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CHAPITRE I : CONTEXTE DE LA RECHERCHE

5. La formation des adultes en Suisse : situation actuelle

5.3. Principaux indicateurs

5.3.5. Le financement de la formation des adultes

Le lien entre formation continue et marché du travail a déjà fait l’objet d’une description détaillée précédemment (point 3.1.1.). Si l’on y revient succinctement, on s’aperçoit que 80%

des personnes ayant suivi une formation continue professionnelle en 1999 ont reçu un soutien de leur employeur, soit par la possibilité de participer à un cours organisé directement par l’entreprise (presque la moitié des cours suivis), soit par une contribution financière et/ou une réduction totale ou partielle de leur temps de travail pendant la formation. Mais quels sont plus précisément les facteurs déterminants pour être soutenu par son employeur dans sa participation à des cours de formation continue ? Selon le rapport de l’OFS (2001), il apparaît

24 Petites et moyennes entreprises

que les femmes et les personnes sans formation post-obligatoire sont plus rarement soutenues dans leur engagement en formation (les employés au bénéfice d’une formation universitaire ont même une probabilité jusqu’à 6 fois supérieure de voir leur formation continue financée par leur employeur que les personnes sans formation post-obligatoire) ; d’autres éléments s’avèrent déterminants dans l’obtention d’un soutien de son employeur : travailler à plus de 70%, faire partie d’une grande entreprise, occuper une position hiérarchique élevée. Les différences entre travailleurs pour bénéficier d’un soutien à la formation continue traduisent bien la sélectivité des entreprises : elles soutiennent avant tout les personnes dont les chances de perfectionnement sont déjà élevées (formation initiale supérieure, poste à responsabilité, revenu élevé) et très peu les collaborateurs faiblement qualifiés qui en auraient le plus besoin (faible formation initiale, emploi mal considéré et mal rémunéré).

Dès lors, il paraîtrait logique de cibler le financement public en faveur des couches de population peu qualifiées qui sont largement exclues des programmes de formation ; en effet, en ce qui concerne les collaborateurs très qualifiés, une grande partie de la formation continue utile est déjà financée par l’employeur. Toutefois, comme l’indique le rapport du CSRE (2004), une diminution des obstacles financiers n’augmenterait pas automatiquement la participation des employés peu formés. En effet, il faut tenir compte d’autres aspects mis à part les coûts directs des cours. Premièrement, la motivation à continuer à se former est probablement moins forte chez des personnes dont le parcours de scolarité obligatoire s’est avéré moins gratifiant. Deuxièmement, le facteur « temps » joue aussi un rôle important : étant donné que le temps consacré à la formation continue occasionne des frais annexes (par exemple une perte de productivité), les employeurs font preuve de peu de volonté pour concéder du temps à leurs employés – en particulier les travailleurs peu qualifiés – pour leur perfectionnement.

En plus de ces divers éléments liés à l’individu et à sa fonction professionnelle, d’autres facteurs entrent en jeu dans la sélection opérée par les entreprises pour soutenir ses employés dans leur perfectionnement. Ces critères de choix se basent essentiellement sur l’utilité perçue (bénéfices externes) du cours de formation envisagé pour l’employeur : il est très probable que seuls les employés dont la demande de formation répond à un besoin de l’entreprise recevront une aide. En effet, en finançant la formation continue de son personnel, une entreprise réalise un investissement ciblé qui accroît son capital humain ; de plus, elle en

l’employé en retire un bénéfice qui se concrétisera, par exemple, par une amélioration de sa situation et de ses chances de promotion sur le plan professionnel, une sécurité de l’emploi accrue ou un salaire supérieur.

En règle générale, une distinction est faite entre les besoins de formation existant au sein de l’entreprise et les besoins personnels de formation de l’employé. Selon les résultats d’une recherche relatée dans le rapport du CSRE (2004), toutes les entreprises interrogées affirment prendre en charge la totalité des frais d’une formation jugée utile à l’exercice d’une fonction professionnelle et que celle-ci se déroule toujours durant le temps de travail ; à noter que la plupart des activités de formation continue de ce type sont organisées au sein même de l’entreprise. Dans le cas d’une formation répondant à des besoins personnels de l’employé, le bien-fondé de la mesure de formation est toujours préalablement examiné et, si cette dernière s’avère utile à l’exercice de l’activité professionnelle, les entreprises peuvent participer de différentes façons : des modèles de financement prévoyant une participation de l’employeur (de 25 à 100%) sont généralement associés à des compensations en temps de travail. Les entreprises interrogées indiquent que ces modèles sont très flexibles et que des solutions individuelles sont négociées au cas par cas. En revanche, lorsque les activités de formation du collaborateur présentent peu de pertinence pour l’employeur, le soutien de ce dernier diminue considérablement et rares sont les entreprises qui se disent prêtes à participer aussi aux coûts de la formation continue générale. Le rapport du CSRE montre en outre que les entreprises suisses ne connaissent pas de « congé-formation » réglementé de façon précise et que de telles mesures font toujours l’objet de solutions individualisées ; à noter encore que de nombreux chefs du personnel affichent une grande circonspection quant à l’efficacité de l’octroi de jours de congé dont l’employé pourrait bénéficier pour suivre la formation de son choix.

Finalement, on constate que, en Suisse, les adultes doivent faire face à des politiques de formation au sein des entreprises publiques et privées qui résultent en une stricte sélection des employés pouvant bénéficier d’un soutien pour leur perfectionnement. En effet, les critères à remplir sont précis et presque toujours soumis à l’autorité de la direction. Deux types de facteurs entrent en jeu dans la sélection opérée par les entreprises :

• des éléments liés à l’individu et à sa fonction professionnelle : niveau de formation initiale, sexe, temps de travail, taille de l’entreprise, position hiérarchique ;

• la pertinence du cours de formation pour l’entreprise : bénéfices externes possibles, adéquation aux besoins de l’entreprise, utilité pour la fonction occupée par l’employé.

