• Aucun résultat trouvé

Section II. La méthode de détermination des normes applicables à la convention d’arbitrage du contrat de transport maritime de marchandises

A. La règle de conflit de la Convention de New York

112. – La convention de l’arbitrage international la plus répandue dans la grande majorité des États est la Convention de New York « pour la reconnaissance et

l’exécution des sentences arbitrales étrangères » 381. Cette Convention, signée en

1958, dans le but d’améliorer et d’uniformiser les règles applicables en matière d’arbitrage international, fournit aux États contractants un régime plus ou moins uniforme382, sur la reconnaissance et l’exécution de la sentence arbitrale étrangère

ainsi que sur la validité des clauses compromissoires383. La Convention s’applique

lorsque la sentence est étrangère, à savoir quand elle est rendue dans un autre État

379 D. BUREAU, H. MUIR WATT, Droit international privé, Tome I, Partie générale, 2ème éd., Paris, PUF, 2010, p. 333, H. BATIFFOL, P. LAGARDE, Droit international privé, 8e éd., t. I, Paris, LGDJ, 1993, n° 3 (selon ces auteurs, le conflit de lois est « le procédé le plus général de solution des problèmes du droit international privé consist[ant] non à les résoudre

directement par des dispositions législatives propres, mais à désigner, s’agissant de relations concernant les particuliers, la loi interne qui leur sera appliquée. »)

380 Ainsi, le Règlement 593/2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (Convention de Rome I) qui exclut expressément de son champ d’application l’arbitrage (art. 1, § 2, al. (e)), ne pourrait pas s’appliquer en l’espèce.

381 La Convention est considérée comme « most effective instance of international legislation in the entire history of

commercial law » (A. J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958, Towards a uniform judicial interpretation,

Antwerp, Kluwer Law and Taxation, 1981). V. aussi A. J. VAN DEN BERG, “The New York convention : Its Intended Effects, Its Interpretation, Salient Problem Areas”, ASA Special Series 1996, N° 9, p. 25, P. SANDERS, “The History of the New York Convention”, in A. J. VAN DEN BERG (ed.), Improving the Efficiency of Arbitration Agreements and Awards: 40

years of application of the New York Convention, ICCA Congress Series 1998, N° 9, Kluwer Law International 1999, p. 11,

M. J. MUSTILL, “Arbitration: History and background”, J. Int’l Arb. 1989, vol. 6, n° 2, p. 43.

382 Il est clair que des divergences existent sur son interprétation par les juges nationaux. Aussi, cette divergence est alimentée par l’adoption, par certains États signataires, de règles prévoyant un régime plus souple à la convention d’arbitrage. Cette possibilité est prévue dans le texte de l’article VII de la Convention. V. infra n° 119.

383 Malgré son intitulé et la volonté initiale des pays signataires d’améliorer et de mettre à jour le régime de l’arbitrage international en vigueur à cette époque en application du Protocole de Genève de 1923 (sur les clauses d’arbitrage en matière commerciale) et de la Convention de Genève de 1927 (sur l’exécution des sentences arbitrales étrangers), finalement, le champ d’application de la Convention inclut aussi le régime applicable aux conventions d’arbitrage. Ce résultat est dû à l’intervention de la délégation Néerlandaise, lors de l’adoption du texte officiel. Le texte introduit ainsi des conditions pour la reconnaissance et l’application des clauses d’arbitrage et permet la création d’un espace favorable à l’arbitrage international. V. A. J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958, Towards a uniform judicial interpretation, op.

cit., p. 56, G. BORN, International Commercial Arbitration, Vol. I, Austin, Kluwer Law International, 2009, p. 92 (94) - 97,

contractant. La nationalité des parties à l a clause d’arbitrage ou même, l’internationalité de l’affaire ne limitent pas son champ d’application.

Lorsque la Convention ne s’applique pas384, la lex fori du droit international privé des pays en question s’applique. Ainsi, nous retrouvons les mêmes dispositions applicables à la clause relevant de l’arbitrage international. Les juridictions grecque et anglaise385 ont pratiquement incorporé la Convention de New York au droit positif,

reprenant les mêmes solutions proposées par celle-ci [art. 36 de la loi grecque 2735/1999 qui renvoie à la Convention de New York, et s. 103.2(b)386 Arb. Act 1996].

Nous verrons qu’en droit français, l’application des règles matérielles impose des solutions propres en matière d’arbitrage, sans besoin de recourir aux dispositions législatives.

Dans la Convention de New York, nous ne retrouvons pas de dispositions se référant expressément à l’arbitrage en matière de transport maritime. Cependant, le transport maritime international reste traditionnellement dans le champ du commerce international et est couvert par la formulation générale des « matières commerciales » qui délimite le champ d’application de la Convention387. Ainsi, la Convention de New

York s’applique aux litiges issus du transport maritime.

