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Ce premier chapitre de l’état de la question reprend la structure suggérée par Champagne. Le théologien retrace l’historique des différentes citations de l’expression nouvelle évangélisation déclinée depuis leur genèse pour chacun des cinq continents durant le pontificat de Jean-Paul II. Il en esquisse l’analyse théologique. Néanmoins, il nous a semblé pertinent de mettre ce travail en perspective avec celui proposé par González Dorado. Rappelons-le, ce dernier circonscrit – en amont du pontificat de Jean-Paul II –, l’émergence dudit concept à la lumière de la réalité autochtone du continent latino-américain et de l’institution du CELAM. Lestienne poursuit et finalise l’analyse jusqu’en 2007.

Le résumé et l’analyse qui suivent sont conduits par l’objectif général de notre thèse. La structure de l’un et de l’autre emprunte celle proposée par Champagne en fin d’article188.

Sur le plan théologique, la préface de l’article de Champagne attachait la nouvelle évangélisation non seulement, au concile Vatican II, mais aussi à l’exhortation postsynodale Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI publiée en 1975.

Sur le plan historique, le CELAM emploiera pour la première fois l’expression nouvelle évangélisation à Medellin en 1968. Il faudra attendre une année après son élection – lors d’un discours sur sa terre natale à Nowa Huta (1979) –, pour que le pape s’approprie l’expression avant de la décliner progressivement sur les différents continents. Dans ce discours, la nouvelle évangélisation est associée à la spiritualité de la croix, elle est déjà ordonnée au troisième millénaire.

Retenons ce que nous dit Champagne du contenu théologique de l’expression à travers cette étude historique. Sur le continent africain donc, Jean-Paul II parlera dans un premier temps d’une nouvelle étape d’évangélisation (Zaïre, 1980) qui doit approfondir la précédente. Il fera ensuite allusion à l’évangélisation des cultures et à l’inculturation de l’Évangile (Nigéria, 1982) avant de parler d’une seconde étape d’évangélisation (Bénin, 1982). Par la suite, (Cameroun, 1985) l’évangélisation est considérée comme une œuvre à entreprendre, à

approfondir et à renouveler. Ce sera uniquement deux années plus tard (Madagascar, 1987) qu’il emploiera l’expression nouvelle évangélisation : il s’agira d’accompagner l’inculturation de l’Évangile, ce qui implique son assimilation, traduira Champagne, mais aussi une nouvelle « création » et une nouvelle « synthèse » entre foi et culture. La thématique de l’inculturation sera encore associée à la nouvelle évangélisation (Madagascar, 1989) quand il distinguera cette fois la première évangélisation et la nouvelle évangélisation, cette dernière devant mettre en œuvre l’inculturation de la Parole. Enfin, la seconde évangélisation est associée aux Églises particulières (Madagascar, 1989). Mais, rappelons-le, quand Champagne achève son analyse, le Saint-Père n’a pas encore publié l’exhortation postsynodale pour l’Afrique (1995).

Sur le continent européen, à la veille du troisième millénaire du christianisme en Europe, Jean-Paul II fait allusion à une auto-évangélisation (symposium, 1982) face à une crise institutionnelle qui affecte, non seulement la société européenne, mais aussi l’Église catholique. Tout en refusant un retour à la chrétienté médiévale, le pape exhorte l’Europe à retrouver ses racines chrétiennes pour enrayer la crise civile. Et sans prononcer encore l’expression nouvelle évangélisation, le Saint-Père insiste pour que l’évangélisation réalise une nouvelle synthèse entre Évangile et vie (symposium, 1985) face à une sécularisation croissante. Là encore, l’exhortation postsynodale – la dernière des cinq à être publiée – ne sera rendue publique qu’à la fin du pontificat de Jean-Paul II (2003), bien après la publication de Champagne.

Sur le continent américain, deux analyses s’entrecroisent. Celle de Champagne – qui regarde la genèse de l’expression à partir de l’utilisation que Jean-Paul II en a faite –, et celle induite par les déclarations de l’institution du CELAM, qu’elles lui soient antérieures (1955) ou bien postérieures (2007).

