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II. Etude structurale du domaine conservé C-terminal de LFY

1. Protocole de cristallogenèse

La cristallogenèse est la deuxième étape critique au processus de cristallographie. Elle est extrêmement exigeante quant à la qualité de la molécule ou du complexe à cristalliser. Le caractère homogène ou monodispersité du complexe LFY-C/AP1 a été observée par microscopie électronique (en collaboration avec Guy Schoen, EMBL Grenoble) et par DLS (Dynamic Light Scattering; Fig.33).

La cristallogenèse est également imprévisible. Les conditions de cristallogenèse, fonction du pH, de la nature et de la concentration du précipitant, du sel et d’éventuels additifs, ne suivent aucune loi,

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sont propres à chaque molécule ou complexe. Dans le cadre de la cristallogenèse d’un complexe protéine/ADN, plusieurs données suggèrent que les choix de la construction protéique et de l’oligonucléotide cible sont déterminants. C’est à la lumière de ces connaissances que nous avons commencé à dessiner des oligonucléotides de nature (AP1, AG-I, AG-II), de taille et extrémités (franches ou cohésives) différentes (Récapitulatif dans le tableau 2). Le crible de cristallogenèse a donc pris en compte deux paramètres: la nature du complexe à cristalliser, et la nature des conditions de cristallisation.

Initialement, nous avons essayé de cristalliser le complexe LFY-C/AP1 à partir de deux oligonucléotides différents (AP1-21pb extrémités franches et AP1-22pb extrémités dépassantes; Tab.2) en système automatisé et à température ambiante à partir d’un crible de 48 conditions (robot de cristallogenèse de l’EMBL Grenoble). La grande majorité des gouttes réalisées ayant formé des précipités, nous avons poursuivi la cristallogenèse à 4°C, manuellement cette fois ci, à partir d’un crible commercial de 48 conditions établi à partir des principales conditions de cristallogenèse de complexe protéine/DNA connues (kit Natrix, Hampton). Une partie des cribles a été réalisée selon un ratio ADN:protéine 1:4, ratio qui a été rectifié à 1:2 suite aux résultats de MALLS-SEC. Ce changement de

97 ratio a conduit à une diminution du pourcentage de gouttes précipitées. Le tableau 3 résume les conditions ayant conduit à la formation de cristaux analysés au synchrotron.

2. Cristallographie

La résolution de la structure tridimensionnelle de LFY-C, résidus 237 à 399, lié à AP1 et à AG-I a été réalisée intégralement par nos collaborateurs. Le phasage a été effectué par trempage des cristaux dans une solution de mercure. Pour plus de renseignements à ce sujet, se référer à l’article Hamès et collaborateurs (Annexe 1).

a) Structure globale

Malgré la différence des motifs de reconnaissance de LFY au niveau d’AP1 et AG-I (Fig.12 et tab.2), les deux structures obtenues se superposent largement. La structure globale du complexe est formée d’un dimère de LFY-C contactant l’ADN. Chaque monomère contacte principalement un demi- site (délimité par la base médiane soulignée en fig.12) à l’exception de la Lys284 qui contacte le squelette phosphate reliant les guanines invariantes aux positions ±2 et ±3 du demi-palindrome opposé. LFY-C adopte une structure compacte globulaire constituée de deux courts feuillets β suivis de sept hélices α connectées par des petites boucles (Fig.34A et B). L’absence de larges régions hydrophobes à l’extérieur de la structure suggère que LFY-C représente un domaine fonctionnel

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autonome de liaison à l’ADN, en accord avec une action indépendante au domaine conservé N-terminal comme le suggéraient les analyses de truncations de LFY (Fig.23; Maizel et al., 2005).

b) Caractéristiques du domaine de liaison à l’ADN de LFY-C

Le domaine de liaison de LFY-C à l’ADN (LFY-DBD) est défini par deux motifs: un motif contactant le grand sillon de l’ADN mettant en jeu les hélices α2 et α3 qui forment un motif HTH où α3 s’oriente parallèlement au brin d’ADN pour ne le contacter que par son extrémité N-terminale (Fig.34A et B; Aravind et al., 2005); et un motif représenté par l’Arg237 qui forme un long prolongement venant s’insérer dans le petit sillon de l’ADN (Fig.35). La structure de l’ADN montre une courbure de 20° qui permettrait un rapprochement du petit sillon au grand sillon (Fig.34C).

