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Rôle de l’ANT dans la conversion ADP Æ ATP à la surface des cellules

F 1 -ATPase protects ApppI from NPP activity

3) Rôle de l’ANT dans la conversion ADP Æ ATP à la surface des cellules

3.1) Introduction

Les résultats présentés ci-dessus indiquent que l’inhibition de l’AK, bien que réduisant fortement la production d’ATP suite à l’ajout d’ADP, n’abolit pas totalement cette conversion. Nos données indiquant que ni l’Ecto-F1-ATPase ni la NDPK ne peuvent expliquer cette activité résiduelle, nous avons donc étudié une autre protéine, l’Adenosine Nucleotide Translocase (ANT, aussi appelé AAC pour ADP, ATP Carrier). Nous avons principalement réalisé ces études avec la lignée Daudi. D’une part afin de vérifier si le métabolisme nucléotidique à la surface de ces cellules est similaire à celui étudié précédemment (Article 4), mais aussi pour envisager les conséquences potentielles pour la reconnaissance des cellules tumorales par les lymphocytes T Vγ9/Vδ2.

L’ANT est un transporteur mitochondrial situé dans la membrane interne et ayant une place importante dans la phosphorylation oxydative et les mécanismes de l’apoptose (291). Son rôle principal est d’échanger l’ADP avec l’ATP au sein de la mitochondrie, afin d’exporter l’ATP produit par l’ATP synthase et d’en assurer la synthèse permanente en important l’ADP. Cette fonction est facilitée par son interaction avec l’ATP synthase au sein de « l’ATP synthasome ». Ceci suggère donc que l’ANT pourrait également être exprimée à la surface et participer à la production d’ATP observée lors de l’ajout d’ADP, mais cette possibilité n’a à notre connaissance jamais été explorée.

Nos résultats indiquent que, comme pour les hépatocytes, une grande partie de la conversion de l’ADP en ATP à la surface des cellules Daudi est due à l’AK. De plus l’ANT est détectable à la surface des cellules et son inhibition diminue de façon très significative la quantité d’ATP extracellulaire mesurée après ajout d’ADP.

Résultats IV : Métabolisme nucléotidique extracellulaire

3.2) Matériel et méthodes

Culture cellulaire

La lignée Daudi provient de l’ATCC et a été cultivée en RPMI 1640 Glutamax contenant 10% de SVF décomplémenté, du pyruvate de sodium et de la pénicilline/streptomycine. Tous les réactifs de culture proviennent d’Invitrogen. Pour les mesures de conversion de l’ADP, les cellules ont été pré-incubées (250000 cellules par puits, 150µL) pendant une heure à 37°C, 5% CO2 afin d’équilibrer les concentrations de nucléotides dans le milieu (voir Article 4, p.161) en milieu DMEM sans rouge phénol ni SVF.

Anticorps et réactifs

L’anticorps anti-ANT (N-19, anticorps polyclonal de chèvre) provient de Santa Cruz. L’anticorps secondaire âne anti-IgG de chèvre-FITC provient de Beckman Coulter. Le contrôle négatif est un anticorps polyclonal de chèvre anti-Ig de souris (Clinisciences). Le marquage et l’analyse par cytométrie de flux ont été effectués comme décrit précédemment (voir par exemple Résultats I, section 3.2, p.112). Le kit ATP CLSII (Roche) a été utilisé selon les instructions du fournisseur. L’Ap5A (Diadénosine pentaphosphate, inhibiteur de l’AK) et l’acide bongkrékique (AB, inhibiteur de l’ANT) proviennent de Sigma Aldrich.

Mesure de la conversion ADP Æ ATP

1h après le passage des cellules en milieu DMEM sans rouge phénol les cellules ont été pré-incubées ou non pendant 10min avec les inhibiteurs séparément ou ensemble (Ap5A 10µM, AB 50µM). L’ADP (10µM) a été ajouté et les cellules ont été incubées 5min à 37°C. 50µL de surnageants ont été prélevés et 25µL de solution de luciférase ajoutés. La bioluminescence a été acquise et analysée comme décrit précédemment (voir Résultats III, section 3.2, p.151).

