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LA DISTANCE GÉOGRAPHIQUE 1.Écart et périphérie

PREMIÈRE PARTIE : LE SALE OU LES ESPACES ABJECTÉS

CHAPITRE 1 : LA DISTANCE SOCIALE ET GÉOGRAPHIQUE

II. LA DISTANCE GÉOGRAPHIQUE 1.Écart et périphérie

Les incipits de The Well, The Master of The House et The Sixth Beatitudeplacent d’emblée le

lieu décrit dans un écart. Les premiers mots de l'incipit de The Well inscrivent Morton, le

domaine où vivent Stephen et ses parents, comme un espace à l'écart du village, d’Upton

-on-Severn ou des Malvern Hills : « not very far from Upton-on--on-Severn »110. Morton est

également traversé par une rivière qui alimente deux lacs différents : « a stream that forks in

exactly the right position to feed two large lakes »111. Dans The Master of The House, la ville

portuaire de Saint-Loup apparaît dans une courbe de la côte qui semble à part tant elle est protégée. Non seulement elle bénéficie d’une position privilégiée (« in a quiet curve of the coast […] on a stretch of that coast » 112) où le climat est particulièrement favorable :

« cleansed by strong winds and purified by sunshine »113, comme l’atteste le champ lexical

directement inverse de celui du Sale. Cette ville est également protégée par le calme qui y

règne (« quiet », « seldom if ever visited »114) et le refuge qu’elle semble enfin offrir contre

d’éventuels visiteurs (« if ever visited by strangers »115). Les quatre premières lignes dessinent

110 Radclyffe Hall, The Well, p. 1.

111Ibid.

112 Radclyffe Hall, The Master of The House, p. 1.

113Ibid.

114Ibid.

146 ainsi un lieu quasi enchanteur. De la même façon, la tonalité de tout le premier chapitre de

The Well situe Morton dans un écart qu'on pourrait dire référentiel et plus seulement géographique car Morton est décrit comme le domaine merveilleux des contes pour enfants,

suggérant par là au lecteur de se méfier des apparences. L'accumulation du préfixe well dans

well-timbered, well-cottaged, well-fenced and well-watered dès la troisième ligne de l'incipit

est révélatrice, tout autant que la distance amusée que le narrateur prend avec ce récit d'une propriété idéale. Au fond, Morton est placé d'emblée dans un espace abjecté, à l'écart, à la fois par la distance géographique et la distance narrative qui en mine le merveilleux. Si Stephen éprouve un attachement très profond pour cette propriété jusqu'à la fin de son adolescence, elle s'y sent aussi de plus en plus opprimée, sans pouvoir longtemps en expliquer la cause :

elle met du temps à identifier et à nommer son inversion. En réalité, tant qu'elle n'‘habite’ pas

son identité sexuelle, Stephen peut habiter Morton, mais l'inversion et Morton ne peuvent cohabiter.

1.1. Espaces genrés, espaces domestiques

Morton est à la fois un espace abjecté et celui qui abjecte Stephen. Morton constitue un espace domestique inscrit dans la tradition victorienne et marqué par le modèle hétérosexuel. L'agencement intérieur est conçu pour séparer les hommes des femmes. En abordant les

divergences que le genre induit dans le couple, il est apparu dans The Forge que les rôles de

chacun déterminent des activités ainsi que des loisirs spécifiques, la gestion domestique et la peinture pour Susan, les finances et la littérature pour Hilary. La répartition genrée instaure

des espaces réservés : à la femme, l’espace intérieur parfois confiné du foyer ; à l’homme,

l’espace extérieur ouvert sur la société. Dans The Well, la pièce privilégiée et même emblématique du père de Stephen est le bureau tandis que sa mère possède un atelier de dessin éminemment féminin : l'intelligence, valeur jugée masculine, s'oppose aux loisirs

récréatifs. D'ailleurs, le manque d'éducation d’Anna l’exclut souvent du bureau tandis que le

seul héritage que Stephen est autorisée à récupérer de Morton après le décès de son père, ce sont ses livres. Morton apparaît donc comme un espace domestique trop rétrograde pour y inscrire l'inversion. C'est la raison pour laquelle Stephen doit rompre avec ses attaches géographiques et familiales et fuir, à Londres d'abord puis à Paris. C'est également le cas de ses amies homosexuelles, Wanda, Pat ou Jamie, qui ont dû s'exiler de leur terre natale. Le mot

exile, employé à maintes reprises116, semble même les définir. Chaque retour à Morton est

