• Aucun résultat trouvé

F 1 -ATPase protects ApppI from NPP activity

3) Métabolisme des phosphoantigènes

3.1) Mécanisme d’internalisation de l’ApppI

Nos résultats indiquent que l’ApppI possède la propriété unique, par rapport à l’IPP, d’être internalisé et présenté (« pulsé ») de manière très efficace aux lymphocytes T Vγ9/Vδ2 par de nombreux types cellulaires, dont les cellules dendritiques. Nous n’avons aucune donnée sur les modalités de capture de ce composé, hormis le fait qu’elles impliquent probablement un processus actif (Article 2, p.133). Par analogie avec la présentation de peptides antigéniques exogènes, ce mécanisme pourrait faire intervenir une étape d’endocytose suivie d’un processus complexe de routage intracellulaire. L’utilisation de multiples inhibiteurs de l’endocytose et du transport vésiculaire (Brefeldine A, Monensine, Oxyde de phenylarsine, colchicine pour en citer quelques uns) pour les expériences de « pulse » par l’ApppI peut être envisagée pour vérifier si de tels mécanismes sont impliqués. Il faudra néanmoins vérifier que ces inhibiteurs n’ont pas d’effet sur l’expression de l’Ecto-F1-ATPase à la surface des cellules.

Alternativement, l’ApppI pourrait être internalisé via un ou des transporteur(s) de nucléotides et un candidat particulier attire notre attention. L’étude du métabolisme nucléotidique extracellulaire nous a permis de mettre en évidence une expression de l’Adenosine Nucleotide Translocase (ANT, qui réalise l’échange entre ADP et ATP dans la mitochondrie) à la surface des cellules. Il pourrait participer à l’augmentation du niveau d’ATP extracellulaire après ajout d’ADP dans le milieu de culture (Résultats IV, section 3.3, p.170). L’ApppI a originellement été décrit par les auteurs qui l’ont identifié comme un inhibiteur de l’ANT puisqu’il diminue le transport d’ATP radiomarqué (252). Toutefois, leur étude a décrit une inhibition de ce transport d’environ 50% pour un ratio ApppI/ATP approchant 1. Ce résultat pourrait donc également s’expliquer par un transport de l’ApppI par

Discussion générale et Perspectives

l’ANT, qui entrerait donc en compétition avec celui de l’ATP. L’ANT est en effet capable de transporter certains analogues d’ATP (291). Son implication dans l’internalisation de l’ApppI par les cellules pourra être vérifiée par l’utilisation d’inhibiteurs spécifiques tels que l’acide bongkrékique.

Le devenir des phosphoantigènes nucléotidiques internalisés est un élément intéressant à explorer. Il pourrait notamment permettre d’identifier le(s) compartiment(s) intracellulaire(s) où la rencontre entre les phosphoantigènes et l’Ecto-F1-ATPase se déroule, et ainsi donner des indices sur le mécanisme d’expression de l’ATP synthase à la surface des cellules, qui reste complètement inconnu à ce jour. La synthèse d’analogues fluorescents de l’ApppI est envisageable et pourrait être réalisée à partir de dérivés fluorescents de l’ATP tels que l’e-aza- ATP ou le FTP dont les structures sont très proches de celle de l’ATP (http://mc11.mcri.ac.uk/atpanaloguestrucs.html). Il faudra toutefois vérifier que les dérivés fluorescents de l’ApppI synthétisés à partir de ces composés conservent les mêmes propriétés (hydrolyse par la NPP, activation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2, liaison sur l’ATP synthase et augmentation de son activité hydrolase). L’identification des compartiments intracellulaires pourra être réalisée par des expériences de co-localisation en microscopie confocale à l’aide de marqueurs spécifiques. Par exemple, des anticorps anti-EEA1 (Early Endosomal Antigen 1) et anti-M6PR (Mannose-6-Phosphate Receptor) pour les endosomes précoces et tardifs respectivement, anti-LAMP-1 (Lysosomal Associated Membrane Protein-1) pour les lysosomes, anti-calréticuline pour le réticulum endoplasmique (RE), et enfin le mitotracker, une molécule fluorescente spécifique des mitochondries.

Nous disposons également d’un variant de la lignée K562 (nommé K562 PVD) qui pourrait s’avérer utile pour l’identification de protéines impliquées dans l’internalisation de

Discussion générale et Perspectives

l’ApppI. En effet, bien que le traitement de cette lignée par des aminobisphosphonates entraine une activation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2, elle n’acquiert aucun potentiel stimulant après avoir été « pulsée » par de l’ApppI (données non montrées). Puisque ce variant exprime l’Ecto-F1-ATPase et qu’il est capable de présenter des phosphoantigènes produits de façon endogène, ceci suggère fortement qu’il est déficient pour l’internalisation de l’ApppI, ou son routage intracellulaire. La comparaison des transcriptomes de K562 et K562 PVD pourrait permettre d’identifier la ou les protéine(s) impliquée(s).

