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Révisions de l’obscénité dans The Well Homosexualité et obscénité

II. LE SALE EST AILLEURS …

1. Révisions de l’obscénité dans The Well Homosexualité et obscénité

De nos jours encore, apposée au titre sur la couverture du roman, se trouve l'inscription « The bible of lesbianism » comme si elle résumait à elle seule le roman ou en formait la ligne de

force. Pour une certaine presse de l'époque dont The Sunday Express de Douglas se faisait

l'étendard en 1928, The Well est inacceptable : « an intolerable outrage - the first outrage of

the kind in the annals of English fiction »208, et son auteur un des chantres de l'ignominie : « the decadent apostles of the most hideous and most loathsome vices no longer conceal their

degeneracy and their degradation »209. La société ne peut réagir qu’en censurant le roman et

en rejetant l'homosexualité de manière inconditionnelle : « the novel forces upon our society […] the task of cleansing itself from the leprosy of these lepers, and making the air clean and

wholesome once more »210. Le vocabulaire religieux utilisé tout au long de l'article de

Douglas, visible dans ces deux extraits, montre que l'homosexualité s'apparente à un fléau intolérable pour la société et pour les chrétiens, ce que la justice semble confirmer aux yeux des contemporains de Radclyffe Hall. La démarche du juge consiste à vérifier que les pratiques homosexuelles évoquées dans le roman ne sont pas de nature à corrompre le public, mais il part du principe que ces pratiques sont ignominieuses :

these unnatural offences between women which are the subject of this book involve acts which between men would be a criminal offence, and involve acts of the most horrible, unnatural and disgusting obscenity. That is a fact which no one could deny. Therefore, if I find in this book that those practices are defended or in any way held out to admiration, no reasonable person could say that the book [...] is not an obscene publication211.

Or, à ses yeux, à aucun moment le roman ne les condamne :

there is not a single word from beginning to end of this book which suggests that anyone with these horrible tendencies is in the least blameworthy or that they should in any way resist them. Everybody, all the characters are presented to us as attractive people and put forward for

208 Douglas, « A Book That Must Be Suppressed », p. 36.

209Ibid, p. 37.

210Ibid.

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our admiration; and those who object to these vices are sneered at in the

book as prejudiced, foolish and cruel212.

Pire, il n’opposerait aucune résistance à cet horrible vice (« horrible vice »213) et dépeint positivement la sexualité lesbienne :

there is a much more serious matter, the actual physical acts of these women indulging in unnatural vices are described in the most alluring terms; their result is described as giving these women extraordinary rest,

contentment and pleasure214.

Avant de prononcer son verdict, le juge passe en revue les épisodes clés du roman qui relèveraient selon lui de l'obscénité. Essayant de nous placer du point de vue d'un « esprit

ouvert aux influences immorales »215, nous avions préalablement adopté la même démarche.

Ce procédé a certes ses limites, mais si Biron ne peut être tenu pour le représentant de la société de l'époque, il n'en exprime pas moins la pensée ultra conservatrice d'une partie de la population et de l'Establishment ; et si les valeurs du vingt et unième siècle ne peuvent toutes tenir en cette étude, elles y transparaissent nécessairement aussi. Il n'est pas aisé d'établir a posteriori ce qu'il peut y avoir d'obscène dans The Well. Toutefois, il semble que l’homosexualité en soit la clé de voute. Sa criminalisation à l'époque moderne le confirme.

Les relations lesbiennes paraissent tout aussi obscènes au juge Biron bien qu’elles ne soient

pas pénalisées. Il ne s’indigne pourtant pas du terme d’« inversion » dans le roman, sans doute

parce que le mot invertapparaît seulement quatorze fois et celui d’inversion six fois, ce qui

semble très peu, somme toute, pour une œuvre qualifiée de « bible du lesbianisme ». Plus que

l’individu, c’est la sexualité homosexuelle qui a valeur d'obscénité à ses yeux : il emploie d’ailleurs le mot invert216 une seule fois dans son verdict alors qu'il martèle l'ignominie de ces

pratiques sexuelles : les expressions unnatural practices217, unnatural offences218, horrible

practices219 ou unnatural vices220 et leurs variantes reviennent vingt quatre fois en huit pages. Il cite à l'appui de sa démonstration un certain nombre d'extraits du roman tirés de deux passages-clé qu'il nomme significativement « the Angela case » relatant la liaison entre

212Ibid, p. 42-3.

