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Données auprès de populations pédiatriques cliniques

5.   Apprentissage procédural chez l’enfant

5.2.   Données auprès de populations pédiatriques cliniques

Quelques études ont cherché à mettre en évidence des dissociations entre les capacités d’apprentissage déclaratif et procédural auprès de populations cliniques. Ainsi, une dissociation entre les systèmes mnésiques explicites (affectés) et procéduraux (paradigmes de lecture en miroir et de poursuite motrice, intacts) a été rapportée chez des enfants âgés de 8 à 15 ans ayant subi des traumatismes crâniens (Ward et al., 2002). De même, la préservation de

45 capacités d’apprentissage procédural (testé au moyen de tâches d’apprentissage de jeu vidéo et de tracé en miroir) parallèlement à la perturbation des apprentissages déclaratifs a été mise en évidence dans une étude de cas d’un enfant présentant une amnésie sur anoxie (Ostergaard, 1987) alors qu’une double dissociation a été rapportée chez 2 enfants présentant une amnésie développementale (Temple, 2002 ; Temple & Richardson, 2004).

Des profils contrastés de performances d’apprentissage ont par ailleurs été documentés chez des jeunes présentant des retards mentaux dans le cadre de syndromes dysmorpho-génétiques, les syndromes de Williams et de Down. Ainsi, il est apparu que les participants avec syndrome de Down présentaient des faiblesses d’apprentissage déclaratif par rapport aux sujets contrôles appariés sur l’âge mental, alors que leurs compétences d’apprentissage procédural étaient préservées. Au contraire, les jeunes avec syndrome de Williams présentaient des déficits d’apprentissage procéduraux alors que leurs aptitudes mnésiques déclaratives apparaissaient intactes. En effet, les études montrent des déficits d’apprentissage procédural dans le domaine moteur, tel qu’évalué au moyen de tâches de TRS (Vicari, Bellucci & Carlesimo, 2001 ; Vicari, Verucci & Carlesimo, 2007) ou de poursuite motrice (Don et al., 2003), mais aussi dans le domaine verbal, documenté au travers d’une tâche d’apprentissage d’une grammaire artificielle (Don et al., 2003) et enfin dans le domaine cognitif, tels que mesuré au moyen de la Tour de Londres (Vicari et al., 2001). Vicari et al.

(2001) suggèrent que les déficits procéduraux observés chez les patients avec syndrome de Williams pourraient être en lien avec l’atrophie (ou hypoplasie ?) des noyaux gris centraux rapportée dans cette affection génétique (Jernigan & Bellugi, 1990).

Vinter et Detable (2003) ont par ailleurs étudié les performances d’apprentissage d’habiletés au moyen de la tâche de modification du comportement de dessin (cf procédure de Vinter et Perruchet, 2000) chez des jeunes avec retard mental léger et modéré et ont observé l’absence de différence entre les participants avec retard mental et les participants contrôles, appariés sur l’âge mental ou sur l’âge chronologique.

Quelques études ont par ailleurs montré des déficits d’apprentissage d’habiletés motrices chez des enfants avec autisme, dans des tâches de TRS (Mostofsky, Goldberg, Landa

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& Denckla, 2000) et de poursuite motrice (Gidley Larson & Mostofsky, 2008). Une étude rapporte cependant des données non congruentes (Barnes et al., 2008), et indique la préservation des capacités d’apprentissage dans une tâche de TRS. A noter toutefois que l’apprentissage séquentiel moteur s’est avéré plus lent à apparaître chez les jeunes avec trouble autistique comparé aux sujets contrôles, ce qui pourrait tout de même indiquer une efficience moindre des capacités d’apprentissage séquentiel dans cette population, tel que cela a été documenté chez les dysphasiques (Tomblin et al., 2007). Par ailleurs, des différences dans les cohortes de participants des 2 études (trouble envahissant du développement non spécifié, autisme de haut niveau, syndrome d’Asperger…) ainsi que des différences méthodologiques dans les paradigmes utilisés (alternance des séquences versus répétition en boucle ; associations simples de stimuli versus relations de second ordre) pourraient jouer un rôle dans la détection ou non de déficits.

