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L’article de Gorski pointe la distinction entre « mission » et « évangélisation »1.

2.1. Le concile Vatican II

« Dans son acception moderne, le terme de mission fait apparemment référence à Saint Ignace de Loyola au 16e siècle. » Gorski nous rappelle que la « mission » des Jésuites dans

leur «quatrième vœu » s’intéresse aux « terres non-chrétiennes » ou bien aux « pays que le catholicisme a perdu lors de la réforme protestante ». Le langage ecclésial de l’époque parlait de « missionnaires » et de « missions »2.

Gorski nous précise ensuite que le concept de « mission » est inséparable de la problématique de la colonisation3. Pour l’auteur, cela se comprend par le fait que les « Églises établies4 » d’Europe et d’Occident ont transplanté leur propre forme de christianisme aux peuples qu’ils colonisaient. Il était donc évident que « la conversion était souvent considérée plus comme un changement de religion que comme une rencontre avec le Christ vivant5. » Cette vision étroite de la mission a été corrigée par le concile Vatican II qui a introduit le concept d’évangélisation6.

Sur ce point, Gorski nous rappelle que le mot « évangélisation » n’a pas été utilisé par la tradition catholique avant les années cinquante en raison de ses racines protestantes7. Depuis le temps de l’appropriation du terme par le concile Vatican II, le concept d’évangélisation fait référence à la proclamation initiale, et appliqué à la catéchèse, il renvoie à la formation progressive des catéchumènes, distinction inscrite dans l’un des décrets du concile qui traite de l’activité missionnaire, le décret Ad Gentes8.

1 GORSKI. “Setting the Theme…”, in Mission, p. 49-57. 2 Cf. Ibid., p. 50.

3 Cf. Stephan-B BEVANS and Roger-P. SCHROEDER. (2004), Constants in Context. A Theology of Mission

for Today, Chicago, Orbis, 489 p.

4 GORSKI. “Setting the theme…”, in Mission, p. 50-51. 5 Ibid., p. 51.

6Ibid., p. 51. 7 Cf. Ibid., p. 51. 8 Cf. Ibid., p. 51.

Gorski fait remarquer ensuite que le texte conciliaire « sur la mission » est devenu progressivement le « décret sur l’activité missionnaire »9. Cette évolution du concept confirme, selon le théologien, la nature propre de l’Église qui est avant tout missionnaire. Sa diversité est liée aux différents milieux à partir desquels sont dirigées ses activités missionnaires. Certains milieux ne connaissent pas encore le Christ, ils ne sont pas encore enrichis par des communautés locales, tandis que d’autres sont déjà profondément engagés. Selon Gorski, il s’agit du contexte théologique du paragraphe six du décret Ad Gentes10.

2.2. Paul VI

Cette section traite du pontificat du pape Paul VI. Précédée par une succession de synodes, l’Assemblée synodale des évêques réunis en 1974 « (…) a examiné les différentes composantes de l’évangélisation dans le monde d’aujourd’hui.11 » Les fruits de cette rencontre ont permis à Paul VI d’élaborer l’exhortation Evangelii Nuntiandi publiée en 1975. Selon Gorski, le pape Paul VI a mis l’accent sur le fait que l’Église existe pour annoncer l’Évangile. Formellement, c’est là la définition que le pape donne de l’évangélisation12. Toutefois, selon l’auteur, l’évangélisation est plus que cela. Elle est, selon les paroles mêmes du pape dans son exhortation, une réalité complexe, riche et dynamique qui ne peut être comprise que si tous les éléments sont présents. L’évangélisation est ainsi un processus construit sur une proclamation qui invite à la conversion et qui incorpore le catéchumène à la communauté chrétienne à travers sa vie sacramentelle13. En réalité, insiste Gorski, c’est depuis cette époque que le terme « évangélisation » est devenu populaire. Popularité qui a éclipsé l’exigence d’approfondir le concept dans sa nature christologique – incluant le salut – comme l’auteur nous le rappelle : « Depuis Evangelii Nuntiandi, le mot évangélisation est devenu très populaire. Les catholiques se mirent à beaucoup plus parler d’évangélisation et à qualifier à peu près tout ce qu’ils faisaient du terme évangélisation14. »

9 Ibid., p. 51. 10 Cf. Ibid., p. 51-52. 11 Ibid., p. 52. 12 Cf. Ibid., p. 52. 13 Cf. Ibid., p. 52. 14 Ibid., p. 53.

2.3. Jean-Paul II

L’auteur porte ensuite son attention sur le pape Jean-Paul II qui, en 1990, a offert une encyclique qui a remis au goût du jour la notion conciliaire de « l’activité missionnaire » dans le sens spécifique du décret Ad Gentes au paragraphe six15. Gorski retient trois points.

