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12.   Synthèse et conclusion

12.1.   Résultats principaux

12.1.1. Etude développementale

La première étude expérimentale portant sur les enfants normaux était motivée par la pauvreté des connaissances existantes sur ce sujet chez l’enfant et par les résultats controversés rapportés dans la littérature au sujet de l’invariance développementale, ainsi que par l’absence de données sur les capacités d’apprentissage procédural cognitif (aucune étude à ce jour). Enfin, l’hypothèse de sous-systèmes mnésiques procéduraux distincts, fonctionnellement dissociables n’avait jusque là pas été explorée dans le développement.

Pour la tâche de TRS, les résultats ont montré des effets d’apprentissage moteur similaires dans les 3 groupes d’âge évalués. L’apprentissage moteur séquentiel est apparu tant

156 dans les mesures quantitatives (temps de réactions) que qualitatives (précision de l’apprentissage moteur documenté au travers du nombre d’erreurs). Par ailleurs, aucun accès à la connaissance explicite des séquences n’est apparu chez les participants, écartant la participation du système mnésique déclaratif à l’apprentissage moteur séquentiel.

Dans le domaine de l’apprentissage cognitif, nous avons pu montrer que des enfants de 8 ans déjà étaient capables d’apprendre des associations complexes et que leur courbe d’apprentissage ne différait pas statistiquement des autres groupes d’âge, ceci pour la première moitié du test. En revanche, les performances se montraient sensibles à l’effet d’âge pour la seconde moitié du test, les enfants les plus âgés obtenant des scores d’apprentissage plus élevés. Une corrélation entre les performances d’apprentissage procédural et la connaissance déclarative des associations (entre les indices et leur résultat le plus probable) est apparue pour cette phase de test, indiquant une possible participation secondaire du système mnésique déclaratif à l’apprentissage cognitif.

Une analyse des stratégies utilisées par les enfants a été par ailleurs menée pour faire suite aux observations de variations dans la manière d’apprendre des jeunes adultes (Gluck et al., 2002). Les données ont tout d’abord permis d’observer une évolution dans les stratégies utilisées entre 8 et 12 ans. En effet, alors que les plus jeunes utilisent pour la très grande majorité une stratégie associative simple (prise en compte d’un seul indice à la fois pour l’associer à son résultat), une augmentation progressive de l’utilisation de la stratégie intégrative complexe (prise en compte de tous les indices présentés et de leur probabilité d’association avec un résultat particulier) avec l’âge. Par ailleurs, il est intéressant de noter que lorsqu’on appariait les enfants sur la base de la stratégie utilisée, les différences de performances liées à l’âge notées en première analyse (sur la 2ème moitié du test) disparaissaient. Finalement, cette première étude a permis de montrer un développement indépendant des apprentissages procéduraux moteur et cognitif.

12.1.2. Etude auprès d’enfants avec atteinte des noyaux gris centraux

La deuxième étude, clinique, avait pour but d’explorer l’apprentissage procédural chez les enfants avec dysfonction/pathologie des noyaux gris centraux. Etant donné le rôle connu

157 de ces structures cérébrales dans l’apprentissage d’habiletés, et au vu des données indiquant un développement et une maturation fonctionnelle précoce de ces régions cérébrales (Sidman

& Rakic, 1982 ; Chugani1994 ; Chugani, Phelps & Mazziotta, 1987), nous attendions des déficits d’apprentissage procédural chez les enfants avec atteintes du striatum, déficits similaires à ceux présentés par les adultes présentant des atteintes de ces même structures.

Cette hypothèse n’avait toutefois jamais été testée sur une population pédiatrique jusqu’à ce jour. Nous nous interrogions par ailleurs sur la possibilité d’une certaine plasticité et avons dans ce but comparé des enfants avec atteintes précoces (survenues avant l’âge d’un an) ou tardives (acquises après l’âge de 7 ans).

Les résultats ont confirmé nos hypothèses de déficit d’apprentissage procédural dans cette population tant dans les domaines moteur que cognitif. A noter des déficits sévères d’apprentissage cognitif, avec un profil indiquant l’absence prolongée d’apprentissage sur 100 essais, avec ensuite des performances rejoignant celles des enfants sains. Une corrélation entre l’apprentissage procédural cognitif et les connaissances déclaratives est apparue tout comme cela avait été documenté chez les enfants sains, avec même une intervention mnésique explicite plus précoce que celle observée chez les normaux (dès le 2ème bloc de 50 essais chez les enfants avec pathologie des noyaux gris centraux, et dès le 3ème bloc pour les enfants sains), suggèrant un possible phénomène de compensation face à la défaillance du système d’apprentissage procédural.

