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II. Modes d’action des longs ARN non codants

2. Modes d’action cytosolique

Dans le cytosol, les structures secondaires des longs ARN non codants peuvent être reconnues par des endonucléases spécifiques type Dicer. Ils seront alors clivés par cette enzyme, ce qui générera des petits ARN non codants type siARN, microARN ou encore ARN

de transfert dont les fonctions sont détaillées dans le chapitre suivant (voir P. 55). En effet, les longs ARN non codants peuvent être précurseurs de microARN. C’est le cas de l’ARN non codant linc-MD1 qui génère deux microARN (miR-206 et miR-133b) dans les cellules musculaires différenciées et lors de dystrophie musculaire (Cesana et al., 2011).

Les longs ARN non codants peuvent également être précurseurs de siARN. Par exemple, les ARN Xist et Tsix, impliqués dans l’inactivation du chromosome X, sont capables de s’associer en duplex et d’être exportés dans le cytosol. Dans ce compartiment, ce duplex d’ARN est reconnu par l’enzyme Dicer qui va alors générer un siARN fonctionnel dans la cellule. Cet ARN interférant serait nécessaire à l’inactivation du chromosome X chez la femme (Ogawa et al., 2008).

Nous pouvons également citer l’ARN non codant MALAT1 dont l’extrémité 3’ est clivée par les RNase P et RNase Z. Ce clivage génère un ARN de transfert de 61 bp et l’ARN MALAT1 d’environ 6700 bp qui est localisé dans les paraspeckles (Wilusz et al., 2008).

b. Eponge à ARN

Les lncRNA peuvent interagir avec des microARN pour les empêcher de se fixer sur leurs ARNm cibles : ce sont des éponges à microARN (competitive endogenous RNA, ceRNA). Les éponges à microARN peuvent se présenter sous différentes formes (fig 12). Nous pouvons citer par exemple, l’ARN non codant RoR (Regulator of Reprogramming) qui est impliqué dans le maintien des cellules souches, d’où son nom (Loewer et al., 2010). En effet, il a été mis en évidence que le lincRNA-RoR était capable de fixer le microARN-145. Ce microARN réprime l’expression des gènes Sox2, Oct3/4 et Nanog ; protéine impliquée principalement dans la formation et le maintien des cellules souches (Wang et al., 2013). Ainsi le lincRNA-RoR, en fixant le miR-145, favorise l’apparition et le maintien des cellules souches.

Par ailleurs, le lncRNA LINCMD1, qui est spécifique des cellules musculaires, est capable de fixer les microARN miR-133 et miR-135 (Geisler & Coller, 2013). Ces deux microARN sont connus pour réprimer l’expression des ARNm MALM1 (mastermind-like 1) et MEF2C (myocyte enhancer factor 2) : deux facteurs de transcription impliqués dans l’expression de gènes spécifiques de la cellule musculaire. Ainsi, de manière indirecte, le LINCMD1 active l’expression de ces facteurs en se fixant sur les miR-133 et 135.

Récemment, des éponges à microARN plus stables ont été mises en évidence : ce sont les circular RNA (circRNA ou ciRNA). Ces deux formes d’éponges sont issues de l’épissage des exons. Les circRNA peuvent être constitués d’exons et d’introns alors que les ciRNA sont constitués uniquement d’introns (Zhang et al., 2013b). Comme les ceRNA, ces ARN non codants circulaires fixent des microARN et les empêchent d’agir dans la cellule. C’est le cas

Introduction

Figure 12. Modulation de l’effet des microARN par les longs ARN non codants. Les éponges à microARN peuvent se présenter sous différentes formes. Les longs ARN non codants, les pseudogènes et les ARN circulaires servent de leurre au microARN. Les ARN circulaires, issus de l’épissage alternatif des ARNm, sont plus stables que les autres types d’éponges connus. Les longs ARN non codants antisens peuvent interagir avec les ARNm transcrits à partir du même locus et par conséquent masquer le site de fixation du microARN. (adapté de Kartha & Subramanian, 2014).

ARN circulaire

microARN

ARNm cible ARNm antisense

ARNm cible

ARN non codant pseudogène

Éponge à microARN

Rôle biologique du microARN

Masquage du site de fixation des microARN

par exemple, du circRNA CDR1as qui agit comme une éponge des miR-7 (Geisler & Coller, 2013) (fig 12).

Cependant, quelques différences entre ces deux types d’éponges sont à noter. La formation des ciRNA est permise par la présence d’un site consensus en 5’ du site d’épissage ; tandis que la formation des circRNA est permise par l’absence de queue polyA sur l’ARNm.

De plus, les ciRNA sont plutôt nucléaires et régulent l’expression de leur propre gène alors que les circRNA sont cytosoliques et jouent un rôle d’éponge (Zhang et al., 2013b; Hansen et al., 2013; Memczak et al., 2013). En effet, le ciRNA intronique ankrd52 régule positivement l’expression du gène auquel il est associé en se fixant sur la machinerie d’élongation de la transcription par l’ARN polymérase II.