Résultats IV : Métabolisme nucléotidique extracellulaire

3.3) Résultats et discussion

L’analyse par cytométrie de flux montre que l’ANT est exprimée à la surface des cellules Daudi, bien que le marquage soit relativement faible (Figure 22A). L’ANT interagissant avec l’ATP synthase dans la mitochondrie, son expression à la surface avec l’Ecto-F1-ATPase n’est donc pas inattendue.

Figure 22. Expression de l’ANT en surface des cellules Daudi.

(A) Les cellules ont été marquées par l’anticorps contrôle (histogramme grisé) ou l’anti-ANT (histogramme en ligne pleine) puis par l’anticorps secondaire et analysées par cytométrie de flux. (B) Les cellules ont été incubées en présence des inhibiteurs (Ap5A, 10µM ; AB, Acide Bongkrékique, 50µM) pendant 10min puis l’ADP (10µM, 150pmol) a été ajouté. Après 5min, les surnageants ont été prélevés et l’ATP dosé par bioluminescence. Les données représentent les moyennes de trois incubations +/- écart type et sont représentatives de trois expériences indépendantes.

Des résultats équivalents ont été obtenus avec la lignée K562 et des hépatocytes primaires humains.

Nous avons également étudié la fonctionnalité de l’ANT exprimée à la surface (Figure 22B). Comme pour les hépatocytes, l’ajout d’ADP entraîne une augmentation rapide de la présence d’ATP à la surface des cellules, qui de façon reproductible correspond à environ 10% de l’ADP fourni. Environ 50% de cette production est inhibée par l’Ap5A, indiquant que l’AK joue un rôle majoritaire. Elle est également réduite par l’ajout d’acide bongkrékique (AB) et

Résultats IV : Métabolisme nucléotidique extracellulaire

cette inhibition est plus marquée lorsque l’AK est inhibée, suggérant que l’inactivation de l’ANT est partiellement compensée par l’AK. Ces résultats sont en faveur d’une expression de l’ANT à la surface des cellules et de son implication dans la conversion de l’ADP en ATP. Ils pourraient être confirmés par des études biochimiques, par exemple par biotinylation et précipitation des protéines de surface. L’inhibition par l’Ap5A et l’AB n’est toutefois pas totale. Les NDPK n’étant à priori pas actives constitutivement (Article 4, p.159), cette activité résiduelle provient probablement d’autres enzymes ou transporteurs.

En conclusion, nos résultats sur l’étude du métabolisme nucléotidique à la surface de divers types cellulaires confirment que l’Ecto-F1-ATPase n’est pas impliquée dans la production d’ATP observée après incubation des cellules avec de l’ADP et qu’elle possède donc uniquement une activité de type hydrolase. Cette conversion est majoritairement due à une activité de type AK, et de façon moindre à l’ANT. Cette étude pourrait ouvrir des perspectives intéressantes pour l’étude de la reconnaissance des cellules tumorales par les lymphocytes T Vγ9/Vδ2. Nous n’avons pas à l’heure actuelle de données expérimentales en faveur d’une implication de l’activité enzymatique de l’Ecto-F1-ATPase dans l’activation de ces lymphocytes par les phosphoantigènes. En recvanche, les données relatives à l’ANT fournissent des éléments potentiellement intéressants pour l’étude des mécanismes de présentation de ces antigènes. L’ApppI a originellement été décrit par les auteurs qui l’ont identifié comme un inhibiteur de l’ANT puisqu’il diminue le transport d’ATP radiomarqué dans des mitochondries isolées (252). On pourrait également émettre l’hypothèse que l’ApppI est transporté par l’ANT et entre donc en compétition avec l’ATP. L’ANT pourrait ainsi être impliquée dans l’internalisation de ce phosphoantigène nucléotidique.

