• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 : REVUE DE LA LITTÉRATURE

2.3 La résilience des systèmes complexes et ses leviers : ce que l’état d’avancement

2.3.1 La gouvernance

En théorie des organisations, la gouvernance est définie comme « un ensemble de théories incluant les relations latérales, interinstitutionnelles, le déclin de la souveraineté étatique, l’importance déclinante des frontières juridictionnelles et une fragmentation institutionnelle générale » (Frederickson, Smith, Larimer et Lacari, 2015), 242 traduction de l’auteure). Aux fins de notre étude, nous reprenons la définition plus opérationnelle d’Enjolras de la gouvernance (2011) qui s’applique mieux au domaine de la gestion du risque et des crises : « l’ensemble des modalités institutionnelles régissant les interactions d’acteurs dont les activités contribuent à la réalisation d’objectifs relevant de l’intérêt général » (Enjolras 2011, 64 en référence à Enjolras 2005).

L’efficacité de gouvernance d’un réseau est influencée par (1) la force de l’accord général sur la mission du réseau, (2) le besoin de « compétences réseau » (des compétences qui seraient au service de tous), (3) le nombre de participants et (4) la confiance qu’ils ont envers les autres (Provan et Kenis 2008, 237-240). L’accord général est possible à condition qu’il y ait consensus sur la nécessité de mettre en commun l’expertise et certaines ressources. L’hétérogénéité des pratiques améliorerait la performance du réseau, à condition qu’une compréhension mutuelle et partagée des buts de l’organisation existe (Achtenhagen et Melin 2003). Autrement dit, la confiance mutuelle permettra aux organisations membre d’un réseau d’infrastructures critiques de communiquer ouvertement les risques et les échecs, de développer leur complémentarité. Cette confiance permettra donc le partage des ressources clés (dont

49

l’expertise) et la coordination des actions à entreprendre en cas de défaillances affectant l’ensemble du réseau ou système du risque. Différentes forces de gouvernances seront maintenant définies

A- Gouvernance du risque

La gouvernance du risque dans un secteur donné englobe les antécédents, les résultantes et les caractéristiques des relations interorganisationnelles en son sein, de même que les méthodes de communication et de coordination employées pour évaluer et contenir le risque. Un système efficace de gouvernance du risque repose sur une structure décisionnelle flexible, en ce sens que les modèles décisionnels préexistants ne doivent pas confiner l’action (Boin et al. 2010). Toute (re)configuration et modification des contrats entre les organisations, et entre l’État et les citoyens est une question de légitimité, de pouvoir et d’identité culturelle et organisationnelle.

La gestion du risque par l’État est conditionnée par la possibilité même d’obtenir et d’exercer sa juridiction sur ces risques par le biais de différents moyens de mise en œuvre. La synergie, selon Hackman Lawler et Porter (1983), émerge des relations entre les membres d’un groupe et affecte la manière dont un groupe sera en mesure de composer avec les demandes et les opportunités de la situation dans laquelle il est appelé à performer. (Hackman, cité par Weick 1993a).

Dans les systèmes complexes, la réduction de l’incertitude passe par le renforcement des facultés d’auto-organisation, c’est-à-dire de l’intelligence projective du système en tant qu’intégration de ses parties à une stratégie coordonnée d’actions complémentaires. La décentralisation est d’ailleurs importante en gestion de crise (Longstaff 2005). Les paliers supérieurs doivent soutenir les niveaux inférieurs de décisions, plutôt que de les gérer (Comfort et al. 2010b).

B- Gouvernance de la résilience.

Wildavsky (1988) soutient que les stratégies d’anticipation étaient plus efficaces contre les risques prévisibles, mais que les stratégies de résilience sont optimales dans le cas contraire. Là où les risques sont abstraits, peu probables, incertains et spéculatifs, où les remèdes heurtent, où les dilemmes sont déchirants, c’est la résilience qui a le plus de sens. La résilience représente davantage que l’efficacité avec laquelle un système reprend ses activités après une crise, c’est un réel défi de