Beaucoup de chercheurs s’intéressent actuellement à l’apprentissage procédural auprès de participants dyslexiques, dans l’idée que la dyslexie pourrait découler d’un déficit d’automatisation des processus d’apprentissage. A une exception près (Kelly et al., 2002), la grande majorité des données indique que les dyslexiques ont des déficits d’apprentissage d’habiletés motrices dans des tâches de TRS (Vicari et al., 2003 ; Vicari et al., 2005 ; Stoodley et al., 2008 ; Menghini et al., 2006 ; Howard et al., 2006), et de tracé en miroir (Vicari et al., 2005). De manière intéressante, il semble que les enfants mauvais lecteurs (mais non dyslexiques) présentent des capacités d’apprentissage de séquences motrices normales (Stoodley et al., 2008), suggérant des différences dans les mécanismes cognitifs sous-jacents pour ces 2 populations. Par ailleurs, une étude d’imagerie fonctionnelle (IRMf) sur une tâche de TRS (Menghini et al., 2006) a permis de mettre en évidence une augmentation des activations cérébrales dans les régions pariétales inférieures et dans le cervelet chez des adultes dyslexiques par rapport aux sujets contrôles. En revanche, les dyslexiques montraient l’absence d’activation de l’aire motrice supplémentaire et du putamen, contrairement aux participants contrôles. Ces données indiquent une dysfonction d’un vaste réseau fronto-striatal-pariétal-cérébelleux dans cette population clinique parallèlement à leur échec dans l’apprentissage séquentiel moteur.

47 Finalement, deux études se sont intéressées à un trouble neurodéveloppemental découlant d’une dysfonction fronto-striatale, le syndrome de Gilles de la Tourette (GTS) et qui consiste en des tics chroniques sévères. A ces tics sont fréquemment associés un déficit d’attention, des troubles exécutifs et différentes manifestations neuropsychiatriques (Leckman et al., 2006). Ces études ont permis de montrer un déficit d’apprentissage procédural cognitif dans une tâche de classification probabilistique dans un collectif de 20 enfants âgés de 12 ans (Kéri et al., 2002) et chez des adultes (Marsh, 2004). Les auteurs rapportent une corrélation entre le degré de sévérité des tics (mesurés au moyen de la Yale Global Tic Severity Scale, voir Leckman et al., 1989) et le déficit procédural cognitif. Par contre, les participants (adultes et enfants) avec GTS montrent la préservation des capacités d’apprentissage moteur aux tâches de tracé en miroir et de poursuite motrice (Marsh et al., 2005), suggérant des systèmes d’apprentissage procédural fonctionnellement dissociables. Malheureusement, la description du collectif reste très rudimentaire, et ne donne en particulier aucune indication sur la sévérité des troubles cognitifs associés, notamment exécutifs. Ces déficits sont cependant souvent importants au sein de cette population, et leur contribution dans les résultats de cette étude ne peut ainsi pas être évaluée. Par ailleurs, l’implication des noyaux gris centraux a été attestée pour les épreuves motrices séquentielles (participation striatale incertaine pour les épreuves perceptivo-motrice non séquentielles, cf section sur les troubles moteurs chez l’adulte) et la préservation des tâches motrices présentées dans l’étude de Marsh et al (2005) ne permet ainsi pas d’exclure des anomalies d’apprentissage moteur séquentiel dans cette population.

Ces études indiquent dans l’ensemble que des dissociations entre les systèmes mnésiques peuvent être observées chez les enfants à l’instar des adultes. Elles concernent toutefois des populations avec lésions ou troubles du développement cérébral diffus. Il n’existe par contre aucune donnée sur l’apprentissage procédural chez des enfants avec des pathologies localisées dans les noyaux gris centraux. Le deuxième volet de notre travail visera ainsi l’étude des compétences d’apprentissage procédural chez une population d’enfants avec dysfonction/atteinte des noyaux gris centraux.

48 6. APPRENTISSAGE PROCEDURAL ET TROUBLE SPECIFIQUE DU LANGAGE (TSL)

Les troubles spécifiques du langage (ou dysphasies) correspondent à un retard d’apparition et à un déficit persistant et invalidant du développement du langage chez un enfant par ailleurs normalement intelligent et ne présentant pas d’atteinte neurologique, de pathologie de l’appareil bucco-linguo-facial, de trouble de l’audition ou de pathologie primaire des interactions sociales (exclusion des troubles autistiques). Les enfants avec TSL présentent des déficits multiples bien que variables au niveau de la phonologie, du lexique, de la morphosyntaxe et/ou de la pragmatique (pour revue, voir Zesiger & Majerus, 2009).

Des controverses existent quant à la nature des déficits cognitifs sous-jacents aux TSL.

