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Si l’expression nouvelle évangélisation apparaît en 1968 dans le cadre de l’institution du CELAM, ce n’est que graduellement, à partir de 1979, que le pape s’approprie l’expression et la décline pour chacun des cinq continents, comme en 1983 pour la première fois en Amérique latine. Le Saint-Père ne donne donc corps à l’expression que progressivement, ce qui peut expliquer le jeu sémantique qui traverse ses prises de paroles officielles.

9.1. À l’occasion d’un jubilé

De cette présentation orchestrée par Champagne, comme de ce résumé préparatoire à l’analyse que nous conduisons maintenant, un premier point ressort. Pour Jean-Paul II, l’expression nouvelle évangélisation jaillit à l’évocation d’un anniversaire relatif à la première évangélisation. Reportons-nous à la veille du troisième millénaire du christianisme en Europe, aux cinq cents ans d’évangélisation en Amérique, ou encore au premier centenaire de l’évangélisation dans les pays africains, comme le Zaïre ou le Bénin. À chaque fois, l’occasion est celle de renouveler l’effort d’évangélisation sur ces terres déjà visitées par l’Évangile. Le jubilé de l’an 2000 se présente dès lors comme l’occasion par

excellence d’enraciner la nouvelle évangélisation, cette œuvre pastorale qui fait donc suite à la première évangélisation, mais qui sans jamais la renier, suppose pourtant un surcroît d’humanité, nous y venons.

9.2. En réaction à la sécularisation massive

La perméabilité de l’Église au monde ébranle celle-ci. Sa sécularisation au sein même de l’institution justifie que la nouvelle évangélisation soit ainsi pour le pape, en premier lieu, une auto-évangélisation de l’Église (1982). Cette nouvelle évangélisation s’adresse à des groupes entiers de baptisés qui ont perdu le sens de la foi et de l’appartenance à la communauté ecclésiale. Il ne s’agit pas de retourner aux « positions » dont jouissait l’Église en Europe autrefois, mais il s’agit de conduire une nouvelle synthèse entre Évangile et vie (1985). Le second élément est donc le lien entre nouvelle évangélisation et sécularisation. Au regard de l’exhortation apostolique Christifideles Laici (1988) et de la lettre encyclique Redemptoris Missio (1990), la nouvelle évangélisation s’adresse aux communautés ébranlées par la sécularisation. Certaines ont déjà perdu la foi (CfL 34 ; RM 33), d’autres sont ébranlées (CfL 34). La nouvelle évangélisation a pour objectif de former des communautés ecclésiales mûres, c'est-à-dire des communautés dans lesquelles la foi répand et réalise tout son sens originel d’adhésion à la personne du Christ et à son Église, de rencontre et de communion sacramentelle avec lui, d’existence vécue dans la charité et le service (CfL 34). Pourtant, l’urgence de la nouvelle évangélisation ne peut esquisser la mission permanente de porter l’Évangile à tous ceux qui ne connaissent pas encore le Christ, Rédempteur de l’humanité (CfL 35).

La nouvelle évangélisation se caractérise donc par son ardeur, ses méthodes et son expression. Ardeur, puisque l’évangélisation s’enracine dans une foi et confiance renouvelée en Jésus-Christ. Méthode, puisqu’il s’agit de faire participer l’ensemble des chrétiens à la diffusion du message du Christ. Expression, puisqu’il est important de diffuser le message dans un langage adéquat pour la culture.

9.3. Mission ad intra et mission ad extra

Bien que cette nouvelle évangélisation se qualifie par le renouvellement de la foi dans les communautés en perte de ferveur, Champagne souligne le fait qu’il existe des lieux où la première évangélisation se poursuit – sur les continents africains et asiatiques notamment –, accompagnant, dès lors, la nouvelle évangélisation. L’urgence de la nouvelle évangélisation ne peut esquiver la mission permanente de porter l’Évangile à tous ceux qui ne connaissent pas encore le Christ, Rédempteur de l’humanité (CfL 35). La nouvelle évangélisation marquée de sa dimension ad intra ne peut se séparer de sa dimension ad extra : les frontières entre nouvelle évangélisation et mission ad gentes ne sont pas aussi nettement définissables (RM 35).

9.4. Inculturation

Cette thématique de l’inculturation traverse en effet l’ensemble de l’exposé de Champagne. Il sera le quatrième élément retenu. Il s’impose donc au concept de nouvelle évangélisation en s’appliquant tout autant dans sa mission ad extra que dans sa mission ad intra.

En Afrique, reprenant les textes de Jean-Paul II, Champagne parle de l’évangélisation des cultures avant de préciser qu’il s’agit directement de l’inculturation de l’Évangile (1982). Sur le même continent, la nouvelle évangélisation sera même présentée comme le processus par lequel l’Église doit accompagner l’inculturation (1987), une inculturation de la Parole qui distingue nouvelle évangélisation et première évangélisation (1989). Le fait que l’exposé de Champagne associe particulièrement le continent d’Afrique à ce processus d’inculturation, laisse entendre que l’inculturation regarde en premier lieu les terres les plus fraîchement évangélisées, celles dont la synthèse Évangile-vie n’a pu encore porter du fruit.

9.5. Amérique latine

Le cinquième et dernier élément reconnu concerne bien entendu l’apport de l’Église latino- américaine au concept de nouvelle évangélisation cueilli par Jean-Paul II. Si l’expression nouvelle évangélisation est utilisée pour la première fois en Amérique latine à la conférence

du CELAM à Medellin (1968), elle est alors marquée par la dimension de l’annonce kérygmatique. La conférence de Puebla (1979) amorcera la dimension organique du concept et ce, de deux manières.

- La dimension sociale de la vision organique : présentée par González Dorado en quatre étapes, celle-ci a pour originalité de partir de la réalité des autochtones. Pour preuve, cette réunion de Melgar qui fait suite à la conférence du CELAM de Medellin. Aux dires de Lestienne, mis à part la conférence de Saint-Domingue, ce rapport à la vie est appréhendé et conduit grâce à la méthode du voir-juger-agir. - La dimension conciliaire et postconciliaire de la vision organique : la préface de

l’article de Champagne attachait le contenu théologique de la nouvelle évangélisation non seulement au concile Vatican II mais aussi, en référence à l’exhortation postsynodale Evangelii Nuntiandi du pape Paul VI (1975), notamment quant à la place à donner aux laïcs dans la nouvelle évangélisation. L’analyse de González Dorado insiste sur la vocation de précurseur de l’Église latino-américaine dans cette application.