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5 Chapitre 5 : Présentation et discussion des résultats

5.4 Limites et perspectives futures

Les différents résultats présentés dans l’analyse des pré- et post-test n’ont permis de répondre que partiellement à nos questions spécifiques. Même si nous avons tenté de saisir les mouvements des différentes variables au travers des réflexions théoriques et d’observations du terrain dans une dynamique située, il est important de relever les limites de cette recherche et ce qui devrait être pensé pour une plus grande justesse de l’analyse.

Premièrement, notre recherche ne contient pas de groupe contrôle. Nous pouvons mettre en évidence certaines variations qui tendent vers une significativité mais il est impossible de comparer ces résultats avec des élèves du même âge et dans la même situation pré-professionnelle qui n’auraient pas suivi la séquence proposée.

Deuxièmement, bien qu’intervenant dans deux centres de préformation, l’échantillon composé de 30 jeunes ne peut pas permettre de généraliser les résultats obtenus. De plus, dans l’enseignement spécialisé, il est difficile de constituer un échantillon homogène permettant des comparaisons étant donné la diversité dans leur parcours scolaire, leur vécu, leur situation actuelle et leur futur avenir (Pelgrims, 2009).

Troisièmement, la cotation, notamment au niveau du test de reconnaissance des émotions aurait pu être plus précise. Ou du moins, le test aurait pu contenir des images non-utilisées lors de la séquence afin de véritablement évaluer leur capacité à reconnaître des émotions et non pas à faire référence au matériel utilisé.

Quatrièmement, l’une de nous deux étant enseignante dans un des deux centres, il est difficile de savoir l’impact que cela a pu avoir, que cela soit positivement : en voulant, par exemple, bien faire pour que l’enseignante réussisse bien sa recherche à l’université ou négativement : le fait d’être en contact journalier avec un rôle défini en dehors des heures sur la séquence émotion a peut-être empêché une mise à nu de certains jeunes.

Cinquièmement, le moment choisi pour faire cette intervention n’a certainement pas été la bonne période. En effet, proche de la fin de l’année scolaire, il a semblé parfois compliqué de captiver les élèves préoccupés par des questionnements de fond par rapport à leur avenir scolaire et/ou professionnel.

56 Sixièmement, il aurait été intéressant de faire un post-test différé afin de se rendre compte de ce qui aurait pu se cristalliser.

Finalement, cette intervention aurait certainement dû être mieux préparée d’un point de vue pluridisciplinaire afin que les concepts puissent être transféré d’une situation et domaine de la préformation à l’autre et pas uniquement mobilisés lors des six séances.

Concernant ce point, il est également à noter que la séquence était bien trop courte pour que les élèves puissent par eux-mêmes effectuer ce transfert. En effet, comme nous avons pu l’exposer, les élèves de l’enseignement spécialisé ont eu l’habitude d’être dans une hétérorégulation et ce n’est pas en six séances que nous pouvons prétendre à un changement radical dans les mécanismes cognitifs et émotionnels de ces jeunes.

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Conclusion

Il a été vu que les émotions jouaient un rôle dans les apprentissages et que certaines situations pouvaient être influencées par ces émotions. Les élèves à besoins éducatifs particuliers semblent parfois manquer d’outils pour faire face à ces émotions positives ou négatives et peuvent souvent alors mettre en œuvre des stratégies de coping visant à se protéger et maintenir leur bien-être. Les expériences antérieures, les échecs répétitifs peuvent également influencer leur tâche en cours. Nous avons également relevé dans cette recherche, l’importance de mettre en place un dispositif de stages pour ces jeunes afin qu’ils soient confrontés à des situations moins inconnues, mais surtout leur permettre de vivre des situations « positives » suscitant moins d’anxiété pour la suite. Par ailleurs, l’importance de mettre en place un dispositif leur permettant d’acquérir des moyens pour faire plus d’autorégulation n’est pas remise en cause à travers cette recherche et le constat fait sur le terrain semble vraiment marquer ce point. Cependant, par rapport à ce qui a été mis en place dans cette recherche, nous procéderions différemment.

En effet, alors que la majeure partie du cadre théorique a été pensée avant la séquence, nous avons pu observer, lors de la passation des pré-tests et lors des séances un grand questionnement autour de la différenciation de certaines émotions vécues par les jeunes.

Comme cela a pu être mis en exergue lors des résultats, nous avons fait le constat que la peur et la colère sont parfois vécues de manière confuse. Dès lors, nous avons tenté de saisir les enjeux et les raisons pouvant pousser les adolescents à ressentir une émotion ressentie comme moins envahissante et plus acceptable pour maintenir leur bien-être au détriment d’une appréciation correcte de la situation. Ces différents constats ont donc amené la question linguistique et de l’impact sur la manière de vivre et de verbaliser ce que l’on ressent.

Différents auteurs se sont penchés sur la place de la rhétorique dans la possibilité d’être submergé par une émotion négative. Nous avons pu voir l’importance de la compréhension des émotions et la place du discours dans le possible développement adéquat de l’enfant.

Breton (2004) expose que « la parole humaine englobe ces trois registres, exprimer, informer, convaincre. Elle est le fruit d’une combinaison originale de ces trois éléments au sein de laquelle convaincre pourrait bien jouer un rôle prépondérant » (p.30). Même si de nombreux auteurs (Bentolila, Freire, Rancière, Breton) postulent qu’il existe une forte corrélation entre le manque de rhétorique et la montée d’une émotion négative, nous ne pouvant explicitement utiliser leurs conclusions qui mettent en lien ce manque avec la violence physique et verbale.

58 Par ailleurs, nous pouvons nous appuyer sur leurs postulats pour émettre de nouvelles hypothèses quant au fait qu’il semble parfois plus aisé de ressentir de la colère que de la peur.

Outre le fait que la colère peut être attribuée à une cause externe souvent incontrôlable (Weiner), le fait de ne pouvoir comprendre la sensation qui les habite à un moment donné, dans une situation donnée, permet un lien direct avec des manques lexicaux.

Pour tenter de répondre de manière efficiente à une possible élaboration du champ lexical, nous pourrions dans une recherche future, d’une part faire appel à des activités plus centrées sur des jeux de rôle, permettant un travail rhétorique qui ne se focalisait pas uniquement sur le développement cognitif, physiologique et affectif face au vécu de l’émotion. D’autre part, une séquence beaucoup plus longue serait nécessaire et ceci pour permettre une automatisation et prise de conscience des effets d’émotions vécues de manière trop intense mais aussi étendre le travail sur l’ensemble des intervenants des centres de préformations et de leur activités. En effet, le transfert est plus productif et les jeunes pourraient certainement réaliser de manière plus importante que les émotions nous portent positivement ou malheureusement négativement au quotidien.

Pour conclure, nous avons eu énormément de plaisir à vivre cette expérience avec des jeunes preneurs et motivés. Ils nous ont montré un très bel engagement et beaucoup de respect entre eux tout au long de cette recherche que nous espérons pérenne pour la suite de leur vie d’adulte. Même si cette séquence a montré certains effets au niveau de la reconnaissance des émotions, de l’identification des émotions et au niveau de l’autorégulation, et ce d’autant plus au niveau des observations réalisées sur le terrain, nous pensons que cette intervention nécessiterait d’être mise en place plus tôt dans leur parcours scolaire. En effet, chez des adolescents, on se retrouve fréquemment confronté à des attitudes, des comportements qui sont déjà fortement cristallisés et on ne peut que difficilement croire qu’une séquence de six séances peut foncièrement modifier ces réactions habituelles.

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