L’ARN non codant PTENP1 est produit à partir d’un pseudogène situé en position 9p13.3. Il possède une forte homologie de séquence avec l’ARNm PTEN. Ces deux ARN, PTEN et

PTENP1, sont en compétition pour les mêmes sets de microARN (miR-17, miR-21, miR-214,

miR-19 et miR-26) puisque des sites de fixation pour ces derniers sont présents sur les deux ARN (Poliseno et al., 2010) (fig 12). Une corrélation positive entre l’expression de PTEN et

PTENP1 est retrouvée dans une série de tumeur. Un faible niveau d’expression du

pseudogène permet de restaurer l’expression de l’ARNm PTEN dans les tissus. L’ARN non codant PTENP1, grâce à sa fonction d’éponge à microARN, possède donc un rôle de suppresseur de tumeur.

Les lncRNA peuvent aussi masquer le site de fixation du microARN en interagissant avec l’ARNm. Ce mode d’action est surtout décrit pour les lncRNA synthétisés en orientation antisens de gènes codants : BACE-AS (Alzheimer-associated β-secretase-1) par exemple. Cet ARN non codant forme un ARN double brin lorsqu’il s’associe avec l’exon 6 de l’ARNm

BACE. Lorsque ce duplex est formé, le site de fixation du miR-485-5p sur l’ARNm est masqué,

le microARN ne peut plus interagir avec cette cible (fig 12). Par conséquent, une augmentation de protéine BACE est observée dans les cellules. Cette protéine étant une enzyme impliquée dans le clivage de la protéine pre-amyloïde, une synthèse plus élevée de peptide Aβ1-42 a été mis en évidence lorsque BACE-AS est exprimé. Ce peptide s’agrège en plaques, nommées plaques d’amyloïdes, dans le cerveau. L’apparition de ces plaques est responsable de la maladie d’Alzheimer (Faghihi et al., 2008, 2010).

Ainsi, les lncRNA, en fixant des microARN ou en masquant leur site de fixation sur les ARNm cibles, altèrent la fonction des microARN.

Introduction

c. Interaction lncRNA/protéine

Les lncRNA sont capables d’interagir avec les protéines et d’en moduler leur fonction. L’ARN non codant gadd7, qui est induit par la lumière UV, influence la stabilité des ARNm dans la cellule en se fixant sur la protéine TDP43 (TAR DNA-binding protein 43) (Geisler & Coller, 2013). Cette protéine est impliquée dans l’épissage alternatif des ARNm, dans le transport des ARNm du noyau au cytosol, dans la traduction des ARNm mais aussi dans le contrôle de leur stabilité. Elle est notamment impliquée dans le saut de l’exon 9 de l’ARNm CFTR, ce qui se traduit par un phénotype de fibrose cystique. L’invalidation de TDP43 permet de restaurer une protéine CFTR fonctionnelle (Ayala et al., 2006). Lorsqu’elle est associée à l’ARN non codant

gadd7, sa fonction est réprimée. Un second ARN non codant, MALAT1, réprime également la

fonction de cette protéine en la piégeant dans le noyau. Cibler TDP43 ou favoriser son association avec les ARN non codants gadd7 et MALAT1 peut avoir un interêt thérapeutique chez les individus atteints de la mucoviscidose.

Dans ce précédent cas, l’association lncRNA-protéine réprime l’activité de la protéine dans la cellule. Dans d’autres cas, l’association lncRNA-protéine peut favoriser l’action de la protéine. En effet, l’association de l’ARN non codant SRP (signal recognition particule) avec 6 protéines permet la formation d’un complexe ribonucléoprotéique (RNP) qui est nécessaire à la mise en conformation des protéines lors de leur synthèse. L’ARN SRP reconnait le peptide naissant dans le cytosol de la cellule et sa présence dans le RNP permet au peptide naissant d’être conduit au réticulum endoplasmique. Ainsi, la protéine en cours de synthèse pourra être formée correctement et avoir les bonnes conformations et modifications post-traductionnelles (Grotwinkel et al., 2014).

Les longs ARN non codants peuvent aussi s’associer aux protéines du complexe polycomb (EZH2 notamment). Cette association permet alors de cibler ce complexe sur le promoteur de certains gènes et de réguler l’expression de ces gènes par des modifications épigénétiques (voir P. 43).

Un long ARN non codant peut avoir plusieurs modes d’actions dans la cellule. C’est le cas par exemple du lincRNA-RoR. Cet ARN non codant peut être une éponge à ARN mais il peut également se fixer sur la protéine P53 et altérer sa fonction (Zhang et al., 2013a).

La fonction des longs ARN non codants dans la cellule a fait l’objet de deux revues dans des journaux soumis à comité de lecture. (Annexe 1 et Annexe 2) (voir P. 317).