La première analyse revient donc sur cette première fois où le pape emploie l’expression nouvelle évangélisation sur ce continent (Haïti, 1983). C’est à l’occasion du demi- millénaire d’évangélisation de l’Amérique. Le pape rappelle qu’il ne s’agit en rien d’une ré- évangélisation alors que la nouvelle évangélisation se caractérise par son ardeur, ses méthodes et son expression. Ardeur, – car l’évangélisation s’enracine dans une foi et une

confiance renouvelée en Jésus-Christ. Méthode, – car il s’agit de faire participer l’ensemble des chrétiens à la diffusion du message du Christ. Expression, – car il est important de diffuser le message dans un langage adéquat pour la culture. Le pape y exprime les conditions de réussite de cette nouvelle évangélisation – vocations sacerdotales, formation des laïcs et des prêtres –. Il souligne l’enracinement de l’expression dans la théologie offerte par la conférence du CELAM à Puebla (1979). Puis, plus en avant, à l’occasion de son premier voyage apostolique Saint-Domingue (1984), le Saint-Père soulignera combien la nouvelle évangélisation s’inscrit dans le prolongement de la première évangélisation et pas en opposition à celle-ci. En Uruguay (1988), la nouvelle évangélisation est présentée dans son héritage au premier évangélisateur : le Christ. L’exhortation postsynodale pour l’Amérique – le nord et le sud – sera publiée à la veille du jubilé de l’an 2000 (1999).

La seconde analyse retrace l’historique de la nouvelle évangélisation à partir de l’institution du CELAM. Citant le cardinal Gantin, González Dorado souligne que la nouvelle évangélisation est pour l’Amérique latine une idée centrale, lumineuse, un élément englobant. Il s’agit en fait du premier projet de l’Église universelle dans l’histoire de l’Église qui soit réellement global et qui regroupe autant la mission ad intra que ad extra. Après avoir mentionné les caractéristiques sociales du peuple latino-américain – un peuple religieux, mais qui souffre de profondes injustices sociales –, González Dorado souligne la marque de la nouvelle évangélisation en cette terre : son enracinement autochtone. Il n’omet pourtant pas les apports de l’Église universelle : ceux du concile Vatican II jusqu’aux synodes postconciliaires et jusqu’à ceux sur les continents diligentés par le pape Jean-Paul II. À la date de la publication de son article, González Dorado consigne deux textes postconciliaires : l’exhortation postsynodale Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI (1975) et l’exhortation postsynodale Christifideles Laici (1988). En cinq étapes, le théologien survole chacune des conférences du CELAM jusqu’en 1992.

Les conférences de Rio de Janeiro (1955), de Medellin (1968), et de Puebla (1979) se démarquent par l’insistance mise sur la théologie de l’annonce kérygmatique. À la suite de Puebla (1979), le document préparatoire de la conférence de Saint-Domingue (1992) insistera sur le fait que l’annonce est un engagement de tous les chrétiens, dans une attention à la personne humaine, et pour sa libération intégrale. Pour l’auteur, Rio de

Janeiro (1955) se démarque par la prise de conscience qu’une nouvelle situation sociale et culturelle émerge, provoquant l’Église à un nouveau retour évangélique. Medellin (1968) est marquée par la prise de conscience de la réalité d’extrême pauvreté des autochtones. La réunion à Melgar le confirmera. Puebla (1979) est caractérisée par les fruits de l’exhortation postsynodale Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI (1975) appelant à une vision organique de l’évangélisation. Puebla insiste aussi, comme la précédente conférence, sur l’option préférentielle aux pauvres et sur le processus intégral de libération. En ressort un contenu théologique organique confirmé par l’exhortation postsynodale Evangelii Nuntiandi. Le document de préparation de Saint-Domingue (1992), lui, insiste sur la nécessité de prendre en compte les agents d’évangélisation, et de viser à la communion ecclésiale. Ainsi, pour González Dorado, la nouvelle évangélisation en Amérique latine (1955-1992) est le médium grâce auquel un contenu théologique original se dessine, interpellant Jean-Paul II qui en fera le thème de son pontificat. Lestienne reprend ce survol jusqu’à la dernière conférence à ce jour : Aparecida (2007).

