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Points sur les connaissances biochimiques relatives à LFY

III. LFY, un facteur de transcription original

2. Points sur les connaissances biochimiques relatives à LFY

Dans ce contexte, comment se positionne la protéine LFY ? Des recherches d’homologies de séquence n’ont permis de mettre en évidence aucune homologie apparente avec d’autres facteurs connus. LFY est donc un facteur de transcription spécifique aux plantes de 49kDa, soit 421 acides

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aminés. Chez les Angiospermes, il est présent généralement en une copie, ou parfois deux, rarement plus. Si tel est le cas, ces copies supplémentaires ne semblent pas avoir acquis de subfonctionnalisation majeure (Frohlich, 2000; Himi et al., 2001). Chez le maïs, par exemple, il existe deux copies mais seul le double mutant possède un phénotype. Chez les Gymnospermes, deux paralogues, LFY et NEEDLY (NLY), auraient un rôle partiellement divergent, nous y reviendrons dans le paragraphe IV.3. ‘Théories sur l’apparition des fleurs‘. Chez les Mousses et les Fougères, il existe plusieurs copies de LFY mais elles semblent étroitement apparentées et aucune évidence à ce jour ne suggère non plus de subfonctionnalisation majeure (Frohlich, 2000; Himi et al., 2001). Au bilan, contrairement aux autres facteurs évoqués dans le paragraphe précédent, LFY ne s’est pas dupliqué pour former une famille multigénique.

a) Régulation de l’expression d’AP1

Les premières données relatives à la protéine LFY ont été obtenues par Parcy et collaborateurs en 1998 à partir de l’expression chez Escherichia coli de protéines recombinantes délétées de leurs trente derniers acides aminés. Cette délétion d’après un essai d’expression constitutive dans les plantes n’entraîne qu’une modification minime de l’activité de LFY. Ces auteurs ont purifié LFY en conditions dénaturantes par chromatographie d’affinité pour la double étiquette N et C-terminale de la protéine recombinante et ont montré qu’elle liait un oligonucléotide de 30pb correspondant à une séquence du promoteur d’AP1. Cet oligonucléotide possède une séquence pseudo-palindromique par rapport à une base médiane (Fig.12, soulignée). La mutation de deux bases de cette séquence (Fig.12, oligonucléotide AP1 m1 en italique) entraîne la perte de liaison de la protéine à l’ADN, démontrant que LFY reconnaît spécifiquement l’oligonucléotide sauvage (Fig.13A). L’importance in planta de ce site de liaison de LFY au niveau du promoteur d’AP1 n’a jamais été démontrée. Reyes Benlloch en stage post- doctoral dans notre équipe a travaillé sur cette question (données non publiées), j’y reviendrai dans la partie résultats.

b) Régulation de l’expression d’AG

En 1999, Busch et collaborateurs ont étudié l’activation d’AG par LFY. Ils ont pour cela introduit dans des plantes transgéniques le gène rapporteur GUS (codant pour la beta glucuronidase) sous le contrôle de versions tronquées des régions régulatrices d’AG (Busch et al., 1999). Ils ont ainsi délimité la région minimale de réponse à LFY au deuxième intron d’AG. In vitro, ils ont recherché plus précisément la séquence reconnue par LFY et montré par EMSA que LFY reconnaissait spécifiquement deux séquences, AG-I et AG-II (Fig.12 oligonucléotides AG-I WT, m1, m2 et AG-II WT, m1 et m2; Fig.13B), selon une affinité comparable dans les deux cas, mais qui serait inférieure à celle de LFY pour AP1. Ces deux sites AG-I et AG-II sont séparés de 47pb, et présentent comme le site AP1 un motif pseudo-palindromique (Fig.12, en gras). L’importance biologique de ces deux sites a été validée

43 par l’étude in planta de l’effet de délétions au niveau de ces sites sur le profil d’expression d’AG (Busch et al., 1999). Ainsi, par alignement des séquences d’AG-I, AG-II et AP1, une séquence consensus CCANTG de liaison de LFY à l’ADN a pu être été établie (Fig.12).

Cependant, LFY n’est pas capable à lui seul d’activer AG et nécessite un co-régulateur. Lohmann et collaborateurs ont établi par EMSA en 2001 l’action concertée de LFY et WUS sur l’activation d’AG, à partir de protéines issues d’extraits bruts de levure S. cerevisiae (Fig.13C). Il est intéressant de noter que des sites reconnus par WUS sont systématiquement disposés à proximité des sites AG-I et AG-II reconnus par LFY bien que dans des sens opposés (Fig.14), et que l’action concertée de LFY et WUS entraîne une activation synergique d’AG. Ces données pourraient suggérer que LFY et WUS interagissent. Pourtant les résultats d’EMSA montrent que LFY et WUS contactent l’ADN indépendamment, et que le mélange des deux protéines ne crée pas de complexe supplémentaire (EMSA réalisé avec le site AG-II, Fig.12 et 13C). De plus, ces résultats ont été confirmés par expérience de coimmunoprécipitation où aucun hétérodimère LFY/WUS n’a pu être observé (Lohmann et al., 2001).

