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Section I. Les parties au contrat de transport maritime de marchandises 57 – La possibilité d’organiser un t ransport sous une forme bi-partie ou selon un

A. Le rôle du destinataire dans le contrat

70. – Une présentation exhaustive du r ôle du de stinataire dans l’opération commerciale du transport maritime dépasserait le sujet de notre étude. Cependant, il est utile de présenter brièvement les principaux droits et obligations du destinataire

en tant que son agent (v. Texas instrument Ltd v Nason Europe Ltd [1991] 1 Lloyd’s Rep. p. 146), R. RODIERE, Traité

général de droit maritime, Affrètements et transports, T. II, Paris, Dalloz, 1968, p. 24, § 405.

suite à s on implication dans ce co ntrat, afin de mieux comprendre le fondement juridique des droits contractuels directement nés en sa faveur.

71. – Le destinataire n’est pas présent lors de la conclusion du contrat. A ce stade, le chargeur ou le transitaire préparera les documents indispensables au transport et les soumettra pour vérification au transporteur, qui va, ensuite, les retourner au chargeur ou au transitaire qui les tiendra à la disposition du chargeur.

La définition du contrat de transport maritime, en droit français, nous renseigne peu sur les parties. La définition dans la loi fait référence à l a personne du chargeur et du transporteur231. Le destinataire n’est mentionné que plus loin, parmi les personnes

« intéressées » au transport232. Le titre de transport n’est pas non plus un critère suffisant

pour identifier la place du de stinataire dans l’opération. Comme nous l’avons déjà mentionné, le connaissement peut porter la signature du transporteur et, aussi du chargeur, sans que cela soit une obligation233. La possibilité de retrouver la signature du destinataire

est presque inexistante, d’autant plus que, souvent, son identité n’est pas connue au début de l’opération, sa révélation n’ayant lieu qu’à la fin du transport et lors de la livraison. 72. – Néanmoins, malgré l’absence d’identification ou de présence physique du destinataire au moment de la conclusion du contrat, nul ne peut nier qu’il est « présent », dans le sens que le transporteur et le chargeur connaissent son existence. Le destinataire est aussi la raison d’être de cette opération maritime234. Ils savent qu’une personne déterminée

se présentera à l’arrivée pour prendre livraison au port d’acheminement235, et c’est cette

231 Art. L 5422-1 C. trans. français « [p]ar le contrat de transport maritime, le chargeur s’engage à payer un fret déterminé

et le transporteur à acheminer une marchandise déterminée, d’un port à un autre. »

232 Art. L 5422-2 C. trans. français: « Les dispositions du présent titre s’appliquent : 1° Aux rapports entre tous les intéressés

au transport, en l’absence de charte-partie ; 2° Aux connaissements émis en exécution d’une charte-partie, dans les rapports du transporteur et des tiers porteurs. » En matière du droit de transport terrestre, nous sommes surpris d’observer que le

législateur ne manque pas de préciser que les parties au contrat de transport sont l’expéditeur, le transporteur et le destinataire (L.132-8 C. com. Français). V. aussi l’arrêt Cass. com., 4 janv. 2005, Pourvoi n° 03-17.677, Bull. civ. n° 32 (le destinataire est considéré comme une partie dès la formation du c ontrat, mais l’opposabilité d’une clause attributive de juridiction lui est opposable lors de son acceptation spéciale, car elle ne fait pas partie de l’économie du contrat.

233 P. BONASSIES, Ch. SCAPEL, Traité de droit maritime, 2ème éd., Paris, LGDJ-Lextenso éd, 2010, p. 653, § 961. Encore faute de signature du transporteur cela ne signifie pas la nullité du document mais justement que le connaissement ne constitue pas une preuve mais un commencement de preuve.

234 Ibid., p. 634, § 931.

235 En vertu de l’article 49 du Décret 1966 « Le capitaine ou le consignataire du navire doit livrer la marchandise au

destinataire ou à son représentant. […] »). Le transporteur ou son représentant (Art. 51 D 1966 : « Le consignataire du navire représente le transporteur. […] ») doit livrer la marchandise au destinataire ou à son représentant (Art. 52 D 1966 : « Le consignataire de la cargaison représente le destinataire. […] La livraison des marchandises entre ses mains libère le transporteur de la même manière qu’elle le libère entre les mains du destinataire. »)

personne précise qui bénéficiera d’une action en responsabilité (action contractuelle) au cas d’endommagement de la marchandise236. Sauf quand le chargeur expédie la marchandise à lui-même, le contrat de transport met inéluctablement en présence ces trois personnes237 : le chargeur, le transporteur et le destinataire.

