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Section I. L’articulation des normes d’un point de vue méthodologique 141 – Les Règles de Hambourg et les Règles de Rotterdam, contrairement au

A. La loi choisie pour régir la clause compromissoire

i. La méthode conflictuelle

145. – Dans l’hypothèse où la loi applicable à la clause d’arbitrage est expressément choisie, les juges anglais et grecs doivent procéder à l’identification des normes aptes à régir la clause d’arbitrage, conformément aux dispositions de la Convention de New York (art. II et V § 1 précités) applicables dans leur for. Lorsque les Règles de Hambourg sont intégrées dans cette législation étatique choisie, il convient de s’interroger sur la confrontation entre les dispositions des Règles de Hambourg, en tant que texte étranger pour les juges étatiques en question, et les dispositions de la Convention de New York en tant que convention internationale.

146. – Dans le cas hypothétique (et matériellement presque impossible) où la loi étatique choisie ne contient pas d’autres dispositions applicables à la convention d’arbitrage que celles figurant dans les Règles de Hambourg, ou, lorsque les Règles

de Hambourg sont par stipulation contractuelle choisies pour régir la clause d’arbitrage, il ne fait aucun doute que l’application de ces dernières s’impose en tant que texte étranger. Or, comme nous l’avons déjà souligné, l’ordre public international des juges saisis constitue les limites à l’application directe des Règles de Hambourg en tant que texte étranger.

Ainsi, étant donné l’adoption de la Convention de New York par le Royaume-Uni et la Grèce, il est admis qu’en application de l’article VII de la Convention en question, ces dispositions constituent le minimum des restrictions que l’ordre juridique du juge peut imposer en matière d’arbitrage international481. Nous pourrons en déduire que les

dispositions des Règles de Hambourg présumées plus strictes en matière d’arbitrage dans les contrats de transport maritime seront écartées au profit des règles plus souples, visant à privilégier la validité de la clause d’arbitrage.

147. – Dans l’hypothèse où la Convention de New York est également intégrée dans la loi étatique choisie, la confrontation de cette dernière et des Règles de Hambourg semble également inévitable et le juge saisi doit se prononcer en prenant position sur leur compatibilité au sein de l’ordre juridique indiqué par le choix des parties. Cela signifie que le juge ne recourra pas, pour l’instant, à son ordre public ni à l’évocation de la Convention de New York en tant que convention internationale applicable directement au litige. Le juge sera obligé de se prononcer sur la compatibilité de deux textes étrangers susceptibles d’avoir des effets juridiques dans son propre for.

Pour étudier la compatibilité des dispositions mentionnées, au sein du même ordre juridique, nous allons nous pencher sur un argument tiré du texte même des Règles de Hambourg. Ce dernier cède la priorité aux conventions internationales propres en matière d’arbitrage. En effet, l’article 25 § 2 prévoit la primauté d’une convention internationale en matière d’arbitrage à laquelle l’ordre juridique d’un pays adhère482.

481 En accordant une telle primauté à la Convention de New York nous la traitons en tant que norme d’application immédiate qui se prévaut d’une loi étrangère ou d’une stipulation contractuelle choisie par les parties.V. D. BUREAU, H. MUIR WATT, Droit international privé, Tome I, Partie générale, 2ème éd., Paris, PUF, 2010, p. 606 et p. 609, n° 563 et n° 556. 482 Art. 25 § 2 R . Hambourg : « Les dispositions des articles 21 et 22 de la présente Convention ne s'opposent pas à

l'application des dispositions obligatoires d'une autre convention multilatérale déjà en vigueur à la date de la présente Convention et se rapportant à des questions traitées dans lesdits articles, à condition que le différend intéresse exclusivement des parties ayant leur établissement principal dans des États parties à cette autre convention. Cependant, le présent paragraphe n'affecte pas l'application du paragraphe 4 de l'article 22 de la présente Convention. »

Ainsi, la primauté accordée à la Convention de New York restreint l’application des dispositions strictes des Règles de Hambourg concernant la validité de la clause compromissoire. La règle matérielle de l’article II de la Convention de New York, ainsi que le principe de validité qui impose l’application des règles qui ont tendance à privilégier le recours à l’arbitrage, s’appliqueront à l a convention d’arbitrage. Il convient, cependant, de souligner que les dispositions de la Convention de New York n’affecteront pas l’application obligatoire de l’article 22 § 4 des Règles de Hambourg483. Ainsi, les Règles de Hambourg introduisent une limite à la primauté de

la Convention de New York. En examinant de près le contenu de cette disposition, nous verrons, par la suite, l’importance de cette exception.

ii. La méthode matérielle

148. – Le raisonnement n’est pas le même lorsque le litige est porté devant le juge français. Ce dernier est tenu d’appliquer la règle matérielle qui indique que la validité de la clause d’arbitrage n’est pas soumise à une loi étatique. En réalité, cette règle édicte le principe in favorem validitatis. Ainsi, loin de la solution recherchée par les juges anglais et grec, le juge français, dans un souci de préserver l’effet maximum de la validité de la clause compromissoire, n’hésitera pas à écarter la volonté expresse des parties, si les normes choisies invalident la clause d’arbitrage484.

En l’espèce, les Règles de Hambourg, qui sont plus strictes en ce qui concerne les conditions de validité imposées par la règle matérielle française, seront aussi écartées, afin de consacrer la validité de la clause. La position française est fondée sur le présupposé selon lequel les parties ont intérêt à favoriser la validité de la clause et à l’immuniser contre les vices qui pourraient l’affecter en appliquant des lois plus strictes. Ce raisonnement donne à la clause la validité présumée par la volonté initiale des parties. C’est sur ce fondement que la doctrine présume que les parties

483 Art. 22 § 4 R. Hambourg : « L'arbitre ou le tribunal arbitral applique les règles de la présente Convention. »

484 G. BORN, International Commercial Arbitration, Vol. I, Austin, Kluwer Law International, 2009, p. 441, Ph. FOUCHARD, E. GAILLARD, B. GOLDMAN, Traité de l’arbitrage commercial international, Paris, Litec, 1996, p. 238, § 425.

accepteraient d’écarter leur choix initial, même si elles savaient que ce choix risque d’invalider la clause485.

Vu sous cet angle, il semble que le principe d’autonomie introduit une nouvelle méthode de détermination des normes applicables à la clause : les règles matérielles visant à é tablir la validité de la clause486. Le raisonnement semble être renversé en

recherchant à appliquer le droit qui validera la clause, et pas forcément en recherchant le droit applicable qui nous indiquera la validité ou la non-validité de la clause487. Malgré les critiques exprimées contre cette position488, celle-ci est justifiée

par le souci de donner à cette institution son statut et sa dimension véritablement internationaux. Le libéralisme exprimé dans cette approche du juge français est considéré comme le moyen au service de l’efficacité de l’arbitrage.