113. – Cette Convention prévoit les conditions d’une efficacité maximale de la clause compromissoire et crée un régime autonome et particulier, applicable uniquement à celle-ci. Deux dispositions dans son texte concernent ainsi la clause d’arbitrage : les articles II et V. L’article II édicte une règle matérielle, directement applicable afin de

384 Cela peut arriver lorsque le pays où la sentence a été rendue n’est pas partie à la Convention, alors que le pays de l’exécution de la sentence a signé la Convention et a accepté la clause de la réciprocité.

385 S. L. COLLINS S. L. (ed.), Dicey, Morris and Collins on the Conflict of laws, Vol. I, 14th ed., London, Sweet & Maxwell, 2006, p. 717, §16 -012. V. dans ce s ens: Naviera Amazonica Peruana Ltd v Compania International de Seguros del Peru, CA, [1988] 1 Lloyd’s Rep. p. 246 (250), A. TWEEDDALE, K. TWEEDDALE, Arbitration of commercial disputes,

International and English law and practice, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 179, § 6.05, St. KOUSSOULIS, Το δίκαιο της διαιτησίας [Le droit de l’arbitrage], Athènes, Sakkoulas, 2006, p. 161, n° 61.

386 Article 103 Arbitration Act 1996: “Refusal of recognition or enforcement: (1) […] (2)Recognition or enforcement of the

award may be refused if the person against whom it is invoked proves—(a) […] ; (b)that the arbitration agreement was not valid under the law to which the parties subjected it or, failing any indication thereon, under the law of the country where the award was made; […]”. V. le texte traduit dans la Rev. arb. 1997, p. 93 et suiv.

387 F. MARRELLE, “Unity and Diversity in International Arbitration: the case of maritime arbitration”, Am. U. Int'l L. Rev. 2005, vol. 20, p. 1055 (1067).

fixer les conditions de forme et les effets des conventions d’arbitrage388. Quant à l’article V. 1 (a), il prévoit une règle de conflit indiquant que la convention d’arbitrage sera soumise, soit à la loi choisie par les parties, soit, à défaut d’un tel choix, à l a loi du siège de l’arbitrage. Plus précisément, la reconnaissance ou l’exécution d’une sentence arbitrale peut être refusée lorsque la convention d’arbitrage, « n’est pas valable en vertu de la loi à laquelle les parties l’ont

subordonnée ou, à défaut d’une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où

la sentence a été rendue ; […] » 389.

Ainsi, la reconnaissance de l’autonomie de la volonté des parties en matière d’arbitrage international prend une dimension réelle, en permettant aux parties de soumettre la convention d’arbitrage et le contrat principal à des lois différentes390. À

défaut d’un choix exprès, la Convention prévoit une règle de conflit propre à l a convention d’arbitrage. Son caractère, autonome et sui generis, impose une règle de conflit issue d’un texte international qui lui est propre. La clause de « conflits de lois » que l’on retrouve dans cet article de la Convention de New York a été considérée comme « la grande conquête » de cette dernière391.

114. – Aujourd’hui, il est admis que le régime applicable à la convention d’arbitrage reste le même tout au long du pr ocessus arbitral, indépendamment du m oment du contrôle de sa validité392. La règle de conflit de l’article V. 1 (a) s’applique lorsque le juge étatique doit examiner la validité de la convention, soit lors d’une demande de

388 Art. II, al. 1 Convention New York: « Chacun des États contractants reconnaît la convention écrite par laquelle les

parties d’obligent à soumettre à un arbitrage tous les différends ou certains des différends qui se sont élevés ou pourraient s’élever entre elles au sujet d’un rapport de droit déterminé, contractuel ou non contractuel, portant sur une question susceptible d’être réglée par voie d’arbitrage. »

389 Nous retrouvons la même disposition dans la loi-type CNUDCI (art. 36, § 1, al. i) qui prévoit que la reconnaissance et l’exécution d’une sentence ne peuvent pas avoir lieu si la convention d’arbitrage « n’est pas valable en vertu de la loi à

laquelle les parties l’ont subordonnée ou, à défaut d’une indication à cet égard, en vertu de la loi du pays où la sentence a été rendue ; […]. »

390 En application de cette règle de conflit, il faut d’abord constater que les États signataires doivent respecter la convention d’arbitrage conclue entre les parties, donc indirectement, il faut également respecter l’accord des parties sur le droit applicable à celle-ci. G. BORN, International Commercial Arbitration, Vol. I, Austin, Kluwer Law International, 2009, p. 429, A. TWEEDDALE, K. TWEEDDALE, Arbitration of commercial disputes, International and English law and practice, Oxford, Oxford University Press, 2005, p. 179, § 6.05.

