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Quel que soit leur sous-type, tous les lymphocytes T sont caractérisés par l’expression du TCR, qui ne se limite pas au récepteur antigénique seul, mais comprend également les molécules de signalisation γ, δ, ε et ζ formant le complexe CD3 (Figure 3). Le type de récepteur antigénique (αβ ou γδ), l’expression (ou non) des corécepteurs CD4 ou CD8, ainsi que d’autres récepteurs, détermine le sous-type général ainsi que les fonctions d’un lymphocyte T donné. On sépare cette population en deux groupes, les lymphocytes T conventionnels (αβ), et les lymphocytes T non-conventionnels qui comprennent les lymphocytes T γδ, ainsi que les lymphocytes αβ de type NKT et les MAIT.

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Figure 3. Structure générale du TCR : Exemple du TCR αβ d’un lymphocyte T CD8+

On parle souvent du TCR comme étant l’association de deux chaînes αβ ou γδ, mais le TCR dans son ensemble comprend également les sous-unités CD3 (γ, δ, ε et ζ) portant des motifs de type ITAM et participant à la transduction du signal, en association avec de nombreuses kinases. Le TCR peut être également couplé (en fonction du type de lymphocyte T considéré) à un corécepteur de type CD4 ou CD8 renforçant l’interaction avec le CMH (de classe II ou I, respectivement).

Ici, le TCR d’un lymphocyte T CD8 reconnaît un peptide antigénique (en rouge) présenté par le CMH-I composé d’une chaîne lourde (CL) formée de trois domaines immunoglobuliniques α1, α2 et α3, et de la beta-2-microglobuline (β2m).

Le corécepteur CD8 interagit avec le domaine α3 (très conservé) tandis que le TCR reconnaît à la fois le peptide antigénique et les domaines α1 et α2 (présentant une importante variabilité) du CMH-I via des domaines appelés boucles CDR pour Complementarity Determining Region (CDR3 pour le peptide et CDR1 et 2 pour le CMH-I). La chaîne α du TCR reconnaît le domaine α2 du CMH-I ; la chaîne β, le domaine α1.

Encadré : structure tridimensionnelle du complexe TCR / CMH-I. Vert : CMH-I, Jaune : Peptide, Bleu et Rose : Chaînes β et α du TCR (2).

Les populations non-conventionnelles faisant l’objet de la section suivante, nous nous concentrerons ici sur des généralités sur les lymphocytes T et sur les sous-populations de lymphocytes T conventionnelles αβ.

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2.1) Développement

Les lymphocytes T se développent dans le thymus, à partir de progéniteurs lymphoïdes pluripotents (ETP, Early T cell Progenitors) provenant de la moelle épinière ou du foie. Ils sont appelés thymocytes une fois qu’ils sont entrés dans le cortex thymique, et qualifiés de Double Négatifs (DN) à ce stade car ils n’expriment pas les corécepteurs CD4 et CD8. Ce développement s’effectue par étapes clés, comprenant deux points de contrôle majeurs, les sélections positive et négative, pour former un répertoire T efficace et tolérant, c’est-à-dire qu’il ne doit pas reconnaître le « soi » comme étranger.

L’évènement initiant la différenciation des thymocytes est le réarrangement des gènes du TCR. Ces gènes sont morcelés et se composent de très nombreux segments géniques, appartenant à plusieurs groupes : V (Variable), D (Diversité), J (Jonctionnel) et C (Constant). Cette propriété est identique pour les TCR αβ ou γδ (les segments D n’existant néanmoins que pour les chaînes β et δ), et le BCR (et par extension les immunoglobulines). Les gènes du TCR étant morcelés, leur expression nécessite un mécanisme de remodelage génique irréversible particulier et unique aux gènes des récepteurs antigéniques, appelé recombinaison somatique (Figure 4). Dans tous les cas, elle fait intervenir les recombinases RAG-1 et -2 (Recombination Activating Gene) qui vont aléatoirement assembler un gène fonctionnel à partir d’un segment V, D, et J, dans l’ordre D+J puis V+DJ (ou V+J directement pour les chaînes α et γ). Le segment C ainsi que le peptide signal (L) seront quant à eux assemblés aux autres segments par épissage après la transcription (3). Ce processus étant aléatoire et basé sur une grande variété de segments géniques (Tableau 1), il permet d’obtenir une incroyable diversité de TCR différents. D’autres processus de la recombinaison introduisent une variabilité supplémentaire, en ajoutant ou en retirant des nucléotides au niveau des jonctions entre les segments V, D et J.

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Figure 4. Structure et recombinaison d’un locus TCR : Exemple de la chaîne β.

