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III. Les ARN non codants dans la glande mammaire et sa tumorigenèse

2. ARN non codant et cancer du sein

Dans les cancers du sein, une expression aberrante de plusieurs ARN non codants a été constatée. Comme pour les ARNm, les ARN non codants peuvent être des oncogènes ou des gènes suppresseurs de tumeur. Dans ce paragraphe, quelques exemples de lncRNA impliqués dans la tumorigenèse de la glande mammaire seront décrits.

a. Les ARN non codants suppresseurs de tumeur

L’expression de l’ARN non codant MEG3 (Maternally expressed gene 3) dans les tumeurs mammaires est diminuée, laissant penser que ce dernier possède une fonction de gène suppresseur de tumeur. En effet, une surexpression ectopique de MEG3 permet une diminution de prolifération, d’angiogenèse et une augmentation de l’apoptose des cellules cancéreuses mammaires (Zhou et al., 2007; Gordon et al., 2010).

Dans les cancers du sein, l’expression d’un second ARN non codant est diminuée : GAS5 (growth arrest-specific transcript 5). Cet ARN non codant se fixe sur les récepteurs aux glucocorticoïdes, par l’intermédiaire de deux sites de fixation en forme de tige-boucle ; ce qui empêche l’interaction de ces derniers avec leurs cibles usuelles et par conséquent empêche leur activation (Kino et al., 2010). Ces récepteurs sont impliqués dans le contrôle de la croissance cellulaire, de la survie et du métabolisme. Lorsque GAS5 est surexprimé dans des cellules cancéreuses mammaires, une diminution de prolifération cellulaire ainsi qu’une augmentation de l’apoptose ont été constatée (Mourtada-Maarabouni et al., 2009).

Dans les cellules épithéliales mammaires, l’ARN non codant Zfas1 empêche la prolifération et la différenciation des cellules, ce qui lui suggère un rôle de suppresseur de tumeur (Askarian- Amiri et al., 2011 ; Ginger et al., 2006). De plus, dans les carcinomes ductaux de la glande mammaire, l’expression de Zfas1 est diminuée. Ces données, associées au paragraphe précédent, semblent confirmer son rôle de gène suppresseur de tumeur dans la tumorigenèse de la glande mammaire.

L’expression de ces ARN non codants dans les cellules de la glande mammaire protège celle- ci de la tumorigenèse (fig 13).

b. Les ARN non codants oncogènes

Les ARN non codants oncogènes sont plus décrits que les suppresseurs de tumeur car ils induisent une hausse de la prolifération cellulaire ainsi qu’une hausse de la formation de

Introduction

tumeur. La majorité de ces ARN non codants oncogènes est impliquée dans la prolifération et la migration/invasion cellulaire. Ils sont donc associés aux carcinomes in situ et invasifs (fig 13).

Par exemple, l’expression de l’ARN non codant UCA1 (urothelial carcinoma-associated 1) est augmentée dans plusieurs cancers : cancer de la vessie et cancer du sein. Cet ARN non codant se fixe sur la protéine hnRNP et empêche la fonction de cette dernière ; ainsi la protéine P27 est moins exprimée. Dans les cellules cancéreuses mammaires, une augmentation de l’expression d’UCA1 favorise la prolifération cellulaire. A l’inverse des cellules invalidées pour l’ARN UCA1 prolifèrent moins et forment des tumeurs plus petites lorsqu’elles sont injectées en souris immunodéficientes (Huang et al., 2014; Wang et al., 2006). Par ailleurs, dans les carcinomes de cellules squameuses, il semblerait que cet ARN soit impliqué dans la résistance à la doxorubicine (Tsang et al., 2007). Dans les cancers du sein, cette fonction n’a pas encore été décrite.

L’ARN non codant HOTAIR est surexprimé dans les cancers du côlon, du foie et du sein (Hansji et al., 2014). Cet ARN non codant, en s’associant avec les protéines du complexe répresseur PRC2, permet la reprogrammation cellulaire et par conséquent la transformation des cellules normales en cellules cancéreuses. Ainsi, les cellules surexprimant HOTAIR ont des capacités de prolifération, de migration et d’invasion qui sont augmentées.

D’autres ARN non codants, impliqués dans l’intégrité du noyau, sont également des oncogènes dans les cancers : MALAT1 dans les cancers du poumon et du sein par exemple ;

LINSCT5 (long stress-induced noncoding trancript 5) dans les cancers ovariens et du sein.

Ces deux ARN non codants permettent la formation et la maintenance des paraspeckles (sous-domaines nucléaires). Des cellules cancéreuses mammaires invalidées pour l’ARN

LINSCT5 ont des capacités de prolifération diminuées (Silva et al., 2011). De même, lorsque MALAT1 est réprimé, un défaut d’épissage de certains transcrits est constaté (Lin et al., 2011).

Par ailleurs, une perte d’expression de MALAT1 dans les cellules est corrélée à une augmentation de l’expression des gènes voisins de cet ARN non codant (Zhang et al., 2012). Certains ARN non codants vont favoriser la transition épithélio-mésenchymateuse (EMT) dans les cancers. Ces ARN seront alors impliqués dans les processus de migration et d’invasion cellulaires ; ils seront donc associés aux métastases. Nous pouvons citer l’ARN non codant

treRNA (translational regulatory RNA). Cet ARN favorise l’expression du gène Snail : un

régulateur de l’EMT (Orom et al., 2010). De plus, il est capable de réprimer l’expression de la E-cadhérine, ainsi que d’autres marqueurs de cellules épithéliales (Gumireddy et al., 2013). Ces effets moléculaires sont associés à une hausse de la migration, de l’invasion cellulaire

mais aussi du taux de métastases pulmonaires après injection en souris immunodéficientes. Cet ARN non codant est donc associé aux capacités métastatiques des tumeurs.

Enfin, dans les cancers du sein, nous avons mis en évidence que l’ARN H19 possède un rôle d’oncogène. En effet, cet ARN favorise la transition G1/S du cycle cellulaire dans plusieurs lignées cellulaires cancéreuses mammaires (Berteaux et al., 2005). Le rôle de l’ARN H19 dans la tumorigenèse sera décrit plus tard dans le manuscrit (voir P. 73).

Les ARN non codants peuvent également induire la résistance des tumeurs aux différents traitements. C’est le cas de l’ARN non codant ARA (Adriamycin resistance associated) qui est exprimé dans les tumeurs traitées à la doxorubicine (Jiang et al., 2014). Cet ARN non codant régule l’activation de plusieurs voies de signalisation, notamment les voies MAP kinase et d’adhésion focale. Ainsi, lorsqu’il est surexprimé, cet ARN favorise la prolifération et la migration cellulaire, il augmente donc les capacités métastatiques des cellules tumorales. En conclusion, les ARN non codants sont impliqués dans le développement de la glande mammaire, dans sa cancérisation mais aussi dans les phénomènes d’échappement tumoral aux traitements. Il est donc nécessaire d’identifier les différents mécanismes mis en place par ces derniers pour induire la progression tumorale et/ou les résistances thérapeutiques afin d’identifier de nouvelles cibles thérapeutiques.

Introduction

Les microARN

Les petits ARN non codants sont divisés en plusieurs groupes : les ARN de transfert (tRNA), les microARN (miRNA), les siARN ou encore les ARN se fixant sur les protéines PIWI (piRNA). Ce chapitre est principalement consacré à l’étude des microARN : leur découverte, leur synthèse et leur fonction dans la cellule.

I. Découverte des microARN