213Ibid, p. 42.

214Ibid, p. 43.

215Ibid, p. 41. Définition donnée de l’Obscene Publications Act.

216Ibid.

217Ibid.

218Ibid.

219Ibid.

72 Stephen et Angela qui aboutit à la rupture entre Stephen et sa mère Anna. Le « Mary incident » évoque quant à lui la relation entre Stephen et Mary entamée pendant la guerre et poursuivie pendant leur séjour à Orotava aux îles Canaries jusqu'à leur retour à Paris ; il inclut aussi l'arrivée de Martin, l’ami et prétendant rejeté de Stephen. Les expressions-clé que le juge relève convergent avec nos propres repérages. Elles ont toutes trait au champ du désir, de

la relation charnelle et du corps. Nos recherches se croisent ainsi sur les mots hunger221,

physical passion222, hot impulse223 et « it was good, good, good »224 auxquels s'ajoutent bien entendu leurs variantes. La satisfaction des plaisirs, l'assouvissement des besoins du corps sont décrits à maintes reprises dans le roman comme une nécessité pour se sentir épanoui. Cette philosophie tient en une phrase qui qualifie autant la relation de Stephen avec Angela

qu'avec Mary : « You know how I love you, with my soul and my body »225, philosophie bien

sobre au regard des extraits choisis par Biron. Cependant, comme le juge le reconnaît

lui-même 226 , c'est moins dans le vocabulaire qu'il faut chercher l'obscénité que dans

l'interprétation qui en est faite. Et c'est bien là que l'horizon d'attente et l’écart chronologique jouent à plein.

Aux yeux de Biron, il n'y a d'amour qu'hétérosexuel ; il ne peut donc supporter que

The Well mette sur un pied d’égalité l'amour entre Stephen et Angela et celui de ses parents. Un parallèle, ironique avec le recul, peut être établi entre fiction et réalité à travers le

jugement rendu par Biron et la position adoptée par le personnage d’Anna lorsqu’elle rompt

toute relation avec sa fille : autant que l’homme de loi, la mère fictionnelle ne peut accepter

que les sentiments de Stephen pour Angela soient considérés comme de l'amour : « this

unspeakable outrage that you call love »227. Selon elle, les mots employés par Stephen

devraient être réservés à l'amour entre hommes et femmes : « in that letter you say things that

may only be said between man and woman »228. Ces mots deviennent nécessairement

indignes s'ils sont prononcés par des inverties : « coming from you they are vile and filthy

words of corruption »229. Lorsqu’il commente les propos de Stephen, Biron s'exclame quant à

lui : « 'as my father loved you I loved'- this practitioner of unnatural vice! »230. Comme Biron,

221 Radclyffe Hall, The Well, p. 144.

222Ibid.

223Ibid, p. 145.

224Ibid, p. 204.

225Ibid, p. 199.

226 Biron, « Judgment » (1928), p. 40.

227 Radclyffe Hall, The Well, p. 203.

228Ibid.

229Ibid.

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le personnage d’Anna dénigre l’amour de même sexe en le transformant en un besoin physique aberrant : « you have presumed to use the word love in connection with this - with these lusts of your body; these unnatural cravings of your unbalanced mind and undisciplined

body »231. Le juge s'insurge d’autre part contre les propos de Stephen qui prétend qu'elle saura

aussi bien qu’un homme combler Mary et qu'elle pourra même pallier l'impossibilité d'avoir

des enfants par la force de son amour232. En réalité, il ignore totalement le contexte : Stephen

a tellement peur de perdre Mary à ce moment-là qu'elle tente seulement de se rassurer. Enfin, si le juge voit dans les quelques épisodes de bonheur charnel et spirituel une glorification de

