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I. L’empreinte génomique parentale

3. Quelques exemples de locus soumis à l’empreinte génomique

Le premier gène soumis à l’empreinte génomique parentale identifié est le gène Igf2r chez la souris (Barlow et al., 1991). Ce gène est localisé sur le chromosome 17 chez la souris et 6 chez l’Homme. L’expression du gène Igf2r est régulée par l’expression de l’ARN non codant

Air (Antisense Igf2r RNA). Cet ARN non codant est exprimé à partir du centre de contrôle de

l’empreinte (ICE, imprinting control element) qui est localisé dans un intron du gène Igf2r (fig 20A). Au total, ce cluster de 300kbp contient 4 gènes codants et 1 ARN non codant. Sur l’allèle paternel, l’ICR n’est pas méthylé, l’ARN non codant Air est donc exprimé. Il est transcrit en orientation antisens par rapport au gène Igf2r (fig 20 A). Lorsqu’il est exprimé, Air est capable de fixer un certain nombre de protéines, notamment la protéine G9a. Cette protéine catalyse la méthylation de l’H3K9 ; elle ajoute donc une marque répressive de l’expression des gènes. L’association Air/G9a induit la méthylation des gènes du cluster Igf2r/Air sur l’allèle paternel. Sur l’allèle d’origine maternel, l’ICR étant méthylé, l’ARN non codant Air n’est pas exprimé, la G9a n’est donc pas recrutée sur cet allèle, les gènes du locus (Slc22a3, Slc22a2, Igf2r) s’expriment (Sleutels et al., 2002 ; Sanli & Feil, 2015). Des expériences d’invalidation de cet ARN non codant ont mis en évidence des défauts dans la mise en place de l’empreinte génomique. Ainsi, Air est essentiel dans la mise en place et le maintien de l’empreinte génomique parentale sur ce locus (fig 20 A).

Cependant, il est à noter que tous les gènes d’un locus imprinté ne sont pas obligatoirement soumis à cette empreinte. En effet, sur ce locus Igf2/Air, le gène Slc22a1, localisé entre deux gènes soumis à ce mécanisme de régulation (les gènes Igf2r et Slc22a2) possède une expression biallélique. Ainsi, l’empreinte génomique est un processus finement régulé et spécifique de certains gènes.

Le locus Kcnq1/Kcnq1ot1 est également soumis à l’empreinte génomique. Ce locus de 750kbp est localisé sur le chromosome 7 chez la souris et 11 chez l’Homme en position p15 et est constitué de 12 gènes dont 8 sont soumis à l’empreinte génomique (fig 20 B). Le centre de contrôle de l’empreinte, ICR ou encore KvDMR1, est localisé dans un intron du gène Kcnq1. Sur l’allèle paternel, l’ICR n’est pas méthylé, l’ARN non codant Kcnq1ot1 (Kcnq1 overlapping

transcript 1), antisens à Kcnq1, est exprimé. L’expression de cet ARN est associée à plusieurs

modifications épigénétiques sur l’allèle paternel du locus : triméthylation de la lysine 27 de l’histone 3 (H3K27me3), diméthylation de l’H3K9 (H3K9me2) ainsi qu’une mono- ubiquitinylation de la lysine 119 de l’histone H2A (H2AK119ub). Ces différentes marques répressives de l’expression géniques sont apportées par différentes enzymes, respectivement EZH2, G9a et RING1B, recrutés par l’ARN non codant Kcnq1ot1 (Wagschal et al., 2008 ; Zhao et al., 2010 ; Kaneko et al., 2014). La protéine RING1B est un composant du complexe

Introduction

répresseur polycomb PRC1. Ainsi, Kcnq1ot1, en recrutant ces enzymes, permet donc de réprimer l’expression des gènes à partir de cet allèle.

Sur l’allèle maternel, l’ICR est méthylé, Kcnq1ot1 n’est donc pas exprimé, l’ensemble des gènes soumis à l’empreinte sont donc exprimés (Kcnq1, Osbpl5, Phlda2, Slc22a18, Cdkn1c,

Tssc4, CD81, Ascl2).

Comme pour le locus Igf2r/Air, l’expression de Kcnq1ot1 est essentielle à la mise en place et au maintien de l’empreinte génomique. Cependant, il a été mis en évidence que le gène

Cdkn1c reste soumis à l’empreinte génomique dans certains tissus de l’embryon en absence

de Kcnq1ot1 (Shin et al., 2008). Ainsi, l’expression monoallélique de ce gène semble être régulée par un mécanisme indépendant de l’ARN Kcnq1ot1. En effet, l’ICR du locus contient des sites de fixation pour la protéine CTCF (CCCTC-binding factor), cette protéine se fixe sur les régions riches en CpG en absence de méthylation (Fitzpatrick et al., 2007). Cette protéine est peut-être impliquée dans la régulation de l’empreinte sur ce locus. Pour les gènes importants dans le développement embryonnaire, il est clair qu’il existe des mécanismes de régulation redondants afin de maintenir leur empreinte génomique et par conséquent leur dosage génique. Ce locus d’empreinte génomique est particulier puisqu’il est associé à un autre locus soumis à l’empreinte génomique, le locus H19/IGF2, qui sera décrit et détaillé dans le paragraphe suivant (voir P. 81)

Enfin le troisième locus le plus décrit est le locus Ube3A/Ube3A-as. Ce locus, de 2Mbp, est localisé sur le chromosome 7 chez la souris et 15 chez l’Homme en position q11-13 (fig 20 C). Le centre de l’empreinte exerce des fonctions d’enhancers sur ce locus. En effet, sur l’allèle paternel, l’absence de méthylation de l’ICR permet l’expression de l’ARN non codant Ube3A-

as ainsi que l’expression des gènes MAGEL2, NDN et MKRN3. Le long ARN non codant Ube3A-as est alors précurseur de plusieurs petits ARN (snoRNA) qui répriment l’expression

du gène Ube3A à partir de cet allèle (Rougeulle et al., 1998 ; Runte et al., 2001 ; Landers et al., 2004). Sur l’allèle maternel, la méthylation de l’ICR réprime l’expression de l’ARN Ube3A-

as, le gène Ube3A est donc exprimé. A l’inverse, les gènes MAGEL2, NDN et MKRN3 sont

réprimés.

Les gènes soumis à l’empreinte génomique parentale possèdent un rôle important dans le développement embryonnaire ou placentaire. De manière générale, il est admis que les gènes exprimés à partir de l’allèle paternel favorisent le développement embryonnaire (Igf2, Peg3,

Peg1, Rasgrf1 et Dlk1) tandis que les gènes exprimés à partir de l’allèle maternel ont tendance

à réprimer la croissance embryonnaire et/ou placentaire (Igf2r, Gnas, Cdkn1c, H19 et Grb10) (Barlow & Bartolomei, 2014).

Des dérégulations de l’empreinte génomique parentale sont associées à différents syndromes avec des symptômes plus ou moins importants. En effet, la perte de l’empreinte génomique (LOI, loss of imprinting) induit généralement des problèmes de croissance de l’embryon, de développement neurologique ou encore des cancers de l’embryon (tératome).