Tandis que certains auteurs privilégient l’hypothèse d’un déficit linguistique spécifique affectant le développement et la représentation des marqueurs grammaticaux – du moins pour certains sous-groupes d’enfants avec TSL (Van de Lely, Rosen & Adlard, 2004; Gopnik &

Crago, 1991; Rice & Wexler, 1996)-, d’autres chercheurs suggèrent qu’un déficit non spécifique au domaine linguistique rend compte du trouble de langage. Ainsi, différentes études ont montré que les enfants dysphasiques présentaient, dans des proportions variables, des limitations dans la mémoire à court terme phonologique (Gathercole & Baddeley, 1990;

Montgomery, 2000), des troubles du traitement rapide des informations auditives et verbales et/ ou un retard de maturation auditive (Tallal et al., 1996; Bishop & McArthur, 2004), ou encore une limitation globale de la vitesse de traitement (Miller, Kail, Leonard & Tomblin, 2001).

Récemment, Ullman (Ullman, 2001, 2004; Ullman and Pierpont, 2005) a proposé un modèle « Déclaratif/Procédural » pour tenter de rendre compte des troubles spécifiques de langage. Selon ce modèle, le développement du langage s’appuie sur deux systèmes distincts d’apprentissage, le premier permettant de mémoriser des informations arbitraires et spécifiques, le second étant nécessaire au traitement et à l’apprentissage de régularités propres à la langue. Ainsi, l’apprentissage d’informations arbitraires, permettant le développement et

49 la mémorisation des connaissances lexicales (apprentissage des mots et de leur sens, mais aussi des formes verbales irrégulières) serait sous-tendu par le système mnésique déclaratif et dépendrait des lobes temporaux médians. L’apprentissage des règles combinatoires, des procédures qui gouvernent les régularités de la langue et en particulier les procédures permettant de combiner les éléments en de structures plus complexes dépendraient en revanche du système procédural. Ce système de traitement séquentiel, de détection et d’apprentissage de régularités permettrait ainsi l’accès à la syntaxe et à la morphologie inflexionnelle / dérivationnelle (typiquement à la conjugaison des verbes réguliers), aux aspects phonologiques (règles de combinaison des sons). Ces aptitudes dépendraient ainsi du système d’apprentissage procédural, lui-même sous-tendu par le circuit fronto-striatal. Pour Ullman & Pierpont (2005), les hypothèses avancées jusqu’ici ne permettraient pas d’expliquer les variations de déficits langagiers et non langagiers présentés par les enfants et ne permettraient pas de faire la lumière sur les origines cérébrales des troubles cognitifs présentés par les enfants avec dysphasie. A leur avis, leur modèle permettrait mieux d’expliquer les différents déficits rencontrés chez les enfants avec TSL en raison de la perturbation des noyaux gris centraux, et des structures cérébrales fortement connectées sous-tendant une variété de fonctions cognitives. Ainsi, par exemple, les déficits de mémoire de travail, mais aussi les troubles du développement moteur, et le déficit d’attention souvent associés à la dysphasie, découleraient pour ces auteurs de l’atteinte du système procédural. A mon sens, ces auteurs font une certaine confusion entre la fonction (système d’apprentissage procédural) et le substrat neurologique (noyaux gris centraux) dans leur théorie, et il me semble difficile de dire qu’un déficit d’attention découle d’un trouble du système procédural.

Il me semble ainsi plus correct de dire que ces auteurs postulent une dysfonction striatale dans la dysphasie, dysfonction responsable d’un déficit d’apprentissage procédural d’une part et de déficits cognitifs (notamment mémoire de travail et attention) d’autre part. Par ailleurs, Ullman et Pierpont (2005) postulent un déficit global d’apprentissage procédural, et ils n’évoquent donc pas les différentes composantes de ce système d’apprentissage. Aucune hypothèse particulière n’est donc faite pour les aspects d’apprentissage procédural cognitif par exemple.

50 Etant donné que le bébé (normal) détecte de manière automatique les régularités du matériel verbal et peut ainsi apprendre à segmenter des mots (Saffran, 2006), et que ce processus d’apprentissage par l’expérience semble ainsi lié au développement du langage, il paraît raisonnable de suspecter un déficit d’apprentissage procédural verbal dans la dysphasie.

A noter toutefois des divergences d’hypothèses et de résultats dans le rôle joué par ce processus d’apprentissage procédural dans le développement langagier. Tandis qu’Ullman et Pierpont (2005) postulent un déficit d’apprentissage syntaxique et phonologique mais un développement lexical préservé (vu sa dépendance au système d’apprentissage déclaratif), Saffran (2006) montre l’implication du système de détection de régularités dans la capacité à segmenter le flux de parole en mots. Ces résultats suggèrent que l’apprentissage de régularités pourrait également sous-tendre le développement lexical précoce de l’enfant, contrairement au postulat énoncé dans le modèle d’Ullman & Pierpont (2005).