Ce variant semble également ne pas exprimer MRP5 à sa surface (données non montrées). Bien que les protéines de la famille MRP soient généralement impliquées dans l’efflux de molécules, il semble que certaines d’entre elles puissent également participer à l’influx de leurs substrats (301). Ceci pourrait donc être le cas de MRP5, et son rôle potentiel dans l’internalisation de l’ApppI devra être vérifié dans des cellules qui l’expriment (Daudi ou RPMI-8226 par exemple). L’utilisation d’ARNi en combinaison avec des analogues fluorescents de l’ApppI est envisageable pour démontrer le rôle de MRP5 dans l’internalisation des phosphoantigènes nuléotidiques. Alternativement, des anticorps anti- MRP5 pourraient être testés pour bloquer son activité.

Comme mentionné précédemment, l’apoA-I augmente la stimulation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2 par les cellules tumorales et semble augmenter l’interaction entre le TCR et l’Ecto- F1-ATPase (144). Par analogie avec le rôle de l’apoE dans le transport et l’internalisation des antigènes activant les lymphocytes NKT (25) on pourrait émettre l’hypothèse que l’apoA-I joue un rôle similaire dans le cas des phosphoantigènes. Nous avons toutefois observé que le « pulse » de phosphoantigènes nucléotidiques est nettement plus efficace en l’absence de sérum. Un rôle direct de l’apoA-I dans l’internalisation des phosphoantigènes est donc peu

Discussion générale et Perspectives

probable. Son implication dans le mécanisme de présentation des phosphoantigènes reste donc à clarifier.

3.2) Nucleotide pyrophosphatase

Nos résultats montrent qu’une activité de type Nucleotide PyroPhosphatase (NPP) est absolument requise pour que l’ApppI soit capable de stimuler les lymphocytes T Vγ9/Vδ2. L’ApppI est très peu actif en l’absence de NPP exogène ou de cellules tumorales, et cette activité « résiduelle » est largement diminuée en l’absence de sérum (données non montrées). Ceci suggère que cette activité ne provient pas des lymphocytes T Vγ9/Vδ2, mais des cellules cibles. 7 NPP (NPP1 à NPP7) ayant des différences de spécificité de substrat ont été identifiées jusqu’à présent (302). NPP6 et NPP7 hydrolysant des esters de phosphorylcholine, il est peu probable qu’elles soient impliquées. Les substrats de NPP4 et NPP5 ne sont pas connus. NPP1 à NPP4, mais pas NPP5, sont exprimées par un large spectre de tissus différents (276). Il faudra donc vérifier l’expression de ces enzymes dans les cellules qui internalisent et présentent l’ApppI de manière efficace, comme les lignées Daudi, K562 ou RPMI-8226. Il n’est pas exclu que plusieurs d’entre elles soient impliquées. La participation d’une NPP cellulaire dans le mécanisme de présentation des phosphoantigènes nucléotidiques pourra par la suite être confirmée par l’utilisation d’ARNi.

Il faut noter que contrairement à une réponse directe, la stimulation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2 par des cellules tumorales prétraitées par l’ApppI n’est absolument pas modifiée par l’ajout d’apyrase (Article 2, p.133). Ceci suggère qu’une fois la conversion ApppI Æ IPP effectuée, nécessaire pour l’activation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2, l’IPP est protégé des phosphatases classiques. Cette conversion se déroule donc probablement de manière très localisée et contrôlée. On pourrait même émettre l’hypothèse qu’elle est effectuée par l’Ecto-

Discussion générale et Perspectives

F1-ATPase elle-même, ou le TCR, voire la combinaison des deux. Néanmoins, nous n’avons pas pu observer de production d’IPP à partir d’ApppI in vitro par ces molécules, seules ou en combinaison (Résultats III, section 3.3, p.154 et données non montrées). De plus, nous n’avons pas observé de diminution significative de la quantité d’ApppI détectée par HPLC après son incubation avec des cellules tumorales et/ou des lymphocytes T Vγ9/Vδ2. Toutefois, nos résultats sur la présentation de l’ApppI par des billes recouvertes d’ATP synthase (Article 3, p.148) suggèrent qu’une concentration de l’ordre du nM, très loin d’être détectable par cette méthode, est suffisante pour activer les lymphocytes T Vγ9/Vδ2 dans ces conditions. L’ApppI radiomarqué, qui permettrait l’utilisation de méthodes de détection beaucoup plus sensibles que la mesure de l’absorbance à 260nm, devrait permettre de vérifier cette conversion par les cellules.

Enfin, il n’est pas exclu que dans le cas du « pulse », l’ApppI ne soit pas converti en IPP, mais qu’il puisse être modifié et lié de façon stable (voire covalente) à l’Ecto-F1-ATPase avant son expression à la surface des cellules. Ceci pourrait alors expliquer que les enzymes (NPP et apyrase) ainsi que le PPADS (inhibiteur des NPP) n’aient pas d’effet sur la stimulation par les cellules « pulsées », ou qui activent spontanément les lymphocytes T Vγ9/Vδ2 (Article 2, p.133 et données non montrées). Un moyen de vérifier ou infimer cette hypothèse sera d’utiliser de l’ApppI radiomarqué et de vérifier par immunoprécipitation, western blot et autoradiographie si des chaînes de l’ATP synthase sont ainsi radiomarquées.