L’âge de survenue de la dysfonction/lésion (précoce versus tardif) n’a pas modifié le profil ou l’intensité du déficit, et tant une lésion unilatérale, qu’un dysfonctionnement des noyaux gris centraux se manifestant par des signes neurologiques extrapyramidaux discrets sont apparus suffisants pour induire des déficits d’apprentissage procédural cognitif. Ces données suggèrent ainsi qu’il n’existe que très peu de place pour la plasticité cérébrale et/ou pour une compensation contra-latérale dans l’apprentissage cognitif d’associations complexes.

Finalement, il est apparu que les deux patients avec dystonie idiopathique montraient la préservation sélective des compétences d’apprentissage procédural cognitif. Cette affection pourrait ainsi perturber une boucle cortico-striatale sensori-motrice très spécifique,

158 contrairement aux autres atteintes développementales ou acquises, qui seraient plus étendues, affecteraient aussi d’autres circuits cortico-striataux, résultant en des déficits procéduraux plus larges.

12.1.3. Etude auprès d’enfants avec trouble spécifique de langage (TSL)

La troisième étude avait pour objectif de tester l’hypothèse récente de déficit procédural sous-jacent aux TSL, proposée par Ullman (2001, 2004, Ullman & Pierpont, 2005). Ce modèle postule que le développement des règles grammaticales / morphosyntaxiques dépend d’un apprentissage procédural alors que l’acquisition de connaissances lexicales dépend d’un apprentissage déclaratif. Alors que les deux seules études sur l’apprentissage procédural (en modalité motrice pour l’une et langagière pour l’autre) chez les dysphasiques (Tomblin et al., 2007 ; Evans et al., 2009) montrent effectivement des déficits dans cette population, la relation entre les mesures de langage et d’apprentissage procédural reste incertaine. Par ailleurs, tous les enfants avec TSL ne semblent pas forcément présenter de déficits procéduraux, suggérant de possibles sous-groupes distincts de dysphasiques.

Nous avions pour premier objectif de vérifier si l’ensemble des apprentissages procéduraux (moteur, verbal, cognitif) étaient affectés chez les enfants dysphasiques. Nous étions tout particulièrement intéressés à documenter l’apprentissage procédural cognitif en raison de son indépendance face aux aspects verbaux et moteurs, domaines précisément perturbés dans cette population. Le deuxième objectif était de détecter d’éventuels sous-groupes de dysphasiques en distinguant les enfants avec ou sans trouble du développement de la motricité et de la coordination (Developmental Coordination Disorder, DCD) et de voir dans quelle mesure les enfants avec ou sans DCD associé présentaient des profils distincts d’apprentissage procédural. Enfin nous souhaitions explorer la relation entre les performances d’apprentissage procédural et les mesures langagières, grammaticales, lexicales et phonologiques, avec l’hypothèse que des déficits procéduraux devraient corréler avec les mesures grammaticales en particulier.

159 Les résultats ont tout d’abord permis de montrer un profil dissocié de performances au sein des apprentissages procéduraux, avec l’atteinte des apprentissages moteurs et langagiers chez les enfants avec TSL, au contraire de l’apprentissage cognitif, préservé.

Toutefois, l’analyse par sous-groupes de dysphasiques - selon la présence ou non d’un trouble de coordination motrice (DCD) et selon le type de DCD présenté par l’enfant (avec versus sans mouvements choréiformes, susceptibles d’indiquer une dysfonction des noyaux gris centraux) - permet de dégager des profils procéduraux distincts. Les enfants avec dysphasie isolée (càd sans trouble moteur significatif) présentent principalement un déficit d’apprentissage procédural verbal. Ils montrent la possibilité de développer des apprentissages moteurs, tant sur le plan des mesures qualitatives (nombre d’erreurs), que quantitative (temps de réaction), toutefois plus tardivement que les participants contrôles. Les enfants avec TSL et DCD (quelque soit le sous-type de DCD) présentent l’absence d’apprentissage moteur (sur les mesures de TR et d’erreurs) et seuls les enfants dysphasiques avec un trouble DCD incluant des mouvements choréiformes présentent un déficit d’apprentissage procédural cognitif. A noter que les enfants dysphasiques avec mouvements choréiformes ne se distinguent pas de leurs pairs sans mouvements choréiformes sur les mesures langagières ou cognitives non verbales (QIP).

Enfin, les trois tâches procédurales corrèlent avec des mesures langagières distinctes.

Ainsi, on observe un lien entre l’apprentissage moteur séquentiel (TRS) et les mesures langagières expressives, grammaticales et d’accès lexical, et non avec les mesures de connaissances lexicales passives. L’apprentissage procédural langagier corrèle quant à lui avec les mesures méta-phonologiques. Enfin, l’apprentissage cognitif est principalement associé aux mesures langagières réceptives, grammaticales d’une part et lexicales d’autre part.