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CHAPITRE I : CONTEXTE DE LA RECHERCHE

2. L’adulte en situation de formation

2.2. Le processus d’apprentissage

2.2.1. Le rôle des représentations

Il est de nos jours largement admis que l’apprenant n’est pas une « table rase », mais qu’il aborde, quel que soit son âge, les nouveaux apprentissages avec des connaissances préalables plus ou moins précises concernant l’objet à connaître. Pour répondre à la question du rôle de ces « représentations », Bourgeois et Nizet (1999) en donnent pour commencer deux conceptions possibles : elles peuvent être considérées soit comme des images trompeuses du réel qui viennent parasiter le processus d’apprentissage, soit comme le matériau de base indispensable à la construction des nouvelles connaissances.

A la suite d’autres chercheurs, Giordan et de Vecchi (1987, in Bourgeois & Nizet, 1999) proposent une « troisième voie » qui se situe entre les deux conceptions développées auparavant. Ces auteurs pensent que l’apprentissage se développe à la fois avec et contre les représentations du sujet, que l’apprenant doit en même temps s’appuyer sur ses connaissances préalables mais sans hésiter à les remettre en question. Cette approche constructiviste place l’activité cognitive du sujet au centre du processus d’apprentissage : « confronté à une situation donnée […], le sujet va activer une structure de connaissance préexistante, stockée en mémoire à long terme, à partir de laquelle il va […] sélectionner l’information disponible (les stimuli), la traiter et l’organiser pour lui donner un sens. Et c’est enfin sur la base de cette construction mentale de la situation qu’il va déterminer la réponse à produire dans cette situation. » (Bourgeois & Nizet, 1999, pp. 31-32). Mais cette opération ne suffit pas pour conduire à un apprentissage : encore faut-il que les nouveaux éléments viennent modifier les structures de connaissances qui ont été activées. Or, cette transformation ne peut avoir lieu que si la confrontation des structures existantes avec les informations nouvelles est suffisamment significative (= conflit cognitif). « Stabilité et plasticité des connaissances, tels sont, dans la perspective constructiviste, les deux aspects fondamentaux et indissociables de l’adaptation du sujet à son environnement. » (Bourgeois & Nizet, 1999, p. 34)

A l’issue de ce développement, il apparaît clairement que l’apprentissage s’effectue à la fois avec et contre les connaissances préalables du sujet, autrement dit que les représentations constituent la base sur laquelle l’apprenant va s’appuyer pour réaliser ses apprentissages mais qu’il devra sans cesse les remettre en question pour pouvoir incorporer de nouveaux éléments.

2.2.2. Deux mécanismes fondamentaux : l’assimilation et l’accommodation Toujours inspirés par la théorie constructiviste de Piaget, Bourgeois et Nizet (1999) proposent un modèle théorique général qui considère l’apprentissage en tant que processus de construction des connaissances. Son concept central est celui d’« équilibration », c’est-à-dire qu’il y a une recherche dynamique continue d’équilibre entre le sujet et son milieu. « Ce processus est lui-même constitué de deux processus fondamentaux, distincts mais fonctionnellement indissociables : l’« assimilation » et l’« accommodation ». » (Bourgeois &

Nizet, 1999, p. 53) L’assimilation est le mécanisme par lequel un élément de l’environnement est incorporé dans une structure existante chez le sujet, appelée « structure d’accueil », à condition que celle-ci ne soit pas détruite mais conservée en tant que structure organisée ; ici, c’est le sujet qui agit sur son milieu, car l’individu sélectionne, traite, interprète l’information fournie avant de l’incorporer dans une structure existante. L’accommodation est le processus par lequel la structure d’accueil du sujet se trouve modifiée par les éléments nouveaux de l’environnement ; ici, c’est le milieu qui agit sur le sujet, car les informations qu’il lui fournit viennent progressivement transformer une structure existante en une structure nouvelle, plus adaptée aux caractéristiques de l’élément à incorporer. Assimilation et accommodation constituent donc deux mécanismes intrinsèquement liés et tous deux nécessaires à l’équilibre constamment recherché par l’individu. Un conflit entre les structures existantes et les éléments inédits fournis par l’environnement va déclencher la recherche d’un nouveau point d’équilibre temporaire à travers un processus de régulation.

Voici quelques observations de Bourgeois et Nizet (1999) quant à la pertinence de cette théorie dans une situation de formation :

• Une structure d’accueil adéquate doit être disponible chez l’apprenant pour l’assimilation de données nouvelles (ceci fait référence à la question des prérequis).

