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II. Le cancer du sein

4. Classification des cancers du sein

A l’heure actuelle, il est impossible de définir un stade précoce et un stade tardif de la tumeur, puisque cela supposerait une évolution régulière et linéaire de la formation tumorale. Cependant, il est important de classer les tumeurs afin de créer des groupes homogènes sur le plan pronostic mais aussi thérapeutique. Aujourd’hui, il existe plusieurs types de classification des tumeurs mammaires. Dans ce paragraphe, trois classifications différentes seront abordées : la première tient compte des caractéristiques macroscopiques, histologiques et pronostiques des tumeurs ; la seconde tient compte de la taille de la tumeur (T), de l’invasion ganglionnaire (N) et de l’invasion métastatique (M) des autres tissus : il s’agit de la classification dite « TNM ». Enfin la dernière classification tient compte des altérations génétiques observées dans la tumeur.

a. La classification histologique

En fonction de leur diagnostic et de leur évolution, les tumeurs mammaires peuvent être bénignes ou malignes. Ces deux groupes de tumeurs sont définis en fonction des caractéristiques macroscopiques, histologiques et pronostiques des tumeurs.

Une tumeur est dite « bénigne » lorsqu’elle est bien délimitée et encapsulée dans le tissu. Le plus souvent, il s’agit d’une masse tissulaire qui est non cancéreuse. Les cellules constituant cette masse ont une croissance lente et restent localisées à proximité de leur lieu de naissance dans le tissu. Ainsi, ces tumeurs ne forment aucune métastase et après exérèse complète,

aucune récidive n’est observée. Ces tumeurs ont un diagnostic très favorable et sont fréquemment diagnostiquées avant l’âge de 30 ans chez la femme.

A l’inverse du groupe précédent, les tumeurs malignes sont généralement non délimitées et non encapsulées. Les cellules présentes dans ces tumeurs ont une croissance rapide et sont capables d’infiltrer et de détruire les tissus adjacents à leur lieu de naissance. Ces tumeurs peuvent former des métastases et induire une récidive après exérèse complète de la tumeur primaire. La majorité des tumeurs malignes (95% des cas) sont des adénocarcinomes : des tumeurs ayant pour origine les cellules épithéliales glandulaires. Lorsque les cellules cancéreuses sont issues des cellules des canaux, nous sommes en présence d’un cancer canalaire ; lorsque les cellules cancéreuses proviennent des cellules lobulaires, nous parlons de cancer lobulaire. En fonction de leur envahissement dans le tissu environnant, les adénocarcinomes sont classés en plusieurs groupes :

 Les carcinomes in situ (non infiltrants) :

Il existe deux types de carcinomes in situ : les carcinomes canalaires in situ (CCIS) qui proviennent des cellules de la lumière du canal galactophore ; les carcinomes lobulaires in situ (CLIS) qui proviennent de la prolifération des acini des lobules. Ces carcinomes n’envahissent pas le tissu conjonctif, la membrane basale est intacte ; iIs sont donc généralement de bon pronostic. Cependant, ces carcinomes sont rares (2-3%) puisqu’ils ne sont jamais diagnostiqués à ce stade.

 Les carcinomes invasifs (infiltrants) :

Ces carcinomes sont caractérisés par une membrane basale altérée et un envahissement tumoral dans le tissu conjonctif environnant. Comme les carcinomes in situ, deux types de carcinomes invasifs existent : les carcinomes invasifs canalaires (75% des cas de cancer du sein) et les carcinomes invasifs lobulaires (5 à 15% des cas de cancer du sein). Ces carcinomes invasifs représentent la majorité (98% des cas) des cancers du sein puisque le cancer du sein est généralement diagnostiqué à ce stade. Des formes rares de ces carcinomes invasifs ont été diagnostiquées : les carcinomes tubuleux, mucineux, médullaires, papillaires ou encore les carcinomes apocrines, neuroendocrines et adénoïdes kystiques.

 Les cancers du sein métastatiques :

Cette forme de cancer du sein provient généralement des cellules néoplasiques des carcinomes invasifs. Ces cellules sont capables de disséminer à partir de la tumeur primaire dans le réseau lymphatique préférentiellement mais aussi dans les vaisseaux sanguins. Les premiers relais ganglionnaires (ganglions axillaires, les ganglions des chaines mammaires internes et sub-claviculaires) sont alors colonisés et peuvent être à l’origine d’une

Introduction

dissémination générale du cancer. Cet envahissement ganglionnaire est le reflet du potentiel métastatique des cellules de la tumeur primaire. La dissémination des cellules cancéreuses mammaires n’est pas aléatoire dans l’organisme ; un tropisme pour les os, les poumons, le cerveau et le foie a été observé.

 Les autres formes de cancer du sein (rare) :

Le cancer inflammatoire : Les cellules cancéreuses infiltrent le réseau lymphatique dans la peau du sein, ce qui engendre une embolie lymphatique ; il s’agit donc d’un cancer très agressif et de mauvais pronostic. Il est dit « inflammatoire » puisqu’il est souvent associé à une augmentation du volume du sein, et des changements au niveau de la peau du sein (rougeur, chaleur, œdème).

La maladie de Paget du mamelon : il s’agit d’un cancer du sein qui est caractérisé par une éruption cutanée de la peau du mamelon et de l’aréole. Le plus souvent, ce signe clinique est associé à un adénocarcinome sous-jacent qui prend naissance dans les canaux du sein et se répand jusqu’à l’épiderme du mamelon et de l’aréole.

