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Rôle de FMI tardif dans la morphogenèse florale

II. LFY, un régulateur clé du développement floral

3. Rôle de FMI tardif dans la morphogenèse florale

a) Mise en évidence

L’hypothèse d’une fonction de LFY dans l’identité des organes floraux est née en 1990 de la détection par hybridation in situ de FLO d’A. majus au niveau des primordia des sépales, pétales et carpelles (Coen et al., 1990). Huala et Sussex (1992) réitèrent cette hypothèse chez A. thaliana en constatant que les structures florales qui parviennent à se développer chez les mutants fort lfy présentent des anormalités d’identité des organes floraux, à savoir l’absence totale de pétales et étamines. A cette même période, l’étude phénotypique de plantes mutées à la fois dans lfy et dans un gène d’identité des organes floraux (ap2, ap3, pi et ag), montrent que lfy est tout ou partie épistatique sur les mutations ap2, ap3, pi et ag en fonction du phénotype étudié: LFY agit donc en amont de ces gènes en accord avec ce rôle de FMI tardif (Coen et al., 1990; Huala and Sussex, 1992; Schultz and Haughn, 1991; Weigel et al., 1992).

Je m’attacherai tout particulièrement ici à expliquer le profil d’expression des gènes ABC qui, confinés à des territoires spécifiques du méristème floral, tient une grande importance dans la délimitation de chacun des organes floraux (Fig.10).

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b) Rôle de LFY dans l’activation d’AP1, gène ‘A’ d’identité des sépales et pétales

Je ne reviendrai pas ici à l’activation directe exercée par LFY sur le gène ‘A’ AP1 qui en plus de son rôle de FMI est impliqué dans l’identité des sépales et des pétales (cf paragraphes II.2.c. ‘Activation

de gènes FMI’). Le profil d’expression d’AP1, uniforme dans le méristème floral à partir du stade 1 puis

restreint aux primordia des sépales et pétales au stade 3, s’explique par une régulation spatiale exercée d’une part par cette activation de LFY et d’autres part par une répression par AG (Fig.10, Mandel et al., 1992).

c) Rôle dans l’activation d’AP3 et PI, gènes ‘B’ d’identité des pétales et étamines

Les gènes ‘B’ AP3 et PI sont exprimés dans les couronnes 2 (pétales) et 3 (étamines) à partir du stade 3 (Mandel et al., 1992). Chez les mutants lfy, les pétales et les étamines sont les organes les plus affectés, voire totalement absents chez les allèles forts. Par hybridation in situ, ce phénotype se traduit par une réduction du niveau et du domaine d’expression d’AP3 et PI (Weigel et al., 1992; Weigel and Meyerowitz, 1993a).

La compréhension du mécanisme adopté par LFY pour réguler AP3 a été difficile et laisse subsister beaucoup d’interrogations. En effet, ni la surexpression (35S::LFY) ni l’expression de la version de LFY fusionnée au domaine activateur VP16 (35S::LFY:VP16) n’occasionne de modification du profil d’expression d’AP3. Un précieux indice a été obtenu par la découverte d’un mutant d’A. majus,

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fimbriata (fim), et d’un mutant d’A. thaliana, ufo, dont le phénotype révèle des défauts de

développement des étamines et des carpelles parallèlement à une réduction de l’expression des gènes B (Ingram et al., 1995; Lee et al., 1997a; Simon et al., 1994). Par ailleurs, l’expression de UFO est détectée à partir du stade floral 2, au moment où l’identité des pétales et étamines se détermine (Laufs et al., 2003).

