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CHAPITRE 2 : REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.4 Résumé du chapitre

L’environnement dans lequel les politiques de sécurité sont formulées représente une source d’opportunité pour accomplir des changements structurels risqués pour l’institution elle-même, mais bénéfique pour une collaboration sur l’analyse et la gestion des sources de risques, telles que les vulnérabilités sociales structurelles (Klijn et Koppenjan 2004, Revi et al. 2014). L’interdépendance est une ressource qui peut permettre à un réseau de colliger les données nécessaires et formuler les pistes d’action qui rendront le système résilient dans son ensemble, pour la survie mutuelle de ce réseau (Roe et Schulman 2008).

Selon les chercheurs, du leadership de la part des autorités politiques est nécessaire pour accomplir les stratégies proactives, adaptées, inventives et collaboratives de protection des infrastructures critiques (La Porte 2006, 135, Perrow 1999, 153-155; Boin et al. 2010). Les compétences réseau – qui permettent l’efficacité d’adaptation – peuvent être développées suite à la création d’opportunités pour la participation des différents acteurs (Klijn 2008). L’apprentissage systémique, par exemple, représente une telle compétence (Deschamps et al 1997). Ces compétences requièrent que nous comprenions les dynamiques profondes et processuelles des systèmes et que l’ensemble des organisations membres d’un système passe à un degré d’abstraction supérieur, lui permettant de choisir un nouveau paradigme pour se représenter les risques (Ibid.). Ainsi, il sera possible pour un réseau d’organisations de concevoir la destructivité potentielle et mener des changements durables au chapitre de la gouvernance du risque.

Ainsi, une gouvernance publique proactive vis-à-vis le risque influencera les perceptions, pour dénouer des interprétations ou des positions conflictuelles persistantes dans un réseau de gouvernance du risque. Des interactions constructives seront basées sur la confiance et l’action coordonnée, mutuellement orientées vers un

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but commun (Klijn 2008). Une compréhension des besoins des autres permettra l’établissement d’une vision commune, ou « general agreement » (Alexander 1993; Mandell and Steelman 2003) sur les objectifs du réseau et leur gouvernance. La collaboration sur le risque nécessite donc l’accord préalable de partenaires sur le but de la relation (chercher un but) et de réconcilier des perceptions divergentes en présence dans le réseau de collaboration. Une crise majeure (qui dépasse les frontières d’une seule organisation; Mitroff 2001) peut contribuer à développer le sentiment de besoin de coopérer découlant de la prise de conscience de l’interdépendance des missions des organisations respectives. En l’absence de crise, toutefois, ou même, malgré l’occurrence de crises majeures, les incitatifs pour la gouvernance intégrée des infrastructures essentielles se font rares ou difficiles à atteindre.

Les risques sont cependant diffus et l’accélération des échanges transnationaux, l’introduction de nouvelles technologies et l’augmentation de la densité des populations sont des sources de vulnérabilités croissantes. La confiance, essentielle aux ententes, réfère au niveau d’intégrité d’un partenariat et est complexe puisqu’elle englobe des composantes à la fois internes et externes, intuitives, émotionnelles et cognitives (Grossman et Holzer 2015, 20).

Une coordination est de plus en plus nécessaire afin de comprendre les méthodes d’action les plus efficaces pour combattre les sources de risque et d’amplification du risque (Boin et McConnell 2007, Walker 2012, Walker Pavia, Bostrom, Leschine et Starbird 2015). Par exemple, la transparence sur le danger et la communication préventive peut aider à ce que les dégâts soient plus limités dans le cadre d’un accident industriel comme, par exemple, la crise Bhopal où des milliers de gens auraient pu être sauvés s’ils avaient été informés sur la manière appropriée de répondre à une fuite toxique (Pauchant et Mitroff 1995)39. Pour bien comprendre le

risque systémique, il faut développer une compréhension des interactions potentielles (hidden paths) entre les unités d’un système (Perrow 1984).

Cette recherche sur la catastrophe pétrolière de Lac-Mégantic est une occasion de revoir nos modèles afin d’y inclure les manifestations concrètes de cette atrophie de la vigilance. C’est également l’occasion de proposer des stratégies capables d’assurer une vigilance accrue et soutenue du système de gestion du risque ferroviaire, c’est-à-

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dire, de mobiliser des leviers d’apprentissage systémique assurant une certaine pérennité des leçons apprises dans le cadre de cette étude. Notre recherche a donc pour objectif de comprendre les processus et les manifestations de l’atrophie de la vigilance dans le secteur public et de proposer un modèle théorique, qui, appuyé sur les recherches en résilience dans les infrastructures essentielles, saura rendre compte de ceux-ci. La prochaine section présentera notre cadre théorique.

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CHAPITRE TROIS : CADRE THÉORIQUE

Dans ce chapitre, nous présenterons le cadre théorique de notre recherche. Il sera composé de trois sections.

Nous débuterons notre cadre théorique par la présentation des principes de construction d’une théorie en science des organisations. Nous décrirons ensuite notre design de recherche et notre modèle d’analyse: la recherche ancrée, de même que notre mode d’analyse et de raisonnement, l’abduction. Dans cette seconde section, nous présenterons la question de recherche (générale) et étayerons les questionnements spécifiques de cette recherche, liés aux trois niveaux d’abstraction retenus: les pratiques de gestion des compagnies ferroviaires, les pratiques de régulation du législateur et de ses partenaires du réseau fédéral régissant les chemins de fer, et finalement, les stratégies employées par le réseau de gouvernance du risque. Troisièmement, nous décrirons comment la théorie de l’atrophie de la vigilance de William Freudenburg (1992a) pourra être appliquée à l’analyse du système de gouvernance du risque ferroviaire canadien et québécois.