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ensuite marqué par des réticences très fortes et des tensions sous-jacentes entre Stephen et sa mère. Dès qu’elle quitte Morton, Stephen tente de reconstruire le foyer aimant et protecteur de

son enfance en lui ajoutant un espace de tolérance envers sa différence. Cette quête d’un foyer

anticipe à nouveau les propos d’Eribon à propos de la famille117. Selon lui, comme les homosexuels sont bannis de leur famille à cause de leur orientation sexuelle, ils chercheraient ardemment à en reconstruire une. Cette quête de ce qui est désigné sous le terme générique de

home. Compte tenu de sa connotation économique, le terme français de « foyer » ne semble

pas bien traduire le mot home, pas plus que le terme de « maison » trop spécifique. « Se sentir

bien chez soi » manquerait l’idée que home n’a de sens que dans le partage. C’est la raison

pour laquelle nous nous permettons de conserver le mot anglais. Home forme un thème

récurrent et éminemment significatif dans The Well où parvenir à trouver ce lieu qui est en

même temps un sentiment serait synonyme d’équilibre et d’harmonie retrouvés avec soi et les

autres. Pour autant, home constitue un topos marquant de nombreux romans parce qu'il

représente la quête personnelle de Radclyffe Hall et de ses personnages. Pendant son enfance, la romancière n'a pas connu de foyer stable: ballotée entre l'Amérique où elle est née puis l'Angleterre, entre sa grand-mère, sa mère et les compagnons de sa mère après que son père les a quittées, ou encore les étudiants de son beau-père qui venaient prendre leurs leçons chez elle, Radclyffe Hall était également isolée à la fois de sa mère avec qui elle ne s'entendait pas et de son père absent. Elle a ensuite construit des relations amoureuses particulières où elle devait souvent évincer le mari ou l'amant de ses compagnes pour devenir elle-même un partenaire exclusif. Il en va ainsi pour les deux figures marquantes de sa vie que sont Ladye et Una. Même installées avec ses compagnes, elle change très souvent de domicile, habitant tantôt la campagne tantôt la ville, rejoignant ses résidences d'hiver ou d'été, et voyageant régulièrement à l'étranger. De façon très symptomatique, ses caprices et sa dureté l'obligent à changer très souvent de domestiques et, par goût, elle redécore non moins régulièrement ses résidences. Quant à ses œuvres de fiction, elles témoignent toutes de cette recherche d'un

home réel ou symbolique qui viendrait compenser l'instabilité.

Dans The Forge, sur un ton léger et satirique, Radclyffe Hall explore les liens du

mariage ancrés dans le foyer et la domesticité. Aucun lieu n’y donne le sentiment de home.

Toutes les résidences testées se révèlent insatisfaisantes : Susan et Hilary découvrent une fois installés à la campagne qu'ils en connaissent mal le fonctionnement et risquent donc de se

117Il s’agit « de retrouver un ancrage familial perdu et peut-être de rétablir par ce moyen des liens avec la famille qu’on a quittée, ou même de se réinsérer dans la vie ‘normale’ en se réinscrivant dans la suite des générations », Eribon, Réflexions sur la question gay, p. 59.