Le premier point rappelle que dans l’encyclique Redemptoris Missio, le pape Jean-Paul II a clairement établi que l’activité missionnaire ne sépare pas la dimension ad extra de la mission de sa dimension ad intra16. Pour cette première catégorie de personnes, le pape parle d’une « (…) mission ad gentes, un nouveau terme popularisé dans les cercles missiologiques d’Amérique latine depuis la conférence de Puebla (1979), mais encore peu utilisé ailleurs17. »

Le deuxième point qui indique que le pape Jean-Paul II en appelle à l’activité missionnaire, donne en fait une importance particulière à l’identité de chaque individu comme aux groupes humains tout en attirant l’attention sur les cultures traditionnelles et les situations socioculturelles18.

Le troisième point élargit finalement « (…) les diverses sphères de l’activité missionnaire dans son sens propre19. » L’auteur se réfère au numéro trente-sept de l’encyclique papale. Il attire principalement l’attention sur les sphères territoriales et culturelles qui nécessitent, chacune d’une manière différente, une activité missionnaire ad gentes20.

2.4. Émergence du concept de nouvelle évangélisation

Gorski se réfère ensuite au numéro trente de l’encyclique Redemptoris Missio afin de maintenir la distinction mise en lumière par le pape21. Bien que la mission ad gentes s’adresse à ceux qui n’ont pas encore évangélisés – autant dans la sphère territoriale que 15 Cf. Ibid., p. 53. 16 Ibid., p. 53. 17 Ibid., p. 53. 18 Cf. Ibid., p. 54. 19 Ibid., p. 54. 20 Cf. Ibid., p. 54. 21 Cf. Ibid., p. 54.

culturelle – « (…) une autre situation se présente pour ceux auxquels une nouvelle évangélisation est nécessaire : ceux qui ont perdu la foi22. » Gorski explique que ce sont « (…) les groupes entiers de personnes baptisées dans les pays déjà christianisés qui s’éloignent de l’Église et qui ont perdu le sens de la foi chrétienne. Il est clair que cette nouvelle évangélisation constitue une activité missionnaire dans un sens très spécifique23. »

Gorski attribue alors à Jean-Paul II deux expressions similaires : la nouvelle évangélisation – dans le numéro trente-trois de la Lettre encyclique Redemptoris Missio –, et les « (…) nouveaux aréopages modernes (…)24 », cités au numéro trente-sept de ladite encyclique.

2.5. Résumé

Le concept de « mission » dans la période préconciliaire est restée entachée par son passé colonisateur. Pendant le concile Vatican II, la mission, dans le décret Ad Gentes, définit la nature missionnaire de l’Église. C’est à partir de ce même concile que le concept d’évangélisation apparaît comme synonyme, dit Gorski, de la première annonce de l’Évangile. Le pontificat de Paul VI à la suite du concile – notamment dans son œuvre Evangelii Nuntiandi, introduit une notion plus globale du concept d’évangélisation qui, selon l’auteur, aurait éclipsé la dimension christocentrique de l’évangélisation.

Quant à la théologie du pape Jean-Paul II, Gorski nous rappelle qu’il a donné un nouveau sens à la notion de « mission » telle que développée dans le décret ad Gentes au paragraphe six et dans son encyclique Redemptoris Missio. Une mission ad gentes (expression utilisée par le rassemblement des évêques à Puebla) qui intègre les sphères territoriales et culturelles (RM 33, 37). Pour sa part, la nouvelle évangélisation s’intéresse principalement à ceux qui sont déjà chrétiens mais qui ont délaissé la foi (RM 33, 37).

22 Ibid., p. 55. 23 Ibid., p. 55. 24 Ibid., p. 55.