Diverses observations effectuées sur des populations adultes normales (études d’électrophysiologie et de neuroimagerie fonctionnelle) mais aussi cliniques (atteintes temporales versus fronto-striatales) semblent congruentes avec les prédictions langagières proposées dans le modèle d’Ullman. Ainsi, les adultes avec atteinte des lobes temporaux parallèlement à la préservation des structures fronto-striatales (patients avec démence sémantique ou maladie d’Alzheimer par exemple) présentent un déficit pour les connaissances sémantiques et lexicales acquises et montrent une altération dans la déclinaison des formes verbales irrégulières (dig Ædug) (Ullman, et al, 1997b; Miozzo, 2003; Patterson, Lambon Ralph, Hodges, & McClelland, 2001; Cortese et al, 2006; Walenski, Sosta Cappa & Ullman, 2009) alors qu’il disposent de compétences préservées pour le traitement des verbes réguliers (ex : walk Æ walked). Au contraire, les patients avec atteinte des noyaux gris centraux mais sans altérations des lobes temporaux montrent un déficit plus prononcé pour la production des formes verbales régulières qu’irrégulières parallèlement aux troubles procéduraux affectant l’apprentissage de séquences motrices. Ce déficit se différencie toutefois selon le type de dysfonction fronto-striatale : les patients avec maladie de Huntington, chez lesquels la dégénérescence striatale résulte en des mouvements involontaires non contrôlés (profil

« hyperkinétique »), montrent l’adjonction fréquente des suffixes (walkeded, blickeded),

51 contrairement aux patients Parkinsoniens, qui présentent quant à eux une réduction des mouvements, une akinésie (profil « hypokinétique ») (Longworth et al., 2005; Murray, 2000;

Ullman et al., 1997b). De même, les enfants avec syndrome de Gilles de la Tourette montreraient quant à eux des temps de production accélérés (dans des tâches de production en temps chronométré) pour les formes verbales régulières- mais non pour les formes irrégulières –comparativement aux contrôles (Walenski et al, 2007). Les auteurs suggèrent que dans cette entité, les anomalies de fonctionnement fronto-striatal résultent en une facilitation / augmentation de différents comportements (profil « hyper »), incluant des tics et d’autres aspects de traitement cognitif basé sur le traitement de régularités. Enfin, quelques études électro-physiologiques (Potentiels Evoqués) et d’imagerie fonctionnelle (IRMf) semblent également indiquer des réseaux fonctionnels distincts pour le traitement des formes verbales régulières versus irrégulières (Newman et al., 2009 ; Ullman, Bergida & O’Craven, 1997a).

La découverte d’une mutation sur le gène FOXP2- situé sur le bras long du chromosome 7 chez de nombreux membres d’une même famille (KE) présentant une dyspraxie bucco-linguo-faciale et verbale associée à des troubles du langage (Fisher et al., 1998), a contribué à l’idée de l’implication des régions striatales dans les capacités langagières et oromotrices. En effet, des données d’imagerie (Voxel-based Morphometry) ont mis en évidence des anomalies bilatérales des noyaux caudés et ont montré une corrélation entre le volume des caudés et les performances articulatoires et oromotrices (Vargha-Khadem, Gadian, Copp & Mishkin, 2005). Par ailleurs, ce gène est apparu avoir un rôle dans le développement des circuits cortico-striataux et olivo-cerebelleux chez la souris et chez l’humain (Lai et al., 2003), circuits impliqués dans le contrôle moteur. Il a également été montré qu’une réduction d’expression de ce gène FOXP2 chez l’oiseau (« zebra finches ») provoquait une altération de la capacité à apprendre les chants (Fisher & Scharff, 2009). Ainsi, lorsque le jeune oiseau tente d’imiter le modèle des oiseaux adultes, on constate qu’il ne reproduit que certains sons et en omet d’autres. Les notes produites sont moins précises que dans les modèles et la séquence des sons d’un chant à l’autre est davantage variable. Ces imprécisions et la variabilité des productions ressemblent à ce qui est observé chez les humains avec mutation du gène FOXP2. La question

52 de savoir s’il s’agit d’un déficit d’intégration sensori-motrice, d’un problème d’exécution motrice ou d