D’un autre côté, le destinataire est investi non seulement des droits238 mais aussi des

obligations émanant du c ontrat. L’obligation principale du destinataire est de retirer la marchandise à l’arrivée, parfois dans un délai précis239. Par ailleurs, s’il est prévu

que le fret soit payable « à destination »240, le destinataire devra aussi payer le fret

convenu entre le transporteur et le chargeur. Pourtant, afin que l’obligation de payer le fret incombe au destinataire, il faut qu’il accepte réception de la marchandise. En acceptant livraison, il s’intègre volontairement au contrat241 et peut ainsi être affecté

par ces termes. Par conséquent, le transporteur peut exercer une action en paiement du fret contre le destinataire242.

236 J-P TOSI, « L’adhésion du destinataire au contrat de transport », in Mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, Vol. 2, p. 175. Parfois, le destinataire est le seul à subir des préjudices, et donc, le seul à avoir le droit d’agir en justice contre le transporteur.

237 P. BONASSIES, Ch. SCAPEL, op. cit., p. 634, § 931.

238 Dans la pratique, le chargeur a le droit de « disposition » qui signifie le droit de donner l’ordre au transporteur de changer le port de livraison de la marchandise. Le droit de disposition n’est pas expressément prévu dans la matière du transport maritime, mais il est largement reconnu au transport terrestre. La doctrine et la jurisprudence ont cependant accepté que l’expéditeur maritime puisse aussi avoir ce droit, soumis à certaines conditions. (V. en ce sens J-P TOSI, « L’adhésion du destinataire au contrat de transport », in Mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, Vol. 2, p. 175, M. REMOND- GOUILLOUD, « Du droit de disposition », DMF 1990, p. 587. A partir d’un certain moment, le chargeur perd l’exercice de ce droit, et c’est le destinataire qui peut l’avoir. La possession de sa part des documents de transport, notamment du connaissement à ordre ou au porteur, justifie l’obligation du transporteur de respecter les ordres du destinataire, sous certaines conditions (concernant la sécurité de l’opération normale du transport et l’entreprise des frais éventuels), autrement, le transporteur doit supporter la responsabilité. (P. BONASSIES, Ch. SCAPEL, op. cit., p. 702, § 1030, Aix-en- Provence, 8 janv. 1998, DMF 1998, p. 1026, obs. Y. TASSEL, DMF 1999, Hors Série , n° 3, n° 92, obs. P. BONASSIES) Les Règles de Rotterdam consacrent aussi, un chapitre à la « Partie contrôlante » qui est le chargeur, à moins qu’il ne désigne une autre personne (par ex. le destinataire). (V. Art. 50-56 Règles de Rotterdam). La discussion sur le droit de disposition soulève des questions par rapport au fondement juridique sur lequel le destinataire peut engager la responsabilité du transporteur au cas de non respect de ses instructions. Dans le cadre de la recherche de sa position contractuelle, on étudie également le fondement juridique pour l’exercice par le destinataire de tous les droits découlés du contrat. (J-P TOSI, « L’adhésion du destinataire au contrat de transport », in Mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, Vol. 2, p. 175, F. PETIT, La vocation au tripartisme du contrat de transport de marchandises, Thèse Université de Caen, [microfiche], 2005, p. 307). 239 Si le destinataire ne retire pas la marchandise dans un délai précis, il n’y a pas de conséquences concrètes, à l’exception de l’article 53 D 1966 qui dispose que le transporteur a le droit de faire vendre la marchandise, par autorité de justice, pour s’assurer le paiement de son fret. Il est aussi possible que la marchandise soit juridiquement livrée au destinataire, placée en dépôt d’office. (P. BONASSIES, Ch. SCAPEL, Traité de droit maritime, 2ème éd., Paris, LGDJ-Lextenso éd, 2010, p. 715, § 1043, Rouen, 31 mars 2006, DMF 2007, Hors Série, n° 11, n° 66). Sur le fait que « prendre livraison » peut être considéré à la fois comme un droit et une obligation, v. J-P TOSI, « L’adhésion du destinataire au contrat de transport », in Mélanges

Christian Mouly, Litec, 1998, Vol. 2, p. 175.

240 En vertu de l’article 41, al. 2 D 1966 : « [e]n cas de fret payable à destination, le réceptionnaire en est également

débiteur s’il accepte la livraison de la marchandise. »

241 R. RODIERE, Traité général de droit maritime, Affrètements et transports, T. II, Paris, Dalloz, 1968, p. 24, § 405. 242 Ibid., J-P TOSI, « L’adhésion du destinataire au contrat de transport », in Mélanges Christian Mouly, Litec, 1998, Vol. 2, p. 175.

73. – Dans ce cadre contractuel, après avoir présenté la place du destinataire dans l’opération de transport, il convient de rechercher le fondement juridique sur lequel il acquiert ses droits et obligations, tout en étant absent au moment de la conclusion du contrat. La base juridique lui permettant de se prévaloir des clauses contractuelles définit aussi les conditions de son engagement par les clauses du même contrat. Cette analyse nous permettra de mieux comprendre, dans un deuxième temps, les conditions que le droit français exige pour l’engagement du destinataire par la clause compromissoire.