• Les dispositions et la motivation de l’apprenant entrent en jeu dans l’activation de cette structure d’accueil au moment opportun.

• L’information fournie à l’apprenant doit être assimilable par lui, l’enseignant ou le formateur doit rendre assimilable le contenu qu’il veut transmettre (ceci fait référence à l’adéquation des formations aux caractéristiques des apprenants).

• Le conflit cognitif entre anciens et nouveaux éléments étant le moteur de la construction des connaissances, il s’agit donc de multiplier les occasions d’occurrence de tels conflits dans la situation de formation. Deux facteurs peuvent affecter les probabilités

d’émergence d’un conflit : les dispositions de l’apprenant (il doit être placé « en condition » pour pouvoir s’ouvrir à la remise en question de certaines structures de connaissances) et la dynamique du groupe (c’est-à-dire les interactions entre apprenants).

2.2.3. Les spécificités de l’apprentissage adulte

Au regard des quelques aspects développés jusqu’ici, l’apprentissage adulte ne semble pas se différencier de manière fondamentale des processus d’acquisition de nouvelles connaissances qui ont lieu pendant les autres phases de la vie. En effet, le rôle des représentations, ainsi que l’interaction des processus d’assimilation et d’accommodation, interviennent au cours de l’apprentissage, quel que soit l’âge de l’individu.

Un premier aspect apparaît pourtant comme très spécifique de l’apprentissage adulte : c’est le rôle de l’expérience. Contrairement à un enfant ou à un adolescent, un adulte a déjà vécu de multiples expériences par rapport auxquelles il peut avoir un certain recul, raison pour laquelle il sera davantage capable de réaliser un véritable apprentissage expérientiel. Loin d’être une réalité nouvelle – l’homme a de tout temps su tirer profit de ses expériences –, la formation expérientielle revêt toutefois une importance grandissante dans une société comme la nôtre, qui met l’accent sur l’apprentissage tout au long de la vie et exige des personnes une adaptation rapide et constante (aux TIC, par exemple).

Landry (1989) pose deux conditions nécessaires pour qu’une formation puisse être qualifiée d’expérientielle : le contact direct et la possibilité d’agir. Ces deux éléments permettent de différencier clairement l’apprentissage expérientiel du processus habituel d’assimilation des informations, qui passe généralement par un intermédiaire et ne permet en principe pas la mise en application immédiate des connaissances acquises. Reprenant l’approche de Landry (1989), Pineau (1991) définit la formation expérientielle comme une formation par contact direct mais réfléchi : par contact direct, « c’est-à-dire sans médiation de formateurs, de programme, de livre, d’écran et même de mots et donc sans différé, à chaud, du moins pour sa genèse » (p. 29) ; par contact réfléchi, pour souligner la dimension cognitive et l’aspect auto-réflexif de l’apprentissage expérientiel. Pineau (1991) propose ensuite une théorie tripolaire de la formation, qui explique comment l’individu apprend et évolue à partir de ses expériences ; les trois pôles de sa théorie sont l’autoformation (relation à soi-même), l’écoformation (relation aux choses, à l’environnement) et la coformation (relation aux

Un deuxième aspect spécifique à l’apprentissage adulte réside dans l’importance tout à fait centrale du « projet de formation », qui s’articule autour de deux dimensions : conative et cognitive. Comme l’ont montré Bourgeois et Nizet (1999), la dimension conative « suppose une mobilisation d’énergie finalisée par un désir, une volonté, un besoin de changement qui lui donne sens, c’est-à-dire, une signification et une direction » (p. 36) ; la dimension cognitive décrit le projet de formation comme « une construction mentale, une représentation ou plutôt, un ensemble articulé de représentations, qui finalisent l’action de formation » (p.

38). Dans chacune des dimensions, le projet de formation s’inscrit dans une double perspective de changement, soit à l’intérieur et en dehors du champ de la formation : les changements escomptés au niveau des connaissances sont finalisés par des enjeux situés à un niveau plus large (psychologiques, socio-affectifs, professionnels, sociaux, idéologiques, etc.) ; cette perspective de changement sur plusieurs plans va déterminer à la fois l’investissement d’énergie dans la formation (dimension conative) ainsi que le choix des ressources et stratégies pour atteindre les objectifs de la formation (dimension cognitive).

2.3. Le rapport au savoir et à la formation