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Résultats relatifs à la reconnaissance de ses propres états de « joie, colère, peur » en situations de stage

5 Chapitre 5 : Présentation et discussion des résultats

5.2 Résultats relatifs à la reconnaissance de ses propres états de « joie, colère, peur » en situations de stage

Le tableau 7 regroupe les résultats concernant la reconnaissance de ses propres états émotionnels de « joie, peur, colère » tel qu’autorapporté par les élèves dans le questionnaire.

La moyenne des scores liés à la joie diminue et celles de la colère et de la peur augmentent ; mais ces différences sont minimes et ne sont pas significatives. Nous nous sommes donc penchées plus spécifiquement sur les résultats des élèves par centre de préformation.

46 Tableau 7 : Résultats relatifs aux états de "joie, colère, peur" des élèves des deux centres (N=25)

Pré-test Post-test

M SD M SD t Df p.

Score Joie (max = 4) 2.92 .55 2.84 .52 -.574 18 .28

Score Colère (max = 4) 2.17 .52 2.25 .39 .627 18 .26 Score Peur (max = 4) 2.23 .45 2.41 .47 1.097 18 .14

Légende 2 : **signifie que la valeur est significative à p .01 ; * signifie que la valeur est significative à p .05 et + signifie qu’on observe une tendance car p .10 (Gay & Airasian, 2000).

Le tableau 8 comprend les résultats pour le premier centre. La moyenne de la joie et de la peur ne changent quasiment pas entre le pré- et le postest. Toutefois, nous observons une légère augmentation de la moyenne pour la colère, différence qui tend à être significative (p ≤ .10). Les élèves semblent rapporter davantage de colère dans les situations de stage au post-test. Toujours par rapport à la colère, on constate que l’écart-type est faible et qu’il y a plus d’homogénéité au niveau des réponses données par les élèves.

Tableau 8 : Résultats relatifs aux états de "joie, colère, peur" du Centre 1 (N=13) Pré-test Post-test

M SD M SD t Df p.

Score Joie (max = 4) 2.95 .58 2.88 .66 -.291 9 .389

Score Colère (max = 4) 2.00 .31 2.18 .36 1.718 9 0.06+

Score Peur (max = 4) 2.13 .49 2.35 .49 .957 9 0.182

Légende 3 : **signifie que la valeur est significative à p .01 ; * signifie que la valeur est significative à p .05 et + signifie qu’on observe une tendance car p .10 (Gay & Airasian, 2000).

Ceci semble montrer une colère ancrée dans la culture de classe. Culture de classe qui pourrait être exposée et interprétée selon différents vecteurs. Tout d’abord, les jeunes, et plus principalement des élèves ayant fait leurs parcours dans le spécialisé, n’ont pas eu l’occasion de créer une mémoire collective de par leur parcours individualisé (Pelgrims, 2009).

Toutefois, même si les parcours scolaires des jeunes du centre 1 sont fortement hétérogènes, leur histoire individuelle s’inscrit malheureusement presque tout le temps dans une notion répétitive d'échecs scolaires. Échecs, incompréhensions qui amènent à tendre vers des stratégies de survie pour protéger l’équilibre et un semblant de bien-être face à ce qui peut les mener à mal. On constate d’ailleurs des résultats très homogènes avec un écart-type de .31 au prétest qui tend vers l’idée que cette colère est ancrée dans leur culture. Les entretiens révèlent également que la colère est l’émotion la mieux décrite au pré- et au post-est. Par

47 exemple, Lucia3 disait au prétest « quand je n’arrivais pas à faire un truc, ça m’énervait. J’ai la tête qui va exploser » et au post-test « j’ai le sang qui bouillonne, je n’arrive plus à me contrôler ».

Une autre hypothèse pourrait être au niveau du leadership de certains jeunes, le monde social et émotionnel des adolescents est bercé par plusieurs variables influançant fortement le comportement dont « les inquiétudes émotionnelles influencées très lourdement par les pairs » (Jones & Hancock, 2004, p. 132). En effet, les professionnels ont non seulement pu observer des jeunes en révolte, mais aussi ont dû canaliser des jeunes en révolte qui avaient un pouvoir assez important sur passablement d’élèves.

Nous remarquons également dans la lecture des résultats une diminution de la joie et une augmentation de la peur dans le post-test. La première hypothèse de compréhension pourrait être de se questionner sur la pertinence de l’intervention. La seconde serait de saisir cette inversion par une possible « suppression de l’expression émotionnelle » (Bouffard &

Vezeau, 2010). Les élèves avaient peut-être tendance à faire croire que ces situations ne les angoissaient pas en faisant comme si c’était une expérience leur procurant de la joie. Au post-test, l’acceptation de cette peur a peut-être eu un effet sur la perception de la joie. Par ailleurs, alors que le pré-test a été effectué avant un stage professionnel, nous pourrions imaginer que les jeunes, par anxiété de se retrouver face à des tâches et un contexte inconnu, pourraient inhiber la réponse émotionnelle véritable afin de ne pas faire face à une situation qui pourrait être anticipée comme trop chargée émotionnellement. Dans le post-test, étant donné que celui-ci a été effectué à la suite du stage, les élèves répondent en fonction d’une situation réellement vécue et plus comme une anticipation de ce qui pourrait arriver.

