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7. STRATÉGIES DE LÉGITIMATION DES ARTISTES JAPONAIS-E-S ET TENTATIVES D’AUTONOMISATION

7.3.2. Le rôle des institutions espagnoles dans la valorisation des artistes japonais-es

L’exemple d’Ayasa me permet de mettre en évidence le rôle des institutions espagnoles dans la valorisation des artistes japonais-e-s. Tout comme le fait de se former en Espagne auprès des maestro-as, acquérir des prix ou certificats d’institutions espagnoles est valorisant pour les artistes japonais-e-s dans le milieu du flamenco au Japon. Ces titres de consécration augmentent leur volume de capital symbolique – c’est-à-dire de reconnaissance et de prestige – au sein du milieu du flamenco japonais. Ce volume global de capital renvoie à la plus ou moins grande dotation en capital symbolique de l’artiste. Plus l’individu accumule de prix et de titres de reconnaissance de la part des institutions espagnoles (et japonaises), plus il occupera une place privilégiée au sein du milieu du flamenco japonais. Par ailleurs, ces titres de consécration permettent aussi de créer une distinction au sein des artistes japonais-e-s et de définir leur position165 dans l’espace du flamenco japonais (qui est mouvante au fur et à mesure qu’ils accumulent le capital symbolique). Ces positions permettent de décliner différents profils166 d’artiste :

164 https://www.youtube.com/watch?v=LztI3OQy7UQ&sns=em

165 Je reprends ici le concept d’espace social et de position élaboré par BOURDIEU dans Raisons pratiques. Sur la

théorie de l’action (1994), Paris, Seuil, pp.13-29. BOURDIEU voit une conception relationnelle de l’espace social : la

position des individus et des groupes n’existe pas d’une manière absolue mais elle se définit en comparaison avec les capitaux détenus par les autres individus et groupes. D’ailleurs, la notion d’« espace » est définie par BOURDIEU (1994 :20) comme : « un ensemble de positions distinctes et co-existantes, extérieures les unes aux autres, définies les unes par les autres, par leur extériorité mutuelle et par des relations de proximité, de voisinage ou d’éloignement et aussi par des relations d’ordre, comme au-dessus, au-dessous, et entre ».

166 J’élabore ici ces catégories analytiques inspirées des Mondes de l’art de BECKER (1988 : 236-275) afin de rendre plus compréhensible de quel type d’artiste il s’agit dans ce contexte ; ces profils d’artistes évoluent au fur et à mesure

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- Professionnel-le-s confirmé-e-s : ceux/celles dont les activités sont en adéquation avec les conventions du monde flamenco, ce qui leur vaut une place privilégiée, et qui ont été consacré-e-s par les instances japonaises et espagnoles

- artistes émergent-e-s : ceux/celles dont les activités sont en adéquation avec les conventions du monde flamenco, et qui ont été consacré-e-s par les instances japonaises

- artistes aspirant-e-s : ceux/celles dont les activités sont en adéquation avec les conventions du monde flamenco, et qui aspirent à une carrière professionnelle, mais qui n’ont pas encore été consacré-e

- amateur-trice-s : ceux/celles qui ne se dédient pas professionnellement au flamenco, mais le font par hobby, ils/elles peuvent se consacrer à leur hobby à des degrés divers (très, moyennement ou peu impliqué), ils/elles regroupent en général les aficionado-a-s, les élèves

Les artistes japonais-e-s confirmé-e-s utilisent donc ces titres de consécration d’institutions espagnoles pour se valoriser dans le milieu du flamenco japonais. Par exemple, le jeune danseur japonais Siroco qui a remporté durant l’été 2017 la première place du concours de Baile Flamenco Aniya La Gitana de Ronda, s’est vu consacré un article entier dans la revue japonaise Paseo Flamenco. Il a également valorisé ce titre sur les réseaux sociaux comme sa page Facebook qui lui a valu 225 likes à sa publication. Par ailleurs, alors qu’il dansait en compagnie d’Ayasa Kajiyama au tablao de Casa Esperanza, Ayasa a relevé à plusieurs reprises lors du spectacle le titre fraîchement gagné par le danseur japonais: «¡Es el número uno, el number one ! ¡un flamenco puro!».

qu’ils accumulent leur capital symbolique (titres de consécration, prix, invitations dans les festivals de flamenco en Espagne, etc.).

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Figure 22 Siroco 1e Prix du concours espagnol Baile flamenco Aniya La Gitana de Ronda 2017 167

Shoji Kojima, quant à lui, a consacré sur son site internet, une page entière à ses awards : https://www.shojikojima.com/en/news/

Figure 23 Certificat de reconnaissance de Jerez de la Frontera décerné à Shoji Kojima Figure 24 Certificat de reconnaissance de l’Institut Cervantes de Tokyo

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Pour Shoji Kojima, ses titres de consécration ainsi que son expérience en Espagne dans les années 1970 au côté d’artistes espagnol-e-s confirmé-e-s lui valent une place privilégiée dans le monde du flamenco japonais. Ce n’est pas par hasard si Shoji Kojima est devenu le directeur artistique de l’association ANIF (fondée en 1990) dès sa création. Bien que le danseur japonais évolue actuellement dans un style qui lui est propre, il conserve toutefois cette place importante au sein du flamenco japonais de par l’accumulation de son capital symbolique (s’être formé en Espagne, avoir partagé la scène avec les artistes espagnol-e-s confirmé-e-s, avoir intégré le ballet national d’Espagne, avoir reçu les honneurs de l’empereur du Japon et du roi d’Espagne, s’être fait décerné les titres,…).

Comme on l’a vu avec les artistes comme Shoji Kojima, Yoko Tamura, Ayasa Kajiyama ou encore Siroco, le fait d’être consacré-e par une instance espagnole augmente leur prestige sur la scène japonaise.

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8. CONCLUSION