Lestienne, lui, est l’auteur qui conduit la cinquième étape. À la lumière de la conférence d’Aparecida (2007), il porte un regard critique sur l’évolution des conférences du CELAM. Pour le théologien, la conférence d’Aparecida renoue avec celles de Medellin (1968) et de Puebla (1979) en raison de l’esprit prophétique, missionnaire et communautaire qui l’habite. À l’instar de ces conférences, la méthode promue dans le texte final de la conférence d’Aparecida est celle du voir-juger-agir. Cette conférence, tout en reprenant l’option préférentielle aux pauvres chère à Medellin, se démarque par son attention aux raisons émises par ceux qui quittent l’Église. L’appel à la conversion pastorale traverse le document. Sa faiblesse semble être pourtant, aux dires du théologien, le manque d’enracinement de cet élan missionnaire dans des référents théologiques établis et reconnus.

De l’Afrique à l’Europe, de l’Amérique latine à l’Asie et à l’Océanie, ces deux derniers continents sont effectivement ceux que Champagne traite avec le plus de discrétion. Certes, les exhortations postsynodales pour l’Asie et pour l’Océanie ne viennent pas éclairer l’expertise de Champagne – elles ne seront publiées respectivement qu’en 1999 et 2001 –, mais ces deux continents appellent plus directement, dira-t-il, une première évangélisation qu’une nouvelle évangélisation. Pour autant, Berranger vient nuancer les propos de

Champagne. À nouvelle culture, nouvelle évangélisation. Tel est le défi de ces communautés locales enracinées dans ces vastes continents.

Si González Dorado a souligné l’importance de l’exhortation postsynodale Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI (1975) et celle de Christifideles Laici (1988) du pape Jean-Paul II pour pointer le contenu théologique de la nouvelle évangélisation, Champagne retient du pape Jean-Paul II la même exhortation (1988), ainsi que la lettre encyclique Redemptoris Missio (1992). De cette dernière qui traite des horizons immenses confiés à la même mission de l’Église, trois activités émergent en fonction des circonstances (RM 33). L’une d’elles caractérise spécifiquement la nouvelle évangélisation.

- La mission ad gentes : il s’agit de la première évangélisation. Là où le Christ n’est pas connu.

- La mission au sein des communautés chrétiennes ou structures ecclésiales fortes. Celles qui assument déjà l’activité pastorale de l’Église.

- La mission dans une situation intermédiaire. Il s’agit surtout des communautés de vieilles traditions chrétiennes, bien que cela touche aussi les jeunes, où des groupes entiers ont perdu la foi. Là, nous parlons de nouvelle évangélisation (RM 33). Malgré ce triptyque, la lettre encyclique Redemptoris Missio précise que les frontières entre nouvelle évangélisation et mission ad gentes ne sont pas aussi nettement définissables (RM 34). Enfin, la lettre encyclique résout une ambiguïté sémantique présente dans le discours du pape en Haïti (1983) : l’expression nouvelle évangélisation se substitue à celle de ré- évangélisation, ce qui laisse à penser que le pape aurait précisé le concept.

Si l’exhortation Christifideles Laici parle de nouvelle évangélisation, d’auto-évangélisation et d’évangélisation, elle précise tout de même le concept qui justifie cet état de la question. (CfL 34). Deux situations sont décrites :

- Les communautés qui ont perdu leur ferveur : face à la sécularisation massive, ces communautés font maintenant comme si Dieu n’existait pas. Le pape pointe les communautés chrétiennes dites du premier monde.

- Les communautés chrétiennes qui ont gardé la foi : face à la sécularisation galopante et à la croissance des sectes, ces communautés risquent de perdre leur patrimoine de foi. Champagne fait le lien avec les communautés d’Amérique latine. Le théologien relève enfin deux caractéristiques théologiques qui, selon l’exhortation Christifideles Laici, marquent la nouvelle évangélisation. Elles clôtureront ce résumé.

- La nouvelle évangélisation exige, non seulement que l’Église soit attentive aux individus mais aussi à des groupes entiers de la population. L’objectif étant de former des communautés ecclésiales mûres, c'est-à-dire des communautés dans lesquelles la foi répand et réalise tout son sens originel d’adhésion à la personne du Christ et à son Église, de rencontre et de communion sacramentelle avec lui, d’existence vécue dans la charité et le service (CfL 34).

- Pourtant, affirme encore la lettre, l’urgence de la nouvelle évangélisation ne peut esquisser la mission permanente de porter l’Évangile à tous ceux qui ne connaissent pas encore le Christ rédempteur de l’humanité (CfL 35).