Chaque hélice (α2 et α3) compte un point de contact base-spécifique: l’Asn291 et la Lys307 reconnaissent les deux guanines invariantes aux positions ±2 et ±3 (Fig.35). L’Arg237, premier résidu ordonné en position N-terminale de la structure, réalise le troisième contact base-spécifique au niveau de la paire de base A:T ±8 (Fig.35). Si les deux premières bases reconnues par LFY-DBD étaient déjà identifiées dans la séquence consensus (correspondant aux bases opposées aux deux cytosines juxtaposées de la séquence CCANTGG/T), cette base en position ±8 était totalement ignorée. Pour

99 LFY-C/AP1 et LFY-C/AG-I révèle que l’Arg237 forme un ‘bras’ souple qui dans un cas contacte le brin sens, et dans l’autre cas le brin antisens (Fig.36). L’importance de cette position est soulignée par la présence systématique d’une base A:T ou T:A dans tous les sites confirmés (séquences AP1, AG-I,

AG-II et AP3-I; Hong et al., 2003; Lamb et al., 2002; Parcy et al., 1998). Ces données structurales

apportent donc une donnée supplémentaire au site consensus de LFY qui peut désormais être plus précisément défini par la séquence A/TNNNNCCANTGT/GNNNNT/A.

En plus de ces trois contacts spécifiques, LFY-DBD compte douze résidus contactant l’ADN au niveau du squelette phosphate, résidus situés pour la plupart dans l’hélice α3 (Fig.35). En particulier, un point de contact inhabituel est réalisé par la Pro308 qui exerce une pression physique (‘stacking’) entre les deux guanines situées en position ±5 et ±6.

c) Similarités structurales

Les hélices α1, α2 et α3 de LFY-C présentent une importante homologie structurale avec des motifs HTH tels ceux de la protéine à homéodomaine engrailed, du domaine paired et de la tc3 transposase (Fraenkel et al., 1998; van Pouderoyen et al., 1997; Xu et al., 1999). Cependant, LFY-DBD peut difficilement être assigné à ces classes de protéines. L’orientation de son hélice α3 diffère de celle des protéines à homéodomaine qui s’aplatit davantage sur le grand sillon de l’ADN pour le contacter en son milieu (Fig.37). En revanche, en plus d’une orientation similaire de l’hélice α3 de LFY-C et du

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domaine paired (Fig.37), ces deux domaines possèdent deux courts feuillets β. La différence entre leur DBD vient du point de contact au petit sillon: dans le cas du domaine paired, il est réalisé par la boucle positionnée entre les deux courts feuillets β, alors que dans le cas de LFY-C, il est réalisé par l’Arg237 à l’extrémité N-terminale. Le domaine C-terminal de LFY représenterait donc un nouveau variant de cette grande famille que représentent les protéines HTH.

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d) Vers la compréhension du mécanisme moléculaire de la coopérativité

La structure du complexe de LFY-C à l’ADN révèle également d’importantes interactions entre les deux monomères: l’Asp280 de la boucle comprise entre les hélices α1 et α2 est contacté au niveau de son squelette carboné par l’His387 et l’Arg390 de l’hélice α7 (Fig.38). Nous avons vu que la coopérativité pouvait résulter soit d’une modification de la conformation de l’ADN, soit d’une interaction monomère-monomère. La structure suggère donc que le mécanisme moléculaire à l’origine de la coopérativité pourrait être la dimérisation de LFY-C.