3.3) Autres phosphoantigènes et dérivés nucléotidiques

Il sera nécessaire de vérifier si nos résultats s’appliquent à d’autres phosphoantigènes, par exemple des dérivés de l’IPP synthétisés à partir de nucléotides différents, ou des dérivés nucléotidiques d’autres phosphoantigènes. Les antigènes de type NpppI devraient possèder les

Discussion générale et Perspectives

mêmes propriétés. Ceci n’invaliderait d’ailleurs pas l’implication de l’Ecto-F1-ATPase dans le mécanisme de leur présentation, puisque l’ATP synthase est capable d’hydrolyser (donc de lier) d’autres nucléotides que l’ATP, bien que de manière moins efficace (303). De plus, de nombreux analogues de nucléotides capables de lier les sites nucléotidiques sont souvent utilisés dans les études de la structure tridimensionnelle de l’ATP synthase.

En ce qui concerne les autres phosphoantigènes, un candidat évident est l’HDMAPP (ou HMBPP) puisqu’il semble être un antigène majeur impliqué dans la reconnaissance de nombreux pathogènes intracellulaires et qu’il a une activité biologique bien supérieure (environ 1000 fois) à celle de l’IPP. Ce phosphoantigène « classique » est un des rares à pouvoir être « pulsé » de manière relativement efficace, mais ceci est très probablement dû à son très fort potentiel activateur. Par exemple, une publication récente a montré que le « pulse » de cellules par de l’HDMAPP permet la liaison d’un tétramère de TCR Vγ9/Vδ2 fluorescent à la surface de ces cellules (159). Néanmoins, une concentration de l’ordre de la centaine de nM a été utilisée dans cette étude, très largement supérieure à la concentration active de l’HDMAPP (EC50 de l’ordre de 0.1nM). L’HDMAPP pourrait être capable, contrairement à l’IPP, de lier l’Ecto-F1-ATPase de façon relativement stable. Nous avons récemment obtenu cet antigène et il sera donc possible de déterminer s’il peut lier l’ATP synthase immobilisée sur des billes afin d’activer les lymphocytes T Vγ9/Vδ2 par les méthodes que nous avons utilisées précédemment. Il faudra également vérifier si l’HDMAPP est capable de moduler l’activité ATPase de l’enzyme, comme c’est le cas pour l’ApppI.

Nous avons observé que la stimulation directe des lymphocytes T Vγ9/Vδ2 par l’IPP peut être partiellement augmentée par l’ajout de NPP, et partiellement inhibée par l’ajout de PPADS (données non montrées). Ceci suggère donc que l’IPP peut être partiellement converti

Discussion générale et Perspectives

en dérivé nucléotidique à l’extérieur des cellules. Ceci pourrait donc être également le cas de l’HDMAPP qui serait ensuite internalisé ou se lierait à l’Ecto-F1-ATPase. L’HDMAPP étant bien plus actif que l’IPP, leurs dérivés nucléotidiques respectifs présentent probablement les mêmes différences d’activité biologique.

La conversion de l’IPP en ApppI a été attribuée à une activité de type aminoacyl-tRNA- synthase (252). Des travaux récents indiquent que la lysyl-tRNA-synthase peut être sécrétée et se lier à la surface des cellules (304). De plus, EMAP II (Endothelial Monocyte-Activating Polypeptide II), un peptide issu de p43, une protéine faisant partie des complexes aminoacyl- tRNA-synthase, a été décrit comme étant capable d’interagir avec l’Ecto-F1-ATPase (305). Ceci suggère donc un lien potentiel entre ces deux complexes. L’implication de la lysyl- tRNA-synthase dans le métabolisme extracellulaire des phosphoantigènes pourra être explorée par l’utilisation d’inhibiteurs, ou d’ARNi si la survie cellulaire n’est pas compromise.

4) Interactions entre phosphoantigènes, Ecto-F1-ATPase et TCR Vγ9/Vδ2

4.1) Liaison de l’ApppI sur l’Ecto-F1-ATPase

Nos données sur la modulation de l’activité hydrolase de la F1-ATPase par l’ApppI (Résultats III, section 3.3, p.153) suggèrent que ce dernier se lie aux sites non-catalytiques de l’ATP synthase. Il serait utile de vérifier si le pyrophosphate, qui lie ces sites non- catalytiques, est capable d’inhiber la liaison stable de l’ApppI sur l’ATP synthase immobilisée sur des billes dans les tests d’activation des lymphocytes T Vγ9/Vδ2.

Nous n’avons pas de preuve expérimentale directe de la liaison de l’ApppI sur l’Ecto-F1- ATPase. L’utilisation de la Résonance Plasmonique de Surface n’est pas envisageable étant donné le poids moléculaire très faible de l’ApppI (575Da) comparé à celui de l’ATP synthase ou même de la F1-ATPase (environ 580kDa et 370kDa, respectivement). Deux autres