Les lacs hybrides (origine naturelle ayant subi une anthropisation)

Les lacs hybrides constituent un particularisme intéressant. Ils se composent au départ d’une entité naturelle (lac ou dépression humide) à laquelle les Hommes ont surimposé des aménagements de type digue afin d’accroître le niveau du plan d’eau. Ce type de situation originale reste encore rare en milieu insulaire mais donne naissance à des structures de grande ampleur comme le lac-réservoir de la Mare aux Vacaos à Maurice qui constitue le plan d’eau le plus vaste de l’île et de la région. Ce type de lac est voué à se développer pour répondre aux besoins grandissants des populations en eau douce. En effet les nombreuses dépressions liées à la structure géologique des îles offrent des opportunités pour créer de tels aménagements.

La Mare aux Vacoas est située au centre de l’île Maurice, c’est le principal réservoir de l’île et la plus vaste étendue d’eau des espaces insulaires du sud-ouest de l’océan Indien. Ce lac-réservoir d’une superficie de 560 hectares peut stocker plus de 25 millions de mètres cubes, ce qui en fait le principal réservoir de l’île¹¹⁶. Il doit son nom à un arbre endémique des Mascareignes, le vacoa, très présent dans cette partie de l’île. Le toponyme de « mare » doit certainement faire référence à l’aspect marécageux de la région lié à la présence d’un ancien lac de cratère en comblement. Situé dans les Plaines de Wilhems, près de Curepipe à une altitude de 569m, ce lac réservoir s’inscrit dans le cadre de ces plans d’eau insulaires intérieurs avec un bassin d’alimentation drainant 19,5km². Ce dernier reçoit en moyenne 3330mm d’eau par an, ce qui en fait la deuxième région la plus arrosée après les Midlands (5000mm). L’eau récoltée par ce réservoir-lac a pour fonction principale d’alimenter les milliers d’habitants des agglomérations du Plateau Central (Curepipe, Phoenix…).

La Mare au Vacaos peut être classée comme un lac hybride du fait de sa structure et de son histoire.

Ce réservoir est le plus ancien de l’île et a connu de multiples évolutions pour aboutir à sa structure actuelle. Ce plan d’eau doit son origine à un lac de cratère en comblement. La construction d’une digue sur la rivière des Tamarins en 1885¹¹⁷ a permis d’ennoyer l’ensemble de la zone marécageuse et de constituer un premier réservoir. Ce dernier a subi de multiples rehaussements (1892, 1915, 1922, 1928, 1961 et 1961) (tableau.5) avec la création de digues sur les différents exutoires de cette dépression et ainsi que la construction de canaux (Parc aux Cerfs Feeder Canal, Pradier Canal) pour capter l’eau d’autres bassins d’alimentation. L’ensemble de la structure de la Mare aux Vacoas a été entièrement réhabilité en 2000. Ce lac est donc délimité par quatre digues principales (Cogliano,

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Tamarin, Mare à Soulier et 2^ème déversoir) dont les deux premières sont des digues constituées de terres et d’enrochements alors que les deux dernières, plus récentes, sont des ouvrages maçonnés accueillant chacune d’elle des déversoirs de surface. L’ensemble du lac, du fait de son importance stratégique en matière de ressource en eau, est entouré de fils barbelés pour limiter l’accès en dehors des zones prévues à cet effet. De nombreux panneaux rappellent les interdictions présentes sur cette zone. L’idéen’étant pas forcément de protéger les écosystèmes lacustres qui auraient pu se développer mais bien de protéger la masse d’eau des éventuelles pollutions et des captages et pompages sauvages. Ces plans d’eau abritent aussi divers poissons introduits par l’Homme comme les Tilapias du Nil, des anguilles et des crevettes mais les visites de terrain nous ont permis d’observer divers pêcheurs, certainement présents d’une manière illégale s’adonnant à cette activité malgré des panneaux d’interdiction bien visibles.

Tableau 5 : Evolution de la capacité du réservoir de la Mare aux Vacaos de 1885 à 2013 Source : CWA

Années Capacité (Mm3)

1885 --

1892 2,58

1915 5,27

1922 15

1928 16,15

1961 27,63

1971 25,89

2013 25 ,89

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Figure 39 : Planche de présentation de la Mare aux Vacoas (Maurice)

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Figure 40 : Modèle numérique de terrain du réservoir de la Mare aux Vacoas (Maurice)

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L’évolution de la structure de ce réservoir permet d’appréhender la problématique de la ressource en eau du territoire mauricien. En effet, on constate que la taille des réservoirs mauriciens et leurs aménagements ne cessent de s’agrandir au fur et à mesure que la population croît. On observe un passage progressif des réservoirs de petite taille (inf ou proche des 10Mm3) construit avant les années 1950 (La Nicollière, Mare Longue…) à des réservoirs plus importants (sup à 15Mm3) comme celui des Midlands en 2002, pour répondre à des besoins grandissants. Les projets de construction des futurs réservoirs comme le barrage de la Rivière des Anguilles s’inscrit dans cette logique. La consommation en eau de l’île Maurice progresse plus rapidement que la construction des réservoirs ce qui provoque une situation de stress hydrique comme le montrent les variations de niveau de la Mare aux Vacoas. Ainsi, l’île a été fortement touchée par une sécheresse sur les années 2011-2012, ne permettant pas aux réservoirs d’atteindre des seuils de remplissage satisfaisants. En septembre 2011, la Mare aux Vacaos n’était remplie qu’à 35%¹¹⁸ de sa capacité avec un niveau de remplissage inquiétant, imposant les autorités locales à prendre des mesures de restrictions drastiques. La récurrence de ces cotes basses d’alimentation des réservoirs en particulier la Mare aux Vacaos a imposé au gouvernement mauricien, en particulier la Central Water Authority (CWA) d’envisager des situations de repli pour favoriser le remplissage des réservoirs et limiter la dépendance envers la Mare aux Vacoas¹¹⁹. La mise en place de projets d’interconnexion des réservoirs, prélude à une interconnexion des réseaux de distribution s’inscrit dans cette réflexion.

Les travaux ont été engagés dès 2011 mais le processus reste long avec la mise aux normes de structures vieillissantes. La Mare aux Vacoas est donc tout à fait représentative de la problématique hydrologique mauricienne. Sa structure complexe en fait un lac hybride dont l’intérêt scientifique est évident dans le cadre d’une recherche sur les lacs insulaires du sud-ouest de l’océan Indien.

Après avoir classifié puis présenté les différents lacs insulaires retenus dans le cadre de cette étude sur le sud-ouest de l’océan Indien, nous allons traiter des aspects méthodologiques employés afin de procéder à l’analyse des comportements lacustres.

118 source : CWA

119 Le Matinal, 18/01/2012