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CHAPITRE I : CONTEXTE DE LA RECHERCHE

4. La non participation des adultes à la formation continue

4.3. La relation complexe des adultes faiblement qualifiés avec la formation

4.3.4. Le rôle de l’informel

Un second élément indispensable pour encourager la participation des adultes faiblement qualifiés à la formation continue réside dans l’importance de tenir compte du rôle prépondérant de l’informel pour ce public spécifique. Ce constat apparaît de manière très claire dans les travaux de Quigley et Arrowsmith (1997), ainsi que dans l’étude réalisée par Marti (2004).

Les analyses statistiques menées par Quigley et Arrowsmith (1997) dans le cadre de l’étude de l’IALS auprès des pays de l’OCDE montrent l’importance de l’éducation informelle pour les adultes de faible niveau de qualification. En ce qui concerne le canal principal d’accès aux informations sur l’actualité et les affaires publiques, il s’avère que ces personnes passent avant tout par le biais de la télévision (64%) et de la radio (35%) ; en revanche, les supports écrits sont moins utilisés, surtout lorsque la quantité de texte est importante (31% lisent les journaux et seulement 6% des magazines) ; enfin, 20% environ comptent sur les amis ou les membres de la famille pour se tenir informés. Par comparaison avec les titulaires d’un diplôme universitaire, la principale différence de comportement se situe au niveau de l’utilisation des supports imprimés (61% lisent les journaux et 23% des magazines).

Finalement, on se rend compte que les faiblement qualifiés sont réellement engagés dans une logique de formation continue, même s’ils n’ont pas recours aux moyens formels valorisés par

supports écrits qui contiennent beaucoup de texte). En revanche, misant avant tout sur le mode informel, ils se débrouillent par leurs propres moyens pour se tenir informés, en particulier par des canaux basés sur l’oral (télévision et radio) et grâce à leur entourage.

Ces considérations doivent impérativement attirer notre attention sur les limites d’un système de formation continue totalement basé sur l’écrit et les aspects formels qui chercherait à toucher le public faiblement qualifié qui, de son côté, privilégie l’oral et le mode informel. En effet, de telles différences constituent un obstacle majeur à la participation des adultes peu qualifiés aux programmes de formation continue, car ceux-ci sont beaucoup trop éloignés de leur mode de pensée et de fonctionnement.

De son côté, l’étude réalisée en Suisse par Marti (2004) auprès d’horlogers/ères et de cuisiniers/ères apparaît comme tout à fait représentative des difficultés du public « faiblement qualifié » tel que défini par Charlet (1998) : titulaires d’un CFC, ces ouvriers se trouvent néanmoins peu impliqués dans les programmes de FCP. Cette recherche présente à la fois les raisons majeures de la non participation des ouvriers horlogers et cuisiniers, les nouvelles logiques qui apparaissent par rapport à la FCP, ainsi que des pistes pour répondre aux problèmes soulevés.

L’importance de la formation informelle apparaît comme la principale raison de non participation à la FCP ; en effet, dans ces deux groupes d’ouvriers caractérisés par « une très forte identité de métier », « on se construit comme professionnel au terme d’une longue pratique, au travers de situations concrètes, […] on se forme sur son lieu de travail, […] la FCP est secondaire, la formation formelle, c’est d’abord pour les jeunes » (Marti, 2004, p.

10). Mais l’auteur relève encore d’autres obstacles :

• l’accès à la FCP est limité ;

• les entreprises refusent certaines demandes lorsqu’elles n’y voient pas d’utilité directe pour elles ;

• les formations sont inadéquates : procédures bureaucratiques compliquées, coûts élevés, horaires inadaptés, inadéquation entre offre et demande, formations trop longues ou trop théoriques ;

• les ouvriers interrogés expriment le besoin de se ménager du temps hors travail, ce qui explique qu’ils évitent la FCP formelle trop proche de leur activité professionnelle au profit d’occupations plus personnelles.

Marti (2004) remarque enfin que quelques autres facteurs, dont l’influence varie selon le genre, entrent en jeu dans la non participation :

• le temps de travail : les femmes engagées à temps partiel sont exclues de la formation interne ;

• les responsabilités familiales : les femmes concentrent généralement la FCP entre 25 et 30 ans, alors que les hommes la répartissent sur toute la vie active ;

• le statut hiérarchique : les femmes sont quasiment absentes des filières de progression hiérarchique associées à une forte FCP.

Depuis quelques années, les ouvriers horlogers et cuisiniers doivent faire face à d’importants changements qui viennent remettre en question leur identité de métier et le modèle de la formation « on the job » (informelle) : dévalorisation de l’ancienneté et de l’expérience au profit du diplôme, valorisation de nouvelles compétences (informatiques, communicationnelles, etc.), introduction de nouvelles formes d’organisation (groupes de projet, polyvalence), restructurations internes, chômage. Comme le souligne Marti (2003),

« l’ensemble de ces changements […] ouvre l’accès, pour certains, à de nouvelles opportunités, il conduit à un processus de marginalisation ou d’exclusion pour d’autres » (p.

24). Les jeunes en particulier correspondent au premier cas de figure : ils développent une nouvelle préoccupation en matière de FCP et donc de nouvelles logiques de formation, comme la recherche constante de savoirs et de compétences pour évoluer et échapper à la routine (avec une préférence pour les formations officiellement certifiées) ou la lutte contre la déqualification (qui passe notamment par un processus de reconnaissance de l’expérience et de validation des acquis).

Pour terminer, Marti (2004) propose quelques pistes pour améliorer la situation :

• se concentrer sur la relation directe théorie – pratique considérée comme plus intéressante et plus enrichissante ;

• l’entreprise fixant les limites et se centrant sur ce qui lui est directement utile, trouver d’autres formes de soutien pour ce qui dépasse ce contexte ;

• tenir compte de l’identité de métier et du mode de transmission « à l’ancienne » (informel) et ainsi permettre aux ouvriers de sauvegarder une partie de leur autonomie ;

• tenir compte de l’importance du hors-travail, puisque la participation (ou non) à la FCP dépend largement de l’agenda familial ou privé, et pas seulement du plan de carrière.

Cette recherche constitue une première approche du contexte helvétique en matière de

la situation actuelle de la formation des adultes en Suisse de façon plus précise et plus ciblée (cf. point 5.3. surtout).