Dans de très rares cas, d’autres formes de cancer du sein peuvent être diagnostiquées : des tumeurs phyllodes, des sarcomes ou encore des lymphomes du sein. Les tumeurs phyllodes sont, le plus souvent, des tumeurs dites « bénignes » ; elles sont traitées par une chirurgie. Enfin, les sarcomes et lymphomes du sein sont traités de la même manière que les autres sarcomes et lymphomes non Hodgkinien, par chimiothérapie.

b. La classification TNM

Cette classification repose principalement sur des observations anatomiques de la tumeur. En effet, dans un premier temps, le volume tumoral est mesuré et un score T compris entre 0 et 4 lui est attribué. Il est à noter que plus la valeur est élevée, plus le volume de la tumeur et son extension à la cage thoracique est important. Ensuite, l’invasion ganglionnaire par les cellules tumorales est analysée et également scorée avec des valeurs N comprises entre 0 et 3. La cotation N dépend du territoire ganglionnaire envahi par les cellules tumorales, plus ou moins proche du site de la tumeur, des dimensions des adénopathies, de leur nombre et de leur éventuelle fixation aux tissus voisins. Enfin, l’invasion métastatique M est analysée et notée M0 ou M1. La valeur M0 est associée à l’absence de métastase et la valeur M1 à la présence de métastase, quelque soit leur nombre, leur volume et leur localisation. Une fois l’ensemble des valeurs TNM diagnostiquées, nous pouvons déterminer le stade de la progression tumorale. Ce stade est noté de 0 à IV ; où 0 correspond à un cancer in situ de petite taille, sans invasion ganglionnaire ni de métastase et IV correspond à un cancer avancé avec envahissement ganglionnaire et la présence de métastases multi-sites T4N3M1.

c. La classification moléculaire

Pendant de nombreuses années, la classification des différents sous-types de cancer du sein reposait sur l’expression des récepteurs hormonaux, notamment des récepteurs aux œstrogènes, à la progestérone et du récepteur HER2. Mais, les différents sous-groupes de patients ainsi générés ne répondaient pas de la même manière aux traitements. En 2000, Perou et collaborateurs ont étudié les profils d’expression des gènes de 65 tumeurs mammaires obtenues à partir de 42 individus par microarray (Perrou et al., 2000). Sur les 8102 gènes présents sur la puce, ils n’en n’ont retenu que 496. L’expression de ces gènes était significativement différente entre les tumeurs, mais avec de faibles variations entre deux tumeurs issues d’un même patient. L’analyse de ces gènes a permis de mettre en évidence deux groupes : un groupe dit oestrogènes récepteur-négatif (ER-) et un groupe dit oestrogènes récepteur-positif (ER+). Une analyse plus précise de ces groupes montre que les tumeurs ER+ expriment les récepteurs aux facteurs hormonaux (œstrogènes et progestérone), les cytokératines spécifiques des cellules luminales ainsi que d’autres marqueurs de ce type cellulaire : elles sont donc nommées tumeurs luminales. De plus, des détections des récepteurs aux œstrogènes et progestérone, d’HER2 et du marqueur de prolifération Ki-67 par immunohistochimies ont permis de mettre en évidence 2 sous-groupes de tumeurs luminales : luminal-A et luminal-B.

Dans la branche des tumeurs ER-, 3 sous-groupes ont été identifiés : les HER2+, basal-like et normal-like. Les différences entre ces groupes de tumeurs reposent sur des modifications d’expression du récepteur HER2 et sur l’expression de cytokératine spécifique des différents types cellulaires. Les caractéristiques de ces sous-groupes sont détaillées dans le tableau 3. Récemment, deux autres types de tumeurs mammaires ont été mis en évidence : les tumeurs dites « molecular apocrine » qui montrent une activation du récepteur aux androgènes, et les tumeurs dites « claudin-low » qui sont caractérisées par une faible expression des marqueurs de jonction cellulaire (CDH1, Cadherin-1, CLDN, claudin).

Introduction

Tableau 3. Caractéristiques moléculaires des différents sous-types de cancer du sein. Pronostic : - - très défavorable ; - défavorable ; +/- intermédiaire ; + bon

sous-type ER/PR/ HER fréquence dans les cancers autres marqueurs gènes caractéristiques grade histologi que pronostic luminal-A ER+ PR+ HER2- 50-60% CK8/18+ ER1+ Ki67- LIV1, FOXA1, XBP1, GATA3, BLC2, erBb3, erbB4 grade I ou II + luminal-B ER+/- PR+/- HER2- /+ 15-20% Ki67+ v-MYB, GGH, LAPTMB4, NSEP1, CCNE1 grade II ou III +/- HER2 positive ER- PR- HER2+

15-20% P53 mutée Ki67+ P-cadherine EGFR, grade III -

basal-like ER- PR- HER2- 8-37% CK5/14/17+ laminine+ P53 mutée Ki67+ P-cadherine, calvéoline, EGFR, grade III - - normal-like ER-/+ PR? HER2- 5-10% EGFR- CK5- grade I +/- molecular apocrine ER- PR- HER2+ /- CK5+ AR, FAS,

ERBB2, XBP1 grade II ou III +/-

claudin low ER- PR- HER2- 12-14% CK5, CDH1 bas/- CLND1 bas/-

CD44, SNAI3 grade III -