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Discussion générale et Perspectives

Nos résultats sur l’interaction entre l’Ecto-F1-ATPase et le CMH-I ainsi que sur l’ApppI fournissent de nouveaux éléments importants permettant une meilleure compréhension de la reconnaissance des cellules tumorales par les lymphocytes T Vγ9/Vδ2. Ils sont également les premiers à proposer une molécule de présentation des phosphoantigènes. Les propriétés uniques des dérivés nucléotidiques de ces antigènes en font des molécules potentiellement intéressantes pour le développement de protocoles d’immunothérapie anti-tumorale basés sur l’utilisation des ces lymphocytes. Nos travaux ouvrent également de nombreuses perspectives de travail qui permettront de caractériser de manière encore plus précise les molécules et mécanismes moléculaires impliqués dans cette reconnaissance. Ce chapitre sera destiné à la discussion générale de nos résultats ainsi que les futurs travaux qui peuvent être envisagés.

1) Interaction entre CMH-I et Ecto-F1-ATPase

1.1) HLA-B et autres partenaires potentiels

L’étude des isotypes impliqués dans l’interaction avec l’Ecto-F1-ATPase a été basée sur les résultats des expériences de co-immunoprécipitation initialement obtenus (Article 1, p.106) avec la lignée Raji. Ceci a restreint nos recherches aux isotypes de CMH-Ia ainsi qu’à HLA-E. HLA-B est le seul isotype à masquer de façon significative les épitopes de l’Ecto-F1- ATPase et à réduire fortement l’activation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2. Il semble donc être un partenaire préférentiel de l’Ecto-F1-ATPase. Le fait que nous n’ayons pas pu détecter l’expression de l’Ecto-F1-ATPase à la surface de cette lignée après diminution de l’expression de HLA-B à l’aide d’ARNi suggère que l’Ecto-F1-ATPase pourrait interagir avec d’autres molécules de CMH-I ou apparentées (MICA/B ou les protéines de la famille RAET). Bien que les données obtenues par traitement à l’acide suggèrent que les candidats potentiels sont associés à la β2m, l’implication de ces molécules non associées à la β2m mérite d’être

Discussion générale et Perspectives

explorée. Ceci pourra être effectué par transfection de ces molécules dans la lignée K562 que nous avons utilisée pour l’étude des isotypes de CMH-I et qui s’avère être un bon modèle.

HLA-E est également un candidat intéressant. Comme mentionné précédemment, il est reconnu par CD94/NKG2A, un iNKR jouant un rôle important dans la régulation de l’activation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2. N’ayant pu obtenir d’expression de HLA-E dans nos transfectants, il sera nécessaire de poursuivre les expériences avec cet isotype, soit en améliorant les taux d’expression par l’utilisation d’autres vecteurs, soit par utilisation d’ARNi. HLA-E présentant des peptides issus des séquences d’adressage d’autres molécules de CMH-I, il est possible que celle de l’allèle HLA-B utilisé ne soit pas compatible. Il faudra donc envisager de co-transfecter HLA-E avec les autres isotypes clonés.

1.2) Implications fonctionnelles et physiopathologiques

L’interaction entre le CMH-I et l’Ecto-F1-ATPase renforce le statut de cette dernière comme « molécule immunologique » et joue probablement un rôle important dans le contrôle de l’auto-réactivité des lymphocytes T Vγ9/Vδ2. Les conséquences fonctionnelles de l’interaction entre l’Ecto-F1-ATPase et le CMH-I (inhibition de la stimulation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2) méritent donc des études approfondies. Comme mentionné précédemment, cette inhibition pourraient être due à l’activation des iNKR (ILT2 étant un candidat potentiel), et dans ce cas leur implication pourra être confirmée par l’utilisation d’anticorps bloquants. Alternativement, elle pourrait également résulter de l’inhibition directe de la liaison du TCR à l’Ecto-F1-ATPase par encombrement stérique. Nous disposons d’ADNc codant pour des chaînes Vγ9 et Vδ2 permettant la production de TCR soluble qui pourra être utilisé pour vérifier cette hypothèse.

Discussion générale et Perspectives

Le masquage d’épitopes de l’Ecto-F1-ATPase par le CMH-I suggère que l’interaction entre ces complexes implique les chaînes α et/ou β de l’ATP synthase, auquel cas 3 molécules de CMH-I peuvent potentiellement interagir avec un complexe d’Ecto-F1-ATPase. Ceci pourrait expliquer que cette dernière soit détectable malgré une expression modérée du CMH-I sur des lignées telles que RPMI-8226, HeLa ou HepG2 par exemple (Article 1, p.103). Il est donc envisageable que les deux mécanismes proposés précédemment puissent être impliqués en fonction de la densité de CMH-I présente à la surface des cellules.