148 ruiner ; de retour à Londres, ils se lassent bientôt de la superficialité des rapports entre les gens ; quand ils voyagent en France puis en Italie, ils sont incommodés par tous les désagréments du trajet et regrettent l'Italie de leur jeunesse où hospitalité et gentillesse

prévalaient. L'échec du sentiment d’avoir un foyer traduit aussi la difficulté de la domesticité,

de l'amour et du mariage, qui peuvent devenir des contraintes étouffantes et destructrices de la personnalité de chacun des partenaires. En réalité, Susan et Hilary ne se rendent pas compte qu'ils projettent sur les espaces géographiques ou sociaux leur propre instabilité et insatisfaction. En ce sens, contrairement à Stephen, ce sont eux qui rejettent les espaces où ils

vivent plutôt qu'ils n'en sont rejetés. Dans A Saturday Life à l’inverse, le foyer est solide en ce

sens que la maison où grandit Sidonia ne change pas et où la fragilité de Lady Shore, mère seule, est compensée par la fermeté et la lucidité de sa meilleure amie Frances. Cependant, la

quête d’un lieu privilégié se manifeste dans la recherche d'une stabilité à travers le choix d'un

art qui comblerait durablement Sidonia, un art où elle trouverait enfin son moyen

d'expression. À nouveau, il apparaît que le sens de home n'est pas dissociable de son corrélat

inverse qu'est l'instabilité liée à la quête. Depuis qu'elle est toute petite, Sidonia se passionne de façon fulgurante et avec un talent incroyable pour toutes sortes d'art qu'elle abandonne complètement ensuite: de la poésie au dessin, à la danse ou au piano puis au chant, elle vogue entre les différents ateliers où on lui donne des cours, de son domicile à Londres, chez le grand artiste Jensen ou en Italie chez les Ferrari. Elle finit par se poser quand elle fonde un foyer avec son mari, un homme aux visions traditionnelles pour qui elle s'occupe des tâches

domestiques et du jardinage. Paradoxalement, son ancrage semble contraire à l'idée que s’en

fait Stephen où la personnalité s'exprimerait librement et s'épanouirait. Frances et Lady Shore émettent d’ailleurs des doutes quant au bonheur de Sidonia et suggèrent plutôt qu’elle s’est perdue en fondant ce foyer-là.

1.2. Ville et campagne

La quête d’un foyerdans les différents romans s’appuie sur une opposition entre la ville et la

campagne. Au même titre que Morton est l'espace abject et abjecté qui se tient à l'écart et constitue simultanément une instance de rejet, la nature qui l'environne est opposée à l'espace de la ville. Stephen est très sensible à la nature : elle ne manque pas de remarquer les odeurs, les couleurs, les textures ; elle connaît les plantes, les arbres et les fleurs grâce à son père ; elle ressent un attachement particulier pour le cygne qui vit sur le lac et un amour profond pour son cheval Raftery. À Paris, Mary et elle ont un jardin planté de fleurs et recueillent les animaux blessés. Orotava aux îles Canaries peut être associé à Morton par sa valeur ancestrale

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(personne ne peut dater la construction de la maison où Stephen séjourne) et par sa nature luxuriante qui relie ces deux lieux à un Eden. Tenerife constitue cependant le véritable Eden qui peut voir éclore l'amour entre Mary et Stephen, sans doute, comme le défend Sarah E.

Chinn118, parce que la nature y est primitive et que l'exotisme du lieu autorise à s'affranchir

des codes plus rigides que Londres ou Paris obligent à observer. D'une certaine façon, cette licence s'explique aussi par le sentiment de supériorité qu'éprouvent les Européens sur le reste du monde. Orotava est permissive seulement parce qu'elle n'est pas un lieu où la culture, la civilisation, dominent. D'ailleurs, les villageois ne servent que de décor et leur description correspond à un discours généralisant et stéréotypé sur l'île et ses habitants. Cet exotisme présente une nature et des humains excessifs et débridés. On retrouve ce sentiment de supériorité des Européens, cette fois sur les noirs, dans l’épisode du gospel. Selon Jean

Walton119, à travers le gospel, les chanteurs noirs sont investis d'une grande puissance parce

qu'elle exprime leur négritude primitive120.