Modèles de financement de la formation continue

Il semble important aussi de présenter brièvement les différents modèles de financement de la formation continue qui existent actuellement en Suisse. Pour ce faire, nous nous baserons avant tout sur le rapport du CSRE (2004). Nous développerons essentiellement la présentation de divers systèmes de soutien orientés sur la demande des apprenants.

Pour commencer, il existe des modèles bipartites mis en place conjointement par les associations professionnelles et les syndicats. De tels systèmes garantissent aux partenaires sociaux le financement des coûts de formation initiale et de formation continue, mais des compensations de salaire en cas de « perte de gain » liée à la formation ou des infrastructures destinées à la formation sont aussi partiellement financées par ce biais. On trouve aussi des modèles de fonds tripartites alimentés par les partenaires sociaux et par l’Etat. Ils soutiennent financièrement les organisations professionnelles dans leurs efforts en faveur de la formation professionnelle initiale et continue, mais viennent également étayer des projets initiés par l’Etat, les collectivités publiques ou les associations professionnelles en matière de formation continue. On peut encore citer les « comptes individuels de formation », qui font partie des nouvelles stratégies financières destinées à promouvoir l’apprentissage tout au long de la vie.

Il s’agit d’un modèle d’épargne cofinancé généralement par les pouvoirs publics, les entreprises et les salariés. Le montant accumulé sur un compte individuel est ensuite réinvesti par le salarié dans des activités destinées à améliorer sa formation. L’un des objectifs des comptes individuels de formation est de responsabiliser les apprenants face à leur perfectionnement. Comme le souligne Hanhart (2002), « un tel système ne vise pas seulement à répartir les futures dépenses de formation sur plusieurs financeurs (partenariat), mais il tend aussi à susciter chez l’individu un comportement d’épargnant et d’investisseur par rapport à sa propre formation » (pp. 11-12).

Relevons pour terminer différents modèles de financement orientés sur la demande qui visent avant tout à mettre en place des structures correspondant au mieux aux besoins des adultes en matière de formation continue. En Suisse, ces modèles se limitent à quelques projets locaux et thématiques. Il s’adressent généralement à des groupes-cibles restreints et poursuivent des objectifs clairement définis.

En 2001, le canton de Saint-Gall a lancé le projet-pilote « Fit im Job » qui a pour mission de

perfectionnement, en vue de maintenir leur employabilité et de réduire leurs risques de chômage. Divers petits projets de bons de formation dans le domaine de la formation des parents ont également été mis sur pied : dans le canton de Zurich, des chèques de formation sont remis à des personnes à faible revenu pour leur permettre de participer à des cours destinés aux parents ; dans le canton d’Appenzell Rhodes-Extérieures, la « Frauenzentrale » a lancé le projet « Bonus 2000 » qui vise à encourager la formation continue personnelle ou professionnelle de mères ou de pères de famille, parallèlement à l’éducation de leurs enfants.

De son côté, le canton de Genève alloue depuis 2001 un chèque annuel de formation (CAF) qui permet à toute personne remplissant les critères de recevoir un montant maximal de 750 francs par an (durant 3 ans de suite au maximum) pour suivre une formation « utile sur le plan professionnel » ; avec ce système, Genève a été le premier canton à créer un instrument de financement orienté sur la demande par lequel la subvention étatique revient directement et individuellement aux demandeurs de formation.

Les entreprises ne sont toutefois pas en reste. Il existe actuellement dans certaines coopératives Migros un modèle particulier de financement de la formation continue, sous la forme de bons internes que les collaborateurs sont libres d’utiliser pour le cours de formation générale de leur choix. Les CFF ont également adopté un système de chèque-formation appelé

« Pro-fit » qui permet aux employés d’obtenir un rabais de 200 francs sur n’importe quel cours suivi dans une école-club Migros.

Davantage de précisions sur ces divers projets et systèmes seront données au chapitre III (cf.

point 2).

6. Synthèse et reformulation de la problématique

Si ce premier chapitre est relativement long, c’est qu’il m’a semblé nécessaire de situer très clairement le contexte dans lequel vient s’ancrer la problématique de l’engagement en formation des personnes faiblement qualifiées. J’ai donc privilégié une approche d’abord globale et puis plus détaillée.

Pour commencer, il importait de bien saisir l’environnement dans lequel l’adulte d’aujourd’hui évolue (socialisation, identités, oscillation entre insertion et exclusion), ainsi que sa situation face à la formation (apprentissage et rapport au savoir). Puis je me suis intéressée aux deux phénomènes complémentaires de participation et de non participation des adultes à la formation continue. C’est là que la situation des personnes faiblement qualifiées a

été plus précisément analysée, notamment les obstacles qu’elles rencontrent et l’inégalité de traitement dont elles sont victimes.

Il était ensuite nécessaire de décrire la situation de la formation des adultes en Suisse. On peut relever en premier lieu une grande hétérogénéité en ce qui concerne les offreurs de formation et les modèles de financement. D’autre part, une spécificité toute helvétique se dégage, à savoir de fortes disparités entre les cantons, que ce soit au niveau des bases légales, des offres de formation continue ou des possibilités de soutien financier.

Etant donné la masse d’informations et d’aspects traités dans ce premier chapitre, il semble maintenant indispensable d’en faire une synthèse. Celle-ci permettra de reformuler la problématique du travail pour pouvoir ensuite expliciter les différentes hypothèses et questions de recherche (cf. chapitre II, point 1).