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Le rôle des écosystèmes lacustres et des zones humides dans les espaces insulaires du sud-ouest de l'océan Indien

Conclusion partielle :

Chapitre 3.3. Observations des écosystèmes des lacs insulaires

3.3.1. Le rôle des écosystèmes lacustres et des zones humides dans les espaces insulaires du sud-ouest de l'océan Indien

Les écosystèmes insulaires constituent des entités tout à fait spécifiques à l’échelle mondiale. Leur isolement géographique, relatif à l’échelle humaine, a permis aux espèces présentes de développer leurs propres caractéristiques quand les conditions y étaient favorables201. Ces espaces isolés sont considérés comme des réservoirs de biodiversité dans lesquels les phases de colonisation tant naturelles qu’anthropiques ont permis l’implantation et l’épanouissement d’espèces très diverses. L’hybridation des espèces endémiques, indigènes et exotiques a favorisé la biodiversité faisant de ces espaces en apparence clos et isolés de véritables laboratoires d’observation et d’analyse des écosystèmes.

Ces diverses espèces ont pu s’implanter dans les multiples faciès observables dans ces espaces insulaires favorisant le développement d’écosystèmes très variés. En effet les contrastes sont forts entre les écosystèmes marins, les écosystèmes de transition entre terre et mer comme les mangroves ou les lacs côtiers et les écosystèmes terrestres se développant sur les flancs des volcans, dans les dépressions fermées ou même sur les quelques pitons rocheux. L’ensemble de ces paysages naturels ne peut plus s’envisager sans l’empreinte humaine, d’autant plus forte dans les espaces insulaires, où le manque de place pousse à l’implantation d’activités dans des zones souvent inadaptées. L’exemple de l’île Maurice est flagrant en cela car la colonisation humaine a provoqué la disparition de l’essentiel de ses forêts primaires (fig.64) remplacées progressivement par des

201 Demangeot.J, 1999, p284-285

champs de thé ou de canne à sucre202. Les écosystèmes primaires restant en place se trouvent alors restreints à des surfaces réduites dont seule la mise sous réserve permet de ralentir leur dégradation.

Les paysages insulaires sont donc une immense richesse de part leur variété mais ils s’avèrent aussi en danger face aux besoins de place grandissants.

Figure 64 : La déforestation de l'île Maurice (1772-1968)

Parmi ces entités paysagères, les zones humides constituent des zones fragiles du fait de leur rôle prépondérant joué au sein du cycle hydrologique. Leur importance est d’autant plus forte en milieu insulaire où les réseaux hydrographiques sont réduits et la ressource en eau douce s’avère prépondérante pour le maintien de la vie sur ces bouts de terre. En effet les zones humides ont de multiples rôles au sein des espaces insulaires. Au-delà d’être de véritables régulateurs pour les transferts hydrologiques, elles constituent de véritables filtres pour les eaux douces grace à leurs écosystèmes permettant de restituer en mer des eaux épurées, limitant la pollution sur les côtes. Les

202 Cader Kalla.A, 2010, p20

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pressions exercées sur les littoraux par les Hommes pour l’implantation d’activités provoquent la réduction voire la disparition de ces zones d’interface dont le rôle mal compris est réduit à de simples marécages nauséabonds. Le recul progressif de ces zones humides, corrélé à l’augmentation des activités sur le littoral favorise la dégradation des écosystèmes littoraux et le développement d’espèces dangereuses pour les Hommes comme le prouve la multiplication des attaques de requins sur la côte ouest de La Réunion203. Cette présence accrue des requins sur le littoral est en partie due à la disparition des zones humides qui ne peuvent alors plus filtrer les rejets en mer ce qui favorise la sédentarisation d’espèces de requins dit « bouledogue » qui s’acclimatent principalement dans les milieux dégradés. Malgré ces rôles majeurs, les zones humides occupent une part réduite dans les stratégies de protection et de développement des écosystèmes insulaires comme en atteste le recensement des entités paysagères remarquables dans lesquel à La Réunion comme à Mayotte aucune zone humide terrestre n’est répertoriée, l’intérêt étant se portant sur les massifs montagneux volcaniques et les lagons.

Pourtant, de nombreuses zones humides sont recensées sur ces espaces. La Réunion a effectué l’inventaire le plus abouti avec pas moins de 27 zones humides répertoriées en 2003, en 2009 puis en 2011204 par la DIREN et le Conservatoire botanique de Mascarin. Ces zones ont été classées selon une typologie distinguant les zones humides de montagnes, de collines et plateaux, les mares littorales et les mares alluviales. La mise sous protection de ces zones a permis et d’en conserver tout le potentiel écologique. Un même recensement est en cours à Mayotte afin d’identifier et surtout de cartographier les zones humides remarquables de l’île. D’ores et déjà certaines zones comme la vasière des Badamiers (photo.29), jusque là peu valorisées ont été reconnues pour leur intérêt écologique et inscrites dans le répertoire international de la convention de Ramsar. D’autres zones humides attendent d’être aussi reconnues comme les lacs Dziani Dzaha ou Karéhani ou les mangroves des baies de Bouéni et de Dzoumogné. Leur mise en réserve prochaine permettra d’en limiter les agressions sur leurs écosystèmes fragiles. Pour l’île Maurice, la situation est plus délicate car l’île regrouperait pas moins de 200 zones humides (ou wetlands) selon un rapport du Ministère de l’Environnement et du Développement durable205 mais très peu de lois sont censées les protéger et cette protection est d’autant plus fragile que ces zones humides se situent sur des terrains privés (144 propriétaires se partageraient 38 hectares). Ainsi 50% des zones humides du nord et de l’ouest ont disparu à un rythme de 1000m² par an face à la pression

marin de Blue Bay) ont rejoint la liste de la convention de Ramsar, le reste des zones humides est vivement exposé et la structure juridique (Wetlands Bill) ayant pour but de les protéger prend du temps à être mise en place. La situation des zones humides est donc très contrastée d’une île à une autre, malgré des pressions communes.

Photographie 29 : La vasière des Badamiers (Mayotte)

Au sein de ces zones humides, le lac occupe une place à part entière mais dont l’importance est souvent négligée. L’absence de lacs majeurs comme l’on peut en retrouver sur les espaces continentaux, réduit donc la vision du lac pour les sociétés insulaires à de petites entités souvent marécageuses au regard des lacs côtiers (Etang Saint Paul à La Réunion) ou à des zones humides intérieures réduites (Grand Bassin à Maurice) ou non pérennes (Grand Etang à La Réunion). Les autres entités lacustres identifiables dans les espaces insulaires sont donc des constructions humaines, à la base de simples réservoirs d’eau douce ex-nihilo (réservoir de Dzoumogné à Mayotte) ou des réservoirs supplantant des zones marécageuses existantes (Mare aux Vacoas à Maurice). Ces entités anthropiques développant des comportements lacustres et de véritables écosystèmes sont trop souvent réduites à leur usage premier de réservoir dédié à la consommation d’eau et à l’irrigation sans prendre conscience de leurs potentialités écologiques. En effet de part leur origine volcanique, ces espaces insulaires de l’océan Indien privilégient des éléments liés au volcanisme ou à ses conséquences comme les lagons. Le lac quelle que soit sa forme n’occupe qu’une place secondaire voire se trouve négligé malgré son rôle essentiel au sein de la problématique de la ressource en eau. Ce travail de recherche a donc aussi pour finalité d’en souligner la richesse et les caractéristiques propres pour qu’il occupe une place adaptée dans les stratégies de valorisation des paysages insulaires.

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