A).

Introduction

Le mécanisme permettant la répression de la traduction de l’ARNm n’est pas clairement défini. Néanmoins, plusieurs études montrent que le microARN empêche la fixation du complexe d’initiation de la traduction tandis que d’autres montrent que le microARN empêche l’élongation de la protéine (Humphreys et al., 2005 ; Pillai et al., 2005 ; Maroney et al., 2006 ; Nottrott et al., 2006) (fig 18 B, C). En effet, la protéine AGO2, lorsqu’elle est présente sur l’UTR3’ des ARNm, est capable de fixer l’UTR5’ de cet ARNm, et plus précisément la coiffe de celui-ci. Cette interaction empêche le recrutement de la protéine eIF4e, protéine à l’origine de l’initiation de la traduction des ARNm (Humphreys et al., 2005 ; Mathonnet et al., 2007). De plus, la protéine AGO du complexe RISC est capable d’interagir avec la protéine GW182 : une protéine localisée dans les P-bodies. Cette association engendre la localisation du complexe RISC, du microARN et de son ARNm cible dans ce compartiment cytosolique. Aucunes protéines impliquées dans la traduction des ARNm n’ont été retrouvées dans les P- bodies. La localisation du complexe RISC-miR-ARNm dans ce compartiment permettrait donc également la répression de la traduction des ARNm. Cependant, une déplétion des P-bodies n’affecte pas la répression de la traduction des ARNm (Chu & Rana, 2006 ; Jackson & Standart, 2007). Ainsi, la localisation du complexe RISC-miR-ARNm dans ce compartiment cellulaire survient après la répression de la traduction de l’ARNm. Dans les P-bodies, les protéines DCP1/2 et GW182 vont ensuite supprimer la coiffe et déadényler l’ARNm qui sera alors dégradé.

b. Régulation positive par les microARN

En 2007, Vasudevan et collaboateurs ont mis en évidence que le miR-369-3p pouvait exercer un effet positif sur l’ARNm TNFα (Vasudevan et al., 2007). L’ARNm TNFα contient des séquences riches en AU (ARE). Le microARN miR-369-3p reconnait ces séquences, ce qui lui permet de se fixer sur cet ARNm. Lorsque les cellules sont en prolifération, le microARN est associé au complexe RISC et induit une répression de la traduction de l’ARNm. Lors d’arrêt du cycle cellulaire, les auteurs montrent que la protéine AGO2 est associée à la protéine FXR1. La présence de FXR1 au niveau des séquences riches en AU induit un effet positif du microARN sur son ARNm cible. En effet, lors de privation nutritive, les auteurs ont observé une augmentation de la traduction de l’ARNm TNFα. Ainsi, lorsque les cellules sont arrêtées dans le cycle, les microARN ont un effet activateur sur leurs ARNm cibles.

En 2008, Ørom et al., ont mis en évidence que le microARN-10a se fixe sur l’UTR5’ d’ARNm de protéine ribosomale (Ørom et al., 2008). La synthèse des protéines ribosomales est régulée par des motifs 5’TOP qui sont sensibles aux signaux de stress cellulaire et au statut nutritif des cellules. Les auteurs montrent que le miR-10a se fixe sur l’UTR5’ de ces ARNm grâce à ces motifs. De plus, ils mettent en évidence qu’en absence de nutriment, le miR-10a, en se

fixant sur l’UTR5’ de ces ARNm, y exerce un effet positif. En effet, une augmentation de la traduction des protéines ribosomales a été observée lors de privation nutritive. De plus, les auteurs ont également mis en évidence que le miR-10a pouvait se fixer sur l’UTR3’ de ces ARNm. Cette interaction est responsable d’une inhibition de la traduction des ARNm codant pour les protéines ribosomales. Ainsi, l’absence de nutriment, la présence de motif 5’TOP et la fixation du miR-10a sur l’UTR5’ permettent l’effet positif de ce microARN.

Par ailleurs, la même année, il a été mis en évidence que le miR-122 exerçait un effet positif sur la traduction des protéines du virus de l’hépatite C (Henke et al., 2008).

c. Autres modes de régulation

L’effet d’un microARN peut également être modulé par la présence de protéine sur l’ARNm cible. En effet, lorsque la protéine DND1 est présente sur les ARNm NANOS1 et TDRD7, elle masque le site de fixation du miR-430, ce qui empêche la régulation négative de ce dernier sur ces ARNm (Mishima et al., 2006 ; Kedde et al., 2007).

La protéine HuR se fixe sur l’UTR3’ de l’ARNm CAT1 et empêche la fonction du miR-122. En effet, la présence de HuR sur CAT1 induit sa translocation des P-bodies vers le cytosol et permet sa traduction (Bhattacharyya et al., 2006). Cette même protéine peut également exercer un effet négatif puisqu’elle agit en synergie avec let-7 pour réprimer la traduction de l’ARNm MYC (Kim et al., 2009). Par ailleurs, la protéine HuR est également capable de réguler la formation des microARN (Keniry et al., 2012). En effet, au cours du développement embryonnaire, son association avec l’ARN non codant H19 empêche la formation du miR-675 généré par ce dernier.