Les études de surexpression simultanée de LFY et UFO ont montré que UFO était le corégulateur requis par LFY pour activer AP3. Le patron d’expression d’AP3 résulte ainsi de la co- expression de LFY et UFO au niveau des jeunes méristèmes floraux (Honma and Goto, 2000; Lamb et al., 2002; Lee et al., 1997a; Parcy et al., 1998). Le mécanisme mis en jeu n’est néanmoins pas encore bien compris. Le fait qu’UFO soit potentiellement impliqué dans un processus de dégradation des protéines via un complexe d’ubiquitination laisse à penser que UFO puisse cibler un répresseur d’AP3 et PI. Un tel régulateur n’a cependant jamais été identifié. Récemment, il a été montré que LFY et UFO interagissent physiquement et que LFY serait ubiquitinylée par des ligases E3 dont UFO (Chae et al., 2008). Cette donnée est particulièrement intéressante car elle pourrait s’intégrer aux descriptifs récents répertoriant des cas d’activation de facteur de transcription par ubiquitination selon deux mécanismes distincts: i) chez certains régulateurs, l’ubiquitination conduit à leur dégradation et ainsi à une accélération de leur turn over (Kodadek and Bachhawat-Sikder, 2006); ii) chez d’autres facteurs, une monoubiquitination entraîne directement leur activation (Garcia-Higuera et al., 2001).

Par ailleurs, bien que LFY semble donc activer directement AP3, il pourrait également agir indirectement via AP1, autre acteur de l’activation d’AP3 (Ng and Yanofsky, 2001).

d) Rôle dans l’activation d’AG, gènes ‘C’ d’identité des étamines et carpelles

L’expression d’AG est détectée à partir du stade 3, délimitée aux couronnes 3 (étamines) et 4 (carpelles). Chez les mutants lfy, l’expression précoce d’AG dans le méristème floral est retardée et confinée à un domaine plus petit que celui d’une fleur sauvage (Weigel and Meyerowitz, 1993a).

Un grand pas dans la compréhension du mécanisme d’activation d’AG exercé par LFY a été fait à partir de l’étude de plantes exprimant une version activée de LFY par fusion au domaine activateur de la protéine virale VP16. Chez les plantes LFY:VP16 en effet, l’essentiel du phénotype observé résulte d’une suractivation précoce et ectopique d’AG, se manifestant par la formation de structures carpelloïdes ectopiques (Parcy et al., 1998). Alors que la surexpression de LFY (35S::LFY) ne modifie pas le profil d’AG, la surexpression de LFY:VP16 suffit à induire AG dans l’ensemble d’une très jeune plantule. Une telle efficacité du domaine VP16-AD suggérait que LFY ait besoin d’un coactivateur. La protéine à homéodomaine WUSCHEL (WUS), initialement décrite pour son rôle dans la maintenance des cellules souches méristématiques, sera identifiée comme ce coégulateur trois années plus tard à partir de son profil d’expression au centre du méristème floral d’une part, et du phénotype des plantes

35 mutantes wus très affecté dans le développement des étamines et carpelles d’autre part (Laux et al., 1996; Lohmann et al., 2001; Mayer et al., 1998).

LFY et WUS activent directement et selon un processus synergique l’expression d’AG (Lohmann et al., 2001). Cependant, le fait que le patron d’expression d’AG ne reflète pas exactement celui de WUS et que l’expression d’AG soit toujours détectée chez les mutants wus suggère que WUS n’est pas l’unique corégulateur impliqué (Lenhard et al., 2001).

e) Modèle de délimitation du profil d’expression des gènes d’identité des organes floraux

Aujourd’hui, il est acquis que LFY active directement AP1, AP3 et AG à l’aide de co-régulateurs conférant une délimitation spatiale du profil d’expression de ces gènes cibles (Honma and Goto, 2000; Lamb et al., 2002; Laufs et al., 2003; Lohmann et al., 2001; Parcy et al., 1998). Ces découvertes ont conduit à l’élaboration d’un modèle génétique dans lequel LFY joue un rôle central au développement des organes de la fleur en activant directement les gènes ABC (Fig.10).

Absents de ce modèle, des données de génomique suggèrent que LFY activerait également les gènes SEP (Schmid et al., 2003; Wagner et al., 2004). Les données ont aussi permis d’identifier de nouvelles cibles directes de LFY dont le rôle potentiel dans la morphogenèse florale, devrait alimenter le travail de ces prochaines années (Wagner et al., 2004; William et al., 2004).

Nous allons désormais voir dans quelle mesure ces fonctions de LFY établies à partir de la plante modèle A. thaliana sont conservées chez d’autres espèces angiospermes.