l’« inversion », il feint d'ignorer la multitude de blessures et d'humiliations à laquelle sont

confrontées les inverties et qui menace de détruire les personnages plus fragiles tels que Mary. L’homme de loi poursuit sa récusation de l’homosexualité en étendant le champ de la sexualité à celui de la luxure et de l'adultère. Il estime ainsi que Stephen joue le rôle de

tentatrice auprès d’Angela et de Mary : « here is this girl [Stephen] indulging in these horrible

practices and endeavouring to induce a married woman to share these horrible practices with

her »233, indique-t-il à propos d’Angela. Il insiste ensuite lourdement sur l'innocence de Mary

que Stephen aurait corrompue en répétant en effet trois fois le terme debauch et deux fois

celui de victim234 pour désigner Mary. Le lecteur ne peut que s'inscrire en faux contre cette

interprétation. En ce qui concerne la relation entre Angela et la protagoniste, c’est Angela qui

explique dès leur rencontre fortuite qu'elle avait hâte de rencontrer Stephen dont elle a déjà retenu le nom. C'est encore elle qui initie leur premier baiser dans un élan incontrôlable : « and all that she was, all that she had been and would be again, perhaps even tomorrow, was fused at that moment into one mighty impulse, one imperative need, and that need was

Stephen »235. Angela est en outre décrite comme une manipulatrice qui comble son ennui

grâce à sa relation adultère, comparée d'ailleurs à une distraction : « her anodyne against

boredom »236. Lorsqu’elle choisit de tromper son mari avec Roger, elle utilise à nouveau

Stephen, cette fois afin de brouiller les pistes auprès d’un mari devenu soupçonneux. Enfin, elle continue à entretenir une relation avec Stephen dont elle reconnaît la loyauté et la fidélité en amour alors qu'elle est tout à fait consciente de ne pas l'aimer en retour : « she did not love

231 Radclyffe Hall, The Well, p. 204.

232 Biron, « Judgment » (1928), p.45.

233Ibid, p.43.

234Ibid, p.46-7.

235 Radclyffe Hall, The Well, p. 144.

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Stephen, she was quite sure of that, and yet the very strangeness of it all was an attraction »237.

À ce sujet, il est très intéressant de noter comment le juge Biron interprète la scène où Angela montre la lettre de Stephen à son mari et provoque la rupture entre mère et fille. Aux yeux du

juge, la terrible blessure (« shamefully wounded »238) qu’Angela inflige à Stephen ne

viendrait pas de sa tromperie, mais du fait que sa liaison a lieu avec un homme. Stephen se sent au contraire profondément blessée et trahie par celle qu’elle n'aurait jamais pu trahir239. D'autre part, concernant « the Mary incident », la rencontre entre Stephen et la jeune fille

apparaît inéluctable : « Fate was throwing them continually together […] they could not have

escaped this even had they wished to »240. En outre, comme avec Angela, l'initiative de la

relation revient à Mary tant dans les mots que dans les gestes. Elle pousse par exemple Stephen à s'abandonner à leur amour lorsqu'elles séjournent à Orotava. Pourtant, le juge Biron continue à fustiger le personnage principal qui se tourmente moins selon lui à propos des

effets physiques et moraux de l’« inversion » sexuelle que des conséquences sociales. Il

ignore une fois de plus le dilemme de Stephen qui choisit finalement de pousser Mary dans

les bras d’un homme afin d’assurer son bonheur. L’association de l’« inversion » sexuelle à la

luxure et à l'adultère semble ainsi tomber puisque Stephen ne remet pas en cause le statut de

l'homme dans le mariage. Elle fait au contraire l’éloge du mariage comme en témoigne cette

question d’Angela qui devient un leitmotif du roman : « Could you marry me, Stephen? »241.