L’interaction préférentielle entre HLA-B et l’Ecto-F1-ATPase pourrait être pertinente dans la pathogenèse de diverses maladies auto-immunes et inflammatoires telles que les arthrites réactives et ankylosantes, ainsi que la maladie de Crohn. Plusieurs éléments sont à prendre en compte dans cette hypothèse : i) les personnes portant des allèles de type HLA-B27 montrent une forte prédisposition pour ces pathologies (292); ii) HLA-B27 a été caractérisé pour sa propension à former spontanément des dimères (293) ; iii) une implication des lymphocytes T γδ dans le développement de ces maladies a été suggérée (294, 295). Il est donc envisageable qu’à cause de sa tendance à former des dimères, HLA-B27 ne soit pas capable d’interagir avec l’Ecto-F1-ATPase. Ceci pourrait faciliter l’activation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2 au cours du développement de ces pathologies.

Il est également possible que d’autres allèles HLA-B ne soient pas capables d’interagir avec l’Ecto-F1-ATPase. HLA-B51 par exemple est lié à une prédisposition pour la maladie de Behçet, dans laquelle une implication des lymphocytes T γδ a été suggérée (296). Ces hypothèses pourraient aisément être explorées en vérifiant si l’Ecto-F1-ATPase est détectable à la surface de cellules provenant de personnes porteuses de ce type d’allèles.

Discussion générale et Perspectives

1.3) Rôle du CMH-I dans l’expression de l’Ecto-F1-ATPase ?

Par analogie avec Skint1, qui est probablement impliquée dans l’expression du ligand du TCR Vγ5/Vδ1 chez la souris (55), il est possible que le CMH-I soit directement impliqué dans l’expression l’Ecto-F1-ATPase à la surface des cellules.

Toutefois la lignée Daudi, qui présente une forte expression de l’Ecto-F1-ATPase, n’exprime aucune molécule de CMH-Ia ni HLA-E de par sa déficience en β2m. Elle ne semble également pas présenter d’expression significative de MICA/B, ULBP-1, -2 ou -3 ((297) et données non montrées). Il est donc peu probable que ces protéines soient impliquées.

En revanche, il est très intéressant de noter que la chaîne invariante Ii, classiquement impliquée dans l’expression du CMH-II (fortement exprimé sur la lignée Daudi), joue également un rôle dans l’expression de CD1d et l’activation des cellules MAIT par MR1 (Introduction, Chapitre I, Figure 6, p.36 et section 3.2 p.38, respectivement). Bien que l’Ecto- F1-ATPase n’ait pas d’homologie avec ces molécules, il est possible que par analogie avec les autres systèmes de présentation antigénique, la chaîne Ii participe à son expression à la surface des cellules. L’utilisation d’ARNi dirigés contre la chaîne Ii devrait permettre de facilement vérifier cette hypothèse.

Comme discuté précédemment, la lignée 721.221 ne semble pas exprimer l’Ecto-F1- ATPase, ou à des niveaux trop faibles pour être détectés malgré une expression extrêmement faible du CMH-I (Article 1, p.103). 721.221 présente une forte expression d’HLA-F qui reste très majoritairement intracellulaire et dont la fonction exacte est toujours inconnue (244, 298). Si HLA-F est capable d’interagir avec l’Ecto-F1-ATPase, il pourrait retenir cette dernière dans un compartiment intracellulaire par lequel elle transite avant son expression à la membrane plasmique. Cette hypothèse pourrait ainsi expliquer que l’Ecto-F1-ATPase ne soit pas détectée à la surface de 721.221. L’inhibition de l’expression d’HLA-F dans la lignée 721.221 à l’aide

Discussion générale et Perspectives

d’ARNi, ou le clonage et la transfection de cet isotype de CMH-I dans la lignée K562 par exemple, devrait permettre de vérifier s’il induit une diminution de l’expression de l’Ecto-F1- ATPase.