L’opposition entre la ville et la province, plus que la campagne, apparaît également

dans The Unlit Lamp. Ce roman affiche la vision largement répandue à son époque d’une

certaine stérilité de la province face à la ville. Lynne Hapgood, dans Outside Modernism, fait

remonter cette idée au XIXe siècle : « The London suburbs, defined until the late 1870s by

their relationship with the inner city, were by the mid-1890s perceived as a qualitatively different kind of psychological and political territory from the urban with the potential of

creating a new environment »121. Dans le roman, Joan Ogden est étouffée par sa mère et rêve

de quitter ce foyer pour fonder celui qui la rendrait heureuse avec sa préceptrice Elizabeth. Au-delà de son foyer, c'est la petite ville de province où elle vit qui l'étouffe avec ses commérages, ses stéréotypes et son immobilisme. Seabourne devient emblématique de la tradition, de l’immobilisme et de la vieillesse. Londres, au contraire, est vue comme le lieu où les personnalités peuvent s'émanciper et se réaliser comme le fait sa sœur qui évolue symboliquement dans le milieu artistique très éloigné des préoccupations laborieuses ou futiles de sa ville natale de Seabourne. La volonté de rejoindre la ville qui marquerait l’émancipation de Joan se solde par un échec car la protagoniste ne parvient pas à se libérer

118 Sarah E. Chinn, « Something primitive and Age-Old as Nature Herself », Doan et Prosser, dirs., Palatable Poison, p. 300-15.

119 Jean Walton, « I want to Cross Over into Camp Ground, Race and Inversion in The Well », Doan et Prosser, dirs., Palatable Poison, p. 277-99.

120Ibid, p. 284

121 Lynne Hapgood, « The Unwritten Suburb: Defining Spaces in John Galsworthy’s The Man of Property », Lynne Hapgood et Nancy Paxton, dirs., Outside Modernism: In Pursuit of the English Novel, 1900-30, Basingstoke : Macmillan, 2000, p. 162-79, p. 163.

150 des puissantes tentacules dont sa mère l’entoure. Ce n’est pas surprenant quand on pense que

le roman devait d'abord s'intituler Octopi. Si Seabourne agit sur Joan comme la campagne

traditionnelle de Morton sur Stephen, le départ vers la ville s'apparente bien à une fuite. Le

foyer pour Stephen, ce serait la possibilité d’accéder à son droit d’exister (« right for

existence ») cité à de nombreuses reprises dans le roman. Ne pouvant le trouver à Morton du fait de son inversion, Stephen cherche à le reconstruire ailleurs. Chaque déplacement marque une étape supplémentaire dans la recherche d’un foyer construit en opposition au foyer original. La quête se caractérise par les déplacements, les voyages, l'exil, l'étranger là où Morton symbolise un ancrage stable. Cela explique sans doute l'importance accordée au cheval et à la voiture : au-delà du grand amour que porte Stephen à Raftery ou de l'indépendance que lui procure la voiture, ces deux moyens de locomotion témoignent du motif du déplacement et de l'instabilité du foyer.

Dès la fin du XIXe siècle, toute une mythologie de la ville et de la capitale s’est développée dans les milieux homosexuels et a coexisté avec celle du voyage et de l’exil. Ces deux types d’espace semblaient offrir aux homosexuels « un « ailleurs » qui offrirait la possibilité de réaliser des aspirations que tant de raisons semblaient rendre impossibles,

impensables, dans leur propre pays »122, selon les mots d’Eribon. Dès 1904, Hirschfeld

expliquait que si certains homosexuels vivaient à la campagne, il n’en demeurait pas moins

que la grande majorité d’entre eux devait aller en ville. The Well illustre parfaitement cet

attrait forcé de la ville, mais Radclyffe Hall ne signifie pas pour autant que la ville offre aux homosexuels le droit d’exister. Londres, aussi riche, vivante et porteuse soit-elle sur le plan artistique, ne peut permettre à Stephen de s'épanouir en tant que lesbienne, sans doute parce que Londres, c'est encore l'Angleterre et le souvenir trop puissant de Morton. Quant à la

capitale française, « Paris-Lesbos » telle qu’elle était surnommée à l'époque, elle donne la

possibilité du foyer que la protagoniste fonde progressivement avec Mary Llewellyn : « and

now for the first time the old house was home »123. La rue Jacob devient le lieu d'expression

possible de son amour partagé avec Mary et les comble de bonheur au début. Stephen et Mary y ont même un enfant symbolique, le chien que Mary a récupéré et qui est mi-gallois comme Mary, mi-irlandais comme la mère de Stephen : « and so it had suddenly come to pass that

they who had lately been two were now three. There were Stephen and Mary – there was also