Adapté de (1)

Les recombinases RAG 1 et 2 effectuent la recombinaison des gènes du TCR dans l’ordre indiqué. Les autres segments J, D et C ainsi que les introns sont éliminés par épissage. Au niveau des jonctions, des endonucléases ainsi que des ADN polymérases et la Terminal deoxyribonucleotidyl Transferase (TdT) retirent ou ajoutent respectivement des nucléotides, ce qui contribue à la variabilité du TCR. Les segments sont assemblés aléatoirement et toutes les combinaisons sont possibles, bien que ne codant pas forcément pour un TCR fonctionnel.

Locus Localisation chromosomique V D J C

α 14q11.2 * 54 ** 0 61 1

β 7q34 64-67 2 14 2

γ 7p14 12-15 0 5 2

δ 14q11.2 * 8 ** 3 4 1

Tableau 1. Organisation des loci TCR

Ce tableau récapitule le nombre de segments géniques pour chaque locus TCR.

* Le locus δ est situé dans le locus α ** 5 segments V sont communs aux loci α et δ

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Une fois la recombinaison de la chaîne β effectuée, elle sera exprimée en surface avec une chaîne α provisoire et invariante (appelée pTα) et les thymocytes vont également exprimer les deux corécepteurs CD4 et CD8 ; ils seront alors qualifiés de « Double Positifs » (DP). Le réarrangement chromosomique de la chaîne α va ensuite avoir lieu, et les thymocytes pourront alors subir les sélections positive puis négative (Figure 5).

La sélection positive, qui se déroule également dans le cortex thymique, fait intervenir des cellules épithéliales qui vont présenter des peptides du soi aux thymocytes. Cette étape va permettre d’une part de déterminer si le TCR exprimé reconnaît le CMH de classe I (auquel cas le thymocyte deviendra CD8+CD4-) ou de classe II (CD8-CD4+) mais aussi d’éliminer les cellules incapables de reconnaître le CMH (4).

La sélection négative va quant à elle se faire au niveau de la medulla et implique des cellules présentatrices d’antigènes spécialisées (macrophages, cellules dendritiques, et cellules épithéliales thymiques). Elle permet l’élimination des thymocytes exprimant un TCR reconnaissant des peptides du soi, qui représenteraient un danger pour l’organisme en étant activés par des cellules normales. A la différence de la sélection positive, la mort des cellules T auto-réactives au cours de la sélection négative est donc un processus actif (5).

Une fois ces points de contrôle passés, les lymphocytes T matures vont sortir du thymus grâce à l’expression du marqueur de surface S1P1 et entrer dans la circulation sanguine puis lymphatique (6). Ils vont circuler en permanence entre les différents ganglions lymphatiques de l’organisme, jusqu’à rencontrer un antigène présenté par une cellule dendritique. Ils exprimeront alors des récepteurs aux chimiokines différents leur permettant d’atteindre le site de l’infection, tandis qu’ils perdront l’expression du récepteur CCR7, récepteur principal de la migration vers la zone T des ganglions lymphatiques.

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Figure 5. Principales étapes du développement des lymphocytes T et sélection thymique. (1) Les cellules souches hématopoïetiques destinées à se différencier en lymphocytes T (Early

T cell Progenitors ou ETP) entrent dans le thymus à la jonction cortico-médullaire. Les thymocytes transitent à travers le cortex thymique en passant par les divers stades DN au cours desquels les gènes du TCR sont réarrangés, pour aboutir au stade DP.

(2) Les thymocytes DP traversent alors un réseau de cellules épithéliales pour subir la

sélection positive, les cellules incapables de reconnaître le CMH étant éliminées car elles ne reçoivent pas de signaux de survie.

(3) Les thymocytes passent alors au stade SP (Simple Positif, CD4 ou CD8) et migrent dans

la medulla où ils interagissent avec des cellules présentatrices d’antigènes spécialisées (cellules dendritiques, macrophages…) pour passer la sélection négative, ceux reconnaissant le complexe peptide/CMH trop fortement étant éliminés.

(4) Enfin, les lymphocytes T terminent leur maturation environ quatre jours après l’entrée

dans la medulla et quittent le thymus via la circulation lymphatique ou sanguine grâce à l’expression du marqueur S1P1.

Adapté de (6).

2.2) Les sous-populations T conventionnelles

Comme mentionné précédemment, les lymphocytes T αβ conventionnels sont séparés en fonction du corécepteur qu’ils expriment (CD4 ou CD8) en deux groupes, qui sont dédiés à la reconnaissance d’une classe de CMH donnée (II ou I respectivement). L’expression de ces

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corécepteurs est indispensable car elle renforce entre autres rôles l’interaction entre le TCR et le CMH.