Ainsi, en fonction de l’état physiologique des cellules, des protéines associées au complexe RISC et des protéines associées aux ARNm, l’action des microARN sur leurs ARNm cibles peut être différente.

2. Les microARN dans le cancer

Les microARN sont impliqués dans tous les processus cellulaires. Une dérégulation de leur expression peut être responsable de cancer. En effet, en 2005, il a été mis en évidence que 29 microARN sont dérégulés dans les cancers du sein (Iorio et al., 2005). Dans les cancers, comme pour les gènes, ils peuvent agir en tant qu’oncogène ou suppresseur de tumeur.

a. Suppresseur de tumeur

Les premiers microARN suppresseur de tumeur ont été mis en évidence dans les Leucémie Lymphocytique Chronique (CLL) (Garzon et al., 2006). Il s’agit des miR-15a et miR-16-1 (Calin et al., 2002). Ces deux microARN régulent négativement l’expression du gène B-cell

Introduction

CLL/lymphoma 2 (BCL2), un gène qui est fréquemment surexprimé dans ce type de cancer.

Au cours de cancer, l’expression des miR-15a et miR-16-1 est réprimée à cause d’une délétion génétique. Le gène BCL2 est donc surexprimé, ce qui induit une prolifération accrue des cellules B matures.

Les microARN de la famille let-7 agissent également comme suppresseur de tumeur dans les cancers. En effet, une diminution d’expression de ces microARN a été observée dans plusieurs cancers : cancer du sein et des poumons par exemple.

b. Oncogène

Le miR-155 est le premier microARN oncogène à avoir été mis en évidence. Ce microARN est surexprimé dans les maladies de Hodgkin, lymphome B diffus à large cellules, CLL à cellules B, cancer du poumon et cancer du sein. Ce microARN est codé par l’ARN non codant BIC et réprime l’expression de l’histone désacétylase 4 (HDAC4) en se fixant sur l’ARNm (Sandhu et al., 2012). Cette protéine étant un co-répresseur de l’expression de BCL6 (B-cell lymphoma

6), l’expression de BCL6 est donc augmentée dans ces cancers. Ceci permet une

augmentation de la prolifération et de la survie des cellules B. c. Oncogène ou suppresseur de tumeur ?

Si le rôle pour les microARN 15a, 16-1 et 155 est clairement défini dans les cancers, pour d’autres microARN, leur fonction dans les cancers n’est pas clair. En effet, l’expression du miR-146, par exemple, est augmentée dans beaucoup de cancer, notamment dans les cancers du sein, de la prostate, de la thyroïde ou encore des ovaires (He et al., 2005 ; Volinia et al., 2006 ; Dahiya et al., 2008 ; Wang et al., 2008a). Dans les cancers du sein, le miR-146 régule négativement l’expression de la protéine BRCA1 (protéine impliquée dans le processus de réparation de l’ADN) (Garcia et al., 2011). Ainsi, dans ce cancer, le miR-146 possède un rôle d’oncogène.

A l’inverse, plusieurs autres études ont mis en évidence qu’une diminution d’expression du miR-146 est associée à une augmentation de survie et de prolifération des cellules hématopoïétiques (Boldin et al., 2011). Dans ces cellules, le miR-146 régule négativement l’expression des activateurs de la voie NF-κB (IRAK1, TRAF6). Cette voie étant impliquée dans la survie cellulaire, il semblerait donc que le miR-146 possède un rôle de suppresseur de tumeur dans les cellules hématopoïétiques. Par ailleurs une autre étude a mis en évidence que l’expression du miR-146 est régulée positivement par la voie NF-κB (Taganov et al., 2006). Il existe ainsi une boucle de rétrocontrôle permettant de réguler l’expression de miR-146. Les auteurs supposent qu’en fonction de taux d’activation de la voie NF-κB, le miR-146 possède un rôle d’oncogène ou de suppresseur de tumeur.

Un second microARN (miR-29) peut également être oncogène ou suppresseur de tumeur (Kasinski et al., 2011). Le miR-29 induit l’apoptose des cellules de leucémies aigues myéloblastiques (AML) ou de cancer du poumon après xénogreffe en souris immunodéficientes (Fabbri et al., 2007 ; Garzon et al., 2009). Ce qui semble indiquer un rôle de suppresseur de tumeur pour ce microARN. A l’inverse, dans les B-CLL, il semblerait que le miR-29 joue un d’oncogène en réprimant l’expression d’une protéine d’adhésion cellulaire : PXDN (Peroxidasin homologue) (Santanam et al., 2010).