51

groupe si sévère que personne ne sait ce qu’il ou qu’elle devrait faire » (Weick 1993a, 184, traduction de l’auteure). Une crise est un moment pendant lequel le pouvoir est souvent reconfiguré (Rosenthal et Kouzmin 1997, 287). La crise affecte des buts prioritaires de l’organisation (Hermann 1972) et pose « des menaces sérieuses aux structures de base, aux valeurs fondamentales et aux normes d’un système social » (Rosenthal, t’Hart et Charles 1989, cité par Rosenthal et Kouzmin 1997). Cependant, avec le temps, les institutions sont amenées à voir les dispositifs et les investissements en sécurité comme improductives et négocient la sécurité contre une productivité accrue (Freudenburg 1992a, 1993). Le cas de Lac-Mégantic manifeste, ou démontre, que les crises sont le fruit d’interactions systémiques de plus en plus complexes. La communication en temps de risque ne crée pas de nouvelles habitudes, mais accentue des habitudes préexistantes (Wolfenstein 1957). De la même manière, en ce qui concerne l’interface avec l’externe, les gestionnaires des risques organisationnels doivent s’alerter efficacement entre eux pour permettre une action concertée et ils doivent avoir une certaine réserve vis-à-vis leur capacité de comprendre l’ensemble de la situation et d’agir sur elle. La résilience implique qu’il faille adapter les structures afin de maximiser la flexibilité décisionnelle des gestionnaires de crise sur le terrain, ce que Weick et Sutcliffe appellent « la déférence vers le bas » (2007, 77). Le réseau informationnel peut être structuré de façon à éviter les goulots d’étranglement (déficit de coordination) et la saturation d’information (déficit analytique) selon Boin et al. (2010).

La gouvernance de la résilience représente donc l’intégration des connaissances d’organisations respectives sur le risque au sein d’un système de gestion stratégique des risques auxquels est exposé le réseau qu’ils forment. Cette gouvernance implique la détection précoce de signaux faibles et le partage de connaissances avec la population de la nature des risques. Elle implique aussi la participation d’organisations publiques à titre d’organisations facilitatrices permettant le développement d’une vision plus consensuelle et plus partagée des risques.

C- La gouvernance systémique et gouvernance d’un réseau

La gouvernance systémique en management public signifie essentiellement « les rôles de subventionnement et de vigie des agences gouvernementales, particulièrement en regard des activités des organisations privées qui ont été contractées pour offrir des

52

services publics » (Hill et Lynn 2005, 2 cités par Provan et Kenis 2008). En tant que stratégie d’action, la gouvernance systémique favorisera l’efficacité d’adaptation de la part des organisations d’un même réseau et du réseau dans son ensemble :

« La collaboration est un processus au cours duquel des acteurs autonomes interagissent par le biais de négociation formelle et informelle, créant ainsi de manière conjointe les règles et structure de gouverne de leurs relations et des manières d’agir et de décider vis- à-vis les enjeux qui les ont rapprochés. C’est un processus impliquant des normes partagées et des interactions mutuellement bénéfiques (...) Trouver le juste équilibre entre l’intégration et l’agrégation - en ne se fiant pas à des structures institutionnelles formelles [telles que des ententes et des procédures opératoires standardisées] - pourrait être la clé de la pérennité de collaborer à travers le temps » (Thompson et Perry 2006, 22-23, référant à Thompson 2001).

La gouvernance d’un réseau est donc une forme de collaboration interorganisationnelle, qui s’ancre dans le temps et dans la permanence des interactions constructives permettant une vision partagée de la direction respective à prendre au niveau des organisations membres de ce réseau. Le secteur public n’a pas adopté les modes de gouvernance systémique, les styles de gestion dans les bureaucraties publiques étaient fortement influencés par des approches économiques et managériales.

Conclusion de section

Dans la dernière section, nous avons défini la gouvernance, les formes de gouvernance auxquelles nous ferons référence dans notre recherche, de même que la résilience des systèmes. En bref, la gouvernance systémique représente un tournant que les organisations peuvent prendre pour innover dans leur manière de percevoir les risques et d’agir sur eux.

Dans la prochaine section, nous identifierons certaines des lacunes des études précédentes portant sur les crises et les systèmes complexes.

2.3.2 Les infrastructures essentielles : des faiblesses dans leur analyse et leur