122 Eribon, Réflexions sur la question gay, p. 36.

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David »124. Pourtant, ce foyer se fragilise rapidement du fait de l'isolement social de Mary et il

finit par s'effondrer quand Stephen confie Mary à Martin Hallam.

Si la ville, en particulier la capitale, peut offrir un refuge précaire aux homosexuels,

Eribon explique que « l’idée de la ville a toujours été associée aux menaces de la décadence

(opposée à la santé) et du mélange (opposé à la pureté de la race) »125. Cohen confirme cette

association entre ville et Sale développée dès le XIXe siècle dans le domaine de la fiction :

« Throughout nineteenth-century literature, the representation of dirt – in forms ranging from

slums to contagious diseases to pestiferous rivers – was mapped onto traditional themes of

moral, social, economic, and spiritual decay, in ways that made these ancient literary subjects

newly relevant to contemporary life »126. La ville de The Sixth Beatitude contient des

bidonvilles où règne la crasse littérale et symbolique de certains de ses habitants, notamment

du couple homosexuel. Dans The Forge, une certaine luxure caractérise les cercles mondains

et surtout artistiques de Londres. À l'inverse de Morton ou d'Orotava, la ville dans The Well

est sale et salissante. Raftery, le cheval adoré de la protagoniste, ne peut par exemple supporter Londres et doit être ramené à Morton. C'est également la laideur qui prévaut dans l'appartement londonien. Quant à Paris, si Jonathan Brockett, l'ami artiste, sait mettre en valeur ses charmes, elle n'en reste pas moins la capitale des bars homosexuels misérables, de la luxure et d'une certaine aliénation. En-dehors du cercle homosexuel, de Valérie Seymour et de son ancienne gouvernante Mademoiselle Duphot, Stephen et Mary y subissent les rejets plus ou moins violents des membres de la culture dominante. La ville est sale précisément parce qu'elle est un espace de ségrégation : dans la capitale française, on trouve le Paris des touristes, le Paris mondain, celui des gens modestes, celui des artistes, celui de la mode ou encore celui des bars homosexuels. L’épisode des bars illustre parfaitement ce que les villes

peuvent produire de plus abject. Afin de rejeter l’association entre Sale et homosexualité, on a

déjà montré comment la dégradation physique et la déchéance morale des homosexuels qui les fréquentaient ne les caractérisaient pas en propre mais provenaient de l’ostracisme dont ils étaient victimes. De la même façon que l’inversion de Stephen la force à fréquenter d’autres inverties sous peine de vivre en solitaire, ces bars doivent exister tout en étant contraints à une clandestinité qui explique en partie la déchéance qui y règne. Pour Eribon, ils reflètent à un degré supérieur le découpage entre intérieur et extérieur imposé aux hommes et aux femmes par les rôles de genre. Dans le cas des homosexuels, cette division est redoublée par la notion

124Ibid, p. 336.

125 Eribon, Réflexions sur la question gay, p. 70-1.

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de normalité qui interdit leur visibilité. Eribon explique que « [c]ette ‘ombre’ de la normalité

est ce qui impose partout et à tout moment, dans la moindre conversation, la frontière entre la sphère publique et la sphère privée, la possibilité de se tenir dans l’espace public pour les uns et l’obligation de laisser une partie de leur personnalité dans l’espace du privé pour les

autres »127. Une fois encore, la fiction de Radclyffe Hall met en scène ces tensions entre