Stephen est cruellement blessée de ne pas pouvoir se marier, c’est-à-dire aussi de ne pas pouvoir protéger sa bien-aimée par la reconnaissance de leur amour : « for she wanted to lift the sleeping woman in her arms and carry her in through those gates; and carry her in through the heavy white door; and carry her in up the wide, shallow staircase, and lay her down on her

own bed, still sleeping, but safe in the good care of Morton »242.

L'indignité des inverties ne fait pas de doute aux yeux du juge Biron, l’autorisant à

dénigrer l’implication de la protagoniste dans l'unité ambulancière pendant la guerre. Il

provoque ainsi la réaction ulcérée de Radclyffe Hall qui y voit une atteinte à toutes les femmes ayant participé à l’effort de guerre auxquelles The Well rendait hommage. Il ignore cependant l’indignité à laquelle les homosexuels sont contraints dans le roman. Rejetée par ses frères, Wanda sombre dans l’alcool tandis que les homosexuels parisiens noient leur 237Ibid. 238Ibid, p. 206. 239Ibid, p.44. 240Ibid, p. 287. 241Ibid, p. 149. 242Ibid, p. 193.

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isolement forcé dans des bars sordides. La notion d’obscénité se met à recouvrir la saleté et la

débauche porteuses de maladies. Dans The Well, est ainsi déployé tout le champ lexical de la

maladie relié à l'homosexualité. L'« inversion » est une « affliction »243 touchant « the terrible

nerves of the invert »244et souille ou rend malade l’invertie et son entourage : sick, soiling,

mad245. La mort du personnage de Barbara pourrait s'interpréter comme la conséquence d'une

double maladie, celle des bronches et de son « inversion ». Cette maladie semble même contagieuse puisque Lady Massey s'en protège, suscitant le commentaire plein d'amertume de

Mary : « so afraid were they of contamination »246. Ceci nous amène au dernier point soulevé

par Biron dans son verdict sur l'impossibilité pour les homosexuels de rejoindre le royaume de Dieu : « I confess the way in which the Deity is introduced into this book seems to me

singularly inappropriate and disgusting »247. Radclyffe Hall rapproche en effet le vocabulaire

de la maladie de celui du péché et de la souillure : l’« inversion » étant décrite comme une

maladie, il n’y a qu’un pas pour en faire le stigmate infâmant et dangereux de l’invertie. Est

ainsi déclinée toute une variation sur les termes stain, shame, soil qui représentent à eux trois

soixante et onze occurrences ; on trouve également debase, defile ou encore abominate. La

souillure réduit les êtres à l'état d'animal ou d'objet : quand Stephen n’est pas réifiée ou

qualifiée de creature248, de freak249 ou de thing, en particulier par le mari d'Angela, elle se

dénigre elle-même du fait de son « inversion » ; c’est le cas lorsqu'elle presse Angela de

quitter Ralph : « as one who was altogether unworthy: 'I'm a beast, forgive me, I'm all, all

wrong '»250. Le registre utilisé associe « inversion » et souillure si bien que le juge Biron

s’autorise à considérer contrenature et sacrilège251 la relation entre deux femmes. C’est la raison pour laquelle il rejette l’association entre la sexualité et la nature faite tout particulièrement à Orotava où Stephen et Mary s'abandonnent sans retenue : « its garden, a veritable Eden of a garden; obsessed by a kind of primitive urge towards all manner of

procreation »252. L’homme de loi s'insurge en outre contre les propos qui entament le chapitre

de leur liaison nouvelle : « A strange, though to them a very natural thing it seemed, this new 243Ibid,p.394. 244Ibid. 245 Respectivement 38, 4 et 20 occurrences. 246Ibid, p. 404. 247 Biron, « Judgment » (1928),p.48.

248 Quatre vingt neuf occurrences, ce qui représente le deuxième nombre maximum d’occurrences dans le champ du Sale.

249 Huit occurrences.

250 Radclyffe Hall, The Well, p. 146.

251 « Natural and sacred! », Biron, « Judgment » (1928), p.44.