391 J.-D. BREDIN, « La convention de New York du 10 juin 1958 pour la reconnaissance et l’exécution des sentences arbitrales étrangères », JDI (Clunet) 1960, p. 1003 (1020, 1029).

392 G. BORN, International Commercial Arbitration, Vol. I, Austin, Kluwer Law International, 2009, p. 461, SCHRAMM D., GEISINGER El., PINSOLLE Ph., “Article II”, in KRONKE H. et al. (Dir.), Recognition and enforcement of foreign arbitral

reconnaissance et d’exécution de la sentence arbitrale, soit à propos d’un contrôle préalable à l’émission de la sentence arbitrale.

La jurisprudence393 a affirmé cette interprétation de la Convention de New York à maintes reprises. Par ailleurs, une preuve d’interaction entre l’article V. 1 (a) et l’article II de la Convention réside dans le fait que le premier renvoie au deuxième. En conséquence, la jurisprudence a déduit qu’il serait logique d’accepter aussi l’inverse (à savoir que l’article II renvoie implicitement à l’article V), et, à partir de cette déduction, elle a introduit une lecture complémentaire des deux articles394. Cette

homogénéité du droit applicable à la clause compromissoire est envisagée, tant par les praticiens de l’arbitrage international que par la structure même de la Convention qui vise à promouvoir l’arbitrage international395.

115. – Toutefois, la fragmentation du régime de la convention d’arbitrage, en fonction du stade de son contrôle, a été également soutenue par une partie de la doctrine internationale396. Ainsi, selon cette position, la règle de conflit de la Convention de

New York est seulement mise en œuvre par le juge national au moment du contrôle d’une demande de reconnaissance d’une sentence étrangère (article V. 1 (a)), et non pas au moment d’un contrôle préalable de cette clause. Tandis que les juges doivent respecter la règle matérielle de l’article II de la Convention de New York, à tout moment, afin de statuer sur la validité formelle de la clause compromissoire, l’article V s’applique uniquement lors d’un conflit de lois soulevé devant les juges étatiques saisis d’une demande de reconnaissance et d’exécution d’une sentence arbitrale.

393 Jugement du 21 mars 1995, XXII Y.B. Comm. Arb. , 1997, p. 800, 804-05 (Swiss Federal Tribunal), Jugement de 3 fév. 1990, XVII Y.B. Comm. Arb., 1992, p. 542-543 (Corte di Appello di Genova).

394 A. J. VAN DEN BERG, The New York Convention of 1958, Towards a uniform judicial interpretation, Antwerp, Kluwer Law and Taxation, 1981, p. 127.

395 G. BORN, op. cit., p. 462, A. J. VAN DEN BERG, op. cit., p. 286 : “The Convention’s provision must be deemed to be

interrelated as the underlying purpose is to attain as much uniformity as possible in the legal regime governing international commercial arbitration; in principle the convention’s text must be considered to constitute a whole”. V. aussi dans le même

ouvrage: p. 126-128, p. 291-295. Aussi, J. ROBERT, L’arbitrage, Droit interne, droit international privé, 5e éd., 1983, p. 280, J. LEW, L. MISTELIS, S. KROLL, Comparative International Commercial Arbitration, The Hague, Kluwer International Law, 2003, § 6-32, § 6-55.

396 P. BERNARDINI, “Arbitration clauses: achieving effectiveness in the law applicable to the arbitration clause”, in A. J. VAN DEN BERG (ed), Improving the efficiency of arbitration agreements and awards; 40 years of application of the New

York Convention, ICCA Congress Series 1998, N° 9, Kluwer Law International 1999, p. 197 (200), G. BORN, op. cit., p.

461- 462, réf. ns° 252, 253, St. KOUSSOULIS, Το δίκαιο της διαιτησίας [Le droit de l’arbitrage], Athènes, Sakkoulas, 2006, p. 26.

Cette position s’appuie principalement sur deux arguments : a) l’absence de texte spécifique dans la Convention sur le contrôle de la convention d’arbitrage lors d’un examen préalable à celle-ci, et b) sur l’argument que le juge étatique devrait se fonder sur son propre droit (lex fori) afin de rechercher la validité de la clause d’arbitrage, sachant qu’une clause arbitrale valable lui enlève sa propre compétence. Ce dernier argument n’a pas échappé au débat précité, celui relatif à la nature juridique de la clause d’arbitrage. À la lumière de la théorie qui soutient le caractère procédural de la clause d’arbitrage, sa validité à u n stade préalable est soumise à l a lex fori. Ceci permet au juge de statuer sur sa compétence ou incompétence à trancher le litige397.

Le droit national du juge saisi devrait pouvoir appliquer ses propres critères qui déterminent, in fine, la compétence du juge national.

B. La règle de conflit de la Convention de New York applicable