Les lymphocytes T αβ CD4+

reconnaissent des peptides antigéniques présentés par le CMH de classe II, provenant de protéines produites par des pathogènes extracellulaires. Ces lymphocytes, qualifiés d’auxiliaires (ou helpers) participent à la réponse immunitaire en modulant l’activation des autres populations via la sécrétion de cytokines. Ils peuvent par exemple stimuler l’activation des macrophages ou participer à la différenciation des lymphocytes B en plasmocytes sécrétant des anticorps.

Ils sont également classés en sous-populations en fonction du type de cytokines qu’ils produisent, appelées Th1 (généralement pro-inflammatoires comme l’IFN-γ), ou Th2 (généralement anti-inflammatoires comme l’IL-4). Ces deux sous-populations s’antagonisent, c’est-à-dire que les cytokines produites par les Th1 inhibent la différenciation des Th2, et inversement (7). Cette caractéristique fait qu’une réponse immunitaire est généralement très polarisée. Les lymphocytes T CD4+ Th1 activent généralement les macrophages, les neutrophiles (stimulation de la phagocytose) et les lymphocytes T CD8+, donc favorisent plutôt une réponse contre les pathogènes intracellulaires. Les lymphocytes T CD4+ Th2 activent plutôt les réponses dirigées contre les pathogènes extracellulaires, via les lymphocytes B, les éosinophiles et les mastocytes.

Plus récemment, une nouvelle sous-population, les lymphocytes Th17, a été identifiée. Leur développement est distinct et antagonisé par celui des sous-types Th1 et Th2. Ils sécrètent entre autres cytokines de l’IL-17, interviennent dans les réponses inflammatoires et participeraient également au développement de pathologies liées au système immunitaire, mais leur rôle exact est toutefois encore très mal connu (8, 9).

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Enfin, il existe un autre type distinct de lymphocytes T CD4+, appelés Treg (pour régulateurs), caractérisés par une forte expression du marqueur CD25 et par le facteur de transcription FoxP3 qui leur est spécifique (10, 11). Ces lymphocytes jouent un rôle dans l’induction de la tolérance périphérique (complétant la tolérance centrale mise en place par la sélection des lymphocytes T dans le thymus) et pourraient être un outil utile dans le traitement de l’allergie, ou pour prévenir le rejet de greffe. Ces lymphocytes sont par ailleurs probablement impliqués dans le développement tumoral, en inhibant les réponses immunitaires dirigées contre les cellules cancéreuses (12). Les lymphocytes Th17 et Treg pourraient également présenter des liens fonctionnels importants mais encore mal connus (13).

De nombreux pathogènes intracellulaires sont capables d’échapper à la destruction directe après leur phagocytose par les cellules de l’immunité innée. Le seul moyen d’éliminer ces pathogènes est donc de détruire la cellule infectée. Ce rôle est rempli en grande partie par les lymphocytes T CD8+ (dits cytotoxiques), qui sont pourvus d’une machinerie de lyse cellulaire, le système perforine/granzyme. Les protéines le composant sont stockées dans des vésicules dérivées des lysosomes dont le contenu est exocyté par les lymphocytes après reconnaissance du peptide dont ils sont spécifiques, présenté par le CMH de classe I. Le système perforine/granzyme conduit au final à une activation des caspases et donc à l’apoptose des cellules ciblées. Les lymphocytes T CD8+ sont également capables d’induire l’apoptose en exprimant FasL, qui active son récepteur Fas s’il est exprimé par la cellule cible (14). Ces lymphocytes sécrètent également de nombreuses cytokines pro-inflammatoires telles que l’IFN-γ favorisant donc la réponse dirigée contre les pathogènes intracellulaires. Pour finir, les lymphocytes T CD8+ disposent eux aussi d’une sous-population régulatrice encore mal caractérisée, dont le rôle serait d’éliminer les lymphocytes T CD4+ auto-réactifs (15).

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Cette description des lymphocytes T conventionnels, bien que très résumée, montre leur rôle central dans la réponse immunitaire ainsi que leur grande diversité. Ils sont souvent considérés comme les chefs d’orchestre du système immunitaire de par leur capacité à communiquer avec les autres populations mais aussi à réguler leur activation ou leur différenciation en sécrétant de très nombreuses cytokines. Les lymphocytes T comptent également dans leurs rangs des populations particulières qualifiées de non-conventionnelles, plus rares, mais jouant un rôle extrêmement important au sein du système immunitaire.