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En 2003, Hong et collaborateurs viennent réévaluer la liste des sites de liaison de LFY au niveau du deuxième intron d’AG suite à une étude phylogénétique entre orthologues de LFY chez 29 Brassicacées: LFY contacterait non pas deux, mais quatre sites (Hong et al., 2003). De la même manière que les sites I et II, AG-III se situe à proximité d’un site putatif de liaison de WUS (Fig.14). Le site AG-IV ne serait pas quant à lui à proximité d’un site de liaison de WUS. Selon le même principe de fusion rapportrice (AG::GUS) que Busch et collaborateurs (1999), ces auteurs proposent que le site AG-

45 de liaison de WUS correspondants seraient eux importants aussi bien à la mise en place qu’à la maintenance de l’expression d’AG au niveau des étamines et des carpelles.

c) Régulation de l’expression d’AP3

En 2002, Lamb et collaborateurs s’intéressent à l’activation d’AP3 par LFY. Selon le même principe que Busch et collaborateurs (1999), ils délimitent in planta un domaine minimal de réponse à LFY de 52pb dans le promoteur d’AP3. Après avoir coupé ce domaine en deux (sites I et II), ils ont constaté par EMSA à partir d’une protéine non purifiée produite en transcription traduction in vitro (TNT) que LFY liait spécifiquement le site I (Fig.13D). Étrangement, la mutation du site II, site qui par lui- même n’est pas reconnu par LFY, annule la liaison de LFY au site I. Les auteurs proposent pour expliquer ce constat que le site II intervienne dans la conformation de l’ADN. L’importance des sites I et II a ensuite été testée in planta selon le même principe que Busch et collaborateurs, où ici l’expression du gène rapporteur GUS est sous le contrôle de différentes versions du promoteur d’AP3 (constructions sauvage ou délétées du promoteur d’AP3). Étonnement, les délétions abolissant la liaison de LFY au niveau d’AP3 par EMSA n’ont pas d’effets clairs sur l’expression d’AP3 in planta. Pour l’expliquer, Lamb et collaborateurs proposent deux alternatives: soit ils n’ont finalement pas identifié le vrai site de liaison de LFY au niveau du promoteur d’AP3, soit l’induction d’AP3 via d’autres facteurs de transcription dont

AP1 est suffisamment redondante pour pallier l’absence d’activation par LFY. Par alignement de

séquences aux sites AG-I, AG-II et AP1, les sites AP3-I et AP3-II réduisent la séquence consensus de LFY à CCNNNG (Fig.12).

Ici encore LFY n’est pas capable à lui seul d’activer l’expression d’AP3 et agit pour cela avec UFO (Lee et al., 1997). En 2008, Chae et collaborateurs montrent par EMSA à partir de protéines produites en système TNT que LFY et UFO interagissent sur le promoteur d’AP3: UFO à elle seule ne peut lier l’ADN mais le mélange des deux protéines entraîne la formation d’un second complexe en plus de celui correspondant à LFY liée seul sur l’ADN (Fig.13F). Ce résultat est confirmé par expérience de double hybride chez la levure, où les auteurs suggèrent que l’interaction des deux protéines se fait via la région C-terminale de LFY. Cette interaction, observée également en expérience de coprécipitation GST (‘GST pull down’) ne dépend pas de l’ADN. Une de ses conséquences pourrait être l’ubiquitination de LFY par UFO (Chae et al., 2008).

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d) Evolution de LFY

En 2005, dans un article orienté vers l’étude ‘évo/dévo’ (synthèse de la biologie du développement et des théories de l’évolution), Maizel et collaborateurs mettent au jour à partir d’un alignement de séquences entre protéines homologues LFY d’espèces végétales très éloignées d’un point de vue évolutif (Mousses, Fougères, Gymnospermes et Angiospermes) deux régions extrêmement conservées, l’une de 77 aa en position N-terminale, l’autre de 160 aa en position C- terminale (Fig.15). Ces régions conservées sont potentiellement importantes pour la fonction des protéines LFY. En effet, dans le cas des protéines SBP par exemple, autres types de facteurs de transcription spécifique du règne végétal, seule une région est hautement conservée des Mousses aux Angiospermes, région correspondant au DBD (Riese et al., 2007). Effectivement, à partir de protéines d’A. thaliana tronquées produites en système TNT, cette équipe montre en EMSA que le domaine

47 minimal de liaison à l’ADN débute au résidu 230 (i.e. au ras de l’extrémité N-terminale de la région conservée C-terminale, Fig.15) et contient tout le domaine conservé C-terminal (Fig.13E).

De ces résultats sur l’étude biochimique de LFY, il ressort donc que LFY contacte l’ADN via son domaine conservé C-terminal, domaine qui interviendrait également dans l’interaction avec UFO. Aucune donnée n’est apportée quant au rôle que pourrait jouer le domaine conservé N-terminal. De plus, LFY reconnaîtrait une séquence consensus CCANTGG/T en considérant les sites AP1 et AG-I, et

AG-II, séquence qui se réduirait à CCNNNG en prenant également en considération les sites AP3-I et AP-3II.

Nous avons ainsi vu comment LFY régule les différentes étapes conduisant à l’élaboration de la fleur chez A. thaliana, rôle qui serait partiellement à totalement conservé chez les plantes à fleurs. Malgré ce rôle très spécifique, le gène LFY est déjà identifié chez les plantes dépourvues de fleurs (Gymnospermes, Fougères, Mousses). C’est à l’appui de ce constat que

LFY a été intégré dans des théories de l’évolution visant à expliquer l’apparition des plantes à

fleurs. Le chapitre qui suit fait état de cette réflexion.