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II. Le locus H19/IGF2

1. L’empreinte génomique au locus H19/IGF2

Le locus H19/IGF2, localisé sur le chromosome 11 en position p15, est particulier puisqu’il est adjacent au locus Kcnq1/Kcnq1ot1. Ces deux locus imprintés possèdent chacun leur centre de régulation de l’empreinte noté IC1 et IC2 respectivement (fig 21A). Cependant, ces deux locus sont impliqués dans des syndromes du développement suggérant une régulation concomitante de ceux-ci.

Le locus H19/IGF2 s’étend sur 140kbp environ et contient 2 gènes dont un ARN non codant :

IGF2 et H19. Ce locus est conservé entre les espèces et est bordé en 3’ par un gène non

soumis à l’empreinte génomique : MRLP23 (Smits et al., 2008). Comme tous les autres gènes imprintés, les gènes IGF2 et H19 sont fortement exprimés dans le développement embryonnaire et réprimés à la naissance dans la majorité des tissus. Le gène H19 est transcrit en un ARN non codant de 2,3 kb possédant un rôle de suppresseur de tumeur au cours du développement embryonnaire (Brannan et al., 1990 ; Hao et al., 1993). Le gène IGF2 code pour une protéine impliquée dans la croissance de l’embryon : l’insuline-like growth factor 2 (IGF2) (De Chiara et al., 1990). L’empreinte génomique à ce locus est permise par l’ICR (une DMR primaire) qui est localisée 2kbp en amont du gène H19 (Tremblay et al., 1997) (fig 21B). L’ICR contient 4 sites de fixation pour la protéine CTCF (CCCTC-binding factor) chez la souris et 7 sites chez l’Homme (Hark et al., 2000 ; Szabo et al., 2000 ; Takai et al., 2001). Cette protéine se fixe sur l’ICR lorsque celui-ci n’est pas méthylé. Elle y possède deux rôles : (1) elle empêche la méthylation de novo de cette région riche en îlots CpG, (2) elle joue un rôle d’isolateur chromatinien et permet la mise en place et le maintien de l’empreinte génomique. L’expression des gènes de ce locus est également permise par deux sets d’enhancers d’origine mesodermique et endodermique localisés respectivement à 12kbp en amont du gène

H19 et 10,5kbp en aval de ce même gène (Ishihara & Sasaki, 2002 ; Drewell et al., 2002a).

L’action de ces enhancers est régulée par la méthylation de l’ICR et la présence de CTCF sur celui-ci. En effet, en 1998, Hark & Tilghman ont mis en évidence une région située en amont du gène H19 méthylé sur l’allèle paternel (Hark & Tilghman, 1998). Ils montrent que l’allèle maternel est sensible à l’action des nucléases. Leurs travaux mettent en évidence que la méthylation de l’ICR régule l’expression des gènes du locus.

Introduction

Figure 21. Le locus H19/IGF2. (A) Le locus 11p15 chez l’Homme. Ce locus de 1Mbp est constitué de 2 centres de régulation de l’empreinte IC1 et IC2. Ces centres régulent respectivement l’expression des gènes des locus H19/IGF2 et Kcnq1/Kcnq1ot1. Une dérégulation de l’empreinte est responsable de pathologies tel que le syndrome de Beckwith-Wiedemman. En bleu sont représentés les ARN non codants antisens. (B) Le locus H19/IGF2 chez l’Homme. L’expression des gènes H19 et IGF2 est régulée par le centre de l’empreinte nommé ICR et deux sets d’enhancers nommés Huc et Enh. En absence de méthylation de l’ICR, la protéine CTCF se fixe sur celui-ci et empêche l’action des enhancers sur le promoteur d’IGF2 (allèle maternel). Ainsi, à partir de l’allèle maternel, uniquement le gène H19 est exprimé. Sur l’allèle paternel, la méthylation de l’ICR réprime l’expression d’H19 et empêche la fixation de la protéine CTCF. Les enhancers peuvent activer l’expression du gène IGF2. L’empreinte génomique parentale permet l’expression d’H19 à partir de l’allèle maternel et l’expression d’IGF2 à partir de l’allèle paternel. (adapté de Berteaux et al., 2010).

A

B

Ainsi sur l’allèle maternel, l’ICR n’étant pas méthylée, la protéine CTCF interagit avec cette région du locus. Elle va alors empêcher l’action des enhancers sur le promoteur du gène IGF2 ; uniquement le gène H19 sera exprimé (Hark et al., 2000). De plus, l’absence de méthylation des DMR secondaires (DMR1, DMR2) localisées dans le promoteur et le gène d’IGF2 sur ce même allèle réprime également l’expression du gène IGF2 (fig 21B) (Constância et al., 2000). Une acétylation des histones sur cet allèle au niveau du promoteur du gène H19 a également été détectée, permettant ainsi son expression (Grandjean et al., 2001).

A l’inverse, la méthylation de l’ICR sur l’allèle paternel réprime l’expression du gène H19 en provoquant une hyperméthylation de son promoteur et empêche la fixation de la protéine CTCF (Srivastava et al., 2000). Les enhancers vont donc activer l’expression du gène IGF2 à partir de cet allèle. Par ailleurs, la méthylation de l’ICR permet la méthylation des DMR secondaires (DMR1, DMR2), qui vont également activer l’expression d’IGF2 sur cet allèle (Murrell et al., 2001). Ainsi H19 n’est exprimé qu’à partir de l’allèle maternel tandis qu’IGF2 ne l’est qu’à partir de l’allèle paternel (fig 21B).

Comme la majorité des gènes soumis à l’empreinte génomique, ces deux gènes (H19 et IGF2) sont fortement exprimés et actifs au cours du développement embryonnaire et fœtal. Leur expression a été localisée dans les tissus dérivés des trois feuillets embryonnaires : endodermique, mésodermique et ectodermique (Hemberger et al., 1998 ; Poirier et al., 1991 ; Lustig et al., 1994). Lors du développement embryonnaire, le profil d’expression spatio- temporel de ces gènes est identique, puisqu’ils sont régulés par des enhancers commun (Ohlsson et al., 1994). A la naissance, ces deux gènes sont largement réprimés excepté dans certains tissus où un niveau basal d’expression subsiste. En effet, le gène H19 est fortement exprimé dans le muscle squelettique (Pachnis et al., 1984 ;Leibovitch et al., 1995 ; Milligan et al., 2000) et un niveau basal subsiste dans les poumons, le cœur, le thymus (Poirier et al., 1991), la glande mammaire (Dugimont et al., 1995 ; Adriaenssens et al., 1998), les glandes surrénales (Liu et al., 1995) et l’utérus (Ariel et al., 1997b). A l’inverse du gène H19 où l’expression est exclusivement d’origine maternelle même à l’âge adulte, une expression biallélique du gène IGF2 est observée dans le foie, le plexus choroïde et les leptoméninges (Ohlsson et al., 1994 ; Feil et al., 1994). Ainsi l’empreinte génomique peut être régulée de façon spatio-temporelle, il s’agit donc d’un mécanisme actif et finement régulé.