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and ardent fulfilment »253 ; il n'y voit que luxure : « two people living in filthy sin at

Orotava »254. Il réprouverait sans doute aussi la relation entre les deux protagonistes

écossaises exilées en France qui s'aiment depuis l'enfance d'un amour évident : « that was how it had been, the entwinings of saplings, very simple, and to them very dear, having nothing

mysterious or strange about it except inasmuch as all love is mysterious »255. Au même titre

que Biron ne peut tolérer la reconnaissance des homosexuels par le christianisme, il vilipende la moindre demande de reconnaissance sociale émanant du roman. C'est la raison pour laquelle il dénonce le salon parisien de Valérie Seymour qui permet à Radclyffe Hall d’imaginer un monde où les homosexuels seraient reconnus par l'ensemble de la société. Le juge Biron considère Valérie comme la plus pervertie des protagonistes parisiens, la

rapprochant même d'une tenancière de bordel256. À ceux que Valérie traite d’idiots parce

qu’ils ignorent ce qu’est l’homosexualité257, il oppose la respectabilité de tous ceux qui jugent l'homosexualité immorale :

There is a plea for existence at the end. That of course means a plea for existence in which the invert is to be recognized and tolerated, and not treated with condemnation, which they are at present, by all decent people258.

Peu lui importe que les homosexuels du roman trouvent refuge dans ce salon contre les mensonges qu'ils sont forcés de dire afin d’éviter l'opprobre. Cela explique également

pourquoi il prétend qu'Angela a été séduite par Stephen et refuse d’admettre la droiture de

Stephen qui est la première, et la seule, à vouloir révéler la vérité259. Il n'en reste pas moins

que, parti de la définition spécifique d’obscénité, le juge Biron lui-même a dû opérer un glissement et intégrer à cette notion celle de la maladie ou du péché. Or l’aversion physique des homosexuels face aux comportements indignes qu’ils sont forcés d’adopter260 fait écho à celle qu'éprouvent certains citoyens fictionnels contre l'homosexualité, déplaçant ainsi

253Ibid, p. 317.

254 Biron, « Judgment » (1928), p.46.

255 Radclyffe Hall, The Well, p. 357.

256 « a tradeswoman of that kind », ibid, p.47.

257 « The fools who still ignored Nature », Radclyffe Hall, The Well, p. 413.

258 Biron, « Judgment » (1928), p. 48.

259 « But I can't go on lying about you to Ralph, I want him to know how I adore you - I want the whole world to know how I adore you », ibid, p. 148.

260L’aversion de Stephen s’exprime en des termes évoquant la maladie : « lies, always lies! [...] She was suddenly seized with a kind of horror, she felt physically sick at what she was doing »260. Son sentiment est partagé par les personages de Jamie et Barbara humiliées de vivre dans l'opprobre : « the knowledge that the people to whom they belonged - good and honest people - both abhorred and despised them [...] proved very bad housemates for sensitive souls like Barbara and Jamie », ibid, p. 401.

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l’indignité vers les hétérosexuels par un procédé paradoxal d’inversion. La métaphore du

poison utilisée par Douglas et Biron, mais aussi par Radclyffe Hall permet d’en finir avec les

préjugés des deux hommes : si le poison moral détruit l'individu261, le venin de l'opprobre ne

le détruit-il pas aussi, forçant chacun insidieusement262 à redéfinir le contenu et les effets du

poison ? L'obscénité ne proviendrait-elle pas plutôt de la dégradation morale ? « [A]nd always these people must carry that lie like a poisonous asp pressed against their bosoms; must

unworthily hide and deny their love, which might well be the finest thing about them »263.

1.2. Sale et misère morale

La misère morale provient d'abord de la pauvreté décrite comme un combat physique épuisant

en vue de survivre264. Les besoins vitaux insatisfaits, le corps souffre et perd ses forces,

conduisant parfois à une dégradation encore plus grande telle que la prostitution. Dans une scène courte mais rendue intense par un effet de retardement, Angela confie son passé new yorkais à Stephen. Née d’une famille riche, Angela perd rapidement sa mère puis son père qui l’abandonne sans lui laisser aucune ressource. Le récit empreint de pathos insiste sur la