Le tableau 9 montre les résultats pour le centre 2. Les moyennes ne changent pas de manière significative entre le pré- et le post-test. Mais on constate que les moyennes de la joie et de la colère diminuent et que les résultats sont plus homogènes au post-test. L’identification de la peur, quant à elle, a tendance à augmenter, mais cette différence est minime.

3 Nom fictif

48 Tableau 9 : Résultats relatifs aux états de "joie, colère, peur" du Centre 2 (N=17)

Pré-test Post-test

M SD M SD t Df p.

Score Joie (max = 4) 2.88 .54 2.79 .35 -.598 8 .283

Score Colère (max = 4) 2.35 .64 2.33 .44 .067 8 .474

Score Peur (max = 4) 2.35 .41 2.48 .47 -.543 8 .301

Légende 4 : **signifie que la valeur est significative à p .01 ; * signifie que la valeur est significative à p .05 et + signifie qu’on observe une tendance car p .10 (Gay & Airasian, 2000).

Comme pour le centre 1, on peut faire l’hypothèse qu’il y a un processus de conscientisation de la peur et d’un lâcher prise de la part des élèves pour s’autoriser à vivre et à autorapporter cette émotion.

Si l’on reprend globalement les résultats des trois tableaux présentés en lien avec le questionnaire « joie, colère, peur », nous pouvons relevé une diminution globale de la joie ainsi qu’une augmentation de la peur qui pourrait être expliqué par un effet de la séquence d’enseignement. En référence à l’approche située des émotions, la séquence a peut-être généré chez les élèves des stratégies consistant à réinterpréter plus positivement les caractéristiques des situations de stage ; nous avons en effet insisté sur la nécessité du partage et d’un non-jugement lors de l’exposé de l’un ou l’autre des élèves. Ce cadre sécurisant a peut -être permis une mise à nu adéquate de la part des jeunes. En effet, la peur peut être perçue comme une émotion culturellement peu acceptée car faisant acte de faiblesse. Le fait que les jeunes s’autorisent à évoquer la peur comme pouvant être inhérente à une situation de stage mais pouvant être vécue par la majorité des camarades a amené une discussion possible sur ce que cela pouvait engendrer. Le premier constat a été, comme évoqué ci-dessus, que la peur est une émotion apparaissant chez la plupart des jeunes dans l’une ou l’autre des situations de stage.

Cela permit une appartenance sociale (Richer & Vallerand, 1998) importante pour l’élaboration d’une pensée commune quant aux effets de la peur face à la tâche.

Un autre point qui est apparu lors de nos observations est celui que beaucoup de jeunes ont réalisé qu’il est plus facile de réguler la peur que la colère, ce qui rendait possible un réajustement pour leur bien-être affectif (Boekaerts, 1997). Cette possibilité d’empêcher que la peur atteigne une intensité trop forte a été conscientisée et verbalisée lors des échanges sur les manières que chacun a de l’anticiper ou de la réguler.

Il est aussi à noter que le développement émotionnel atteint son paroxysme en terme d’intensité chez les adolescents et se caractérise souvent « par des réponses qui sont hors de

49 proportions par rapport à l'événement » (Jones & Hancock, 2004, p. 133) particulièrement pour des émotions comme la peur, la colère, l’anxiété, la joie.

Il y a également le facteur d’une prise de conscience du découpage possible dans le vécu émotionnel d’une situation. Le fait d’avoir travaillé sur les différents aspects de l’émotion (Sander & Scherer, 2009), il a été peut-être été possible que les élèves identifient plus adéquatement la peur au niveau physiologique, affectif et cognitif (Pekrun, 1988).

Pour revenir à la question spécifique qui était « les élèves ont-ils une meilleure reconnaissance des émotions sur soi? », il semble complexe de tirer des constats liés uniquement à cette intervention et aux résultats obtenus lors du pré- et du post-test. Comme exposé dans le chapitre 2, point 2.4, il semble primordial de donner aux enfants/adolescents des outils pour comprendre leurs émotions. Malheureusement, la séquence étant particulièrement de courte durée, il serait prétentieux de croire que six séances peuvent jouer un rôle décisif dans la compréhension qu’ont des adolescents de leur vécu émotionnel en sachant que celui-ci se construit depuis la venue au monde de la personne et des interactions dont il est acteur et/ou spectateur. Même si la valeur d’une séquence comme celle-ci n’est pas complètement remise en question, la régularité des interventions, l’automatisation des outils apportés mais surtout un travail massif autour de la rhétorique (Pons, Doudin, Harris, 2004) seraient nécessaire afin de pouvoir rendre compte d’un changement dans la manière que ces jeunes apprivoisent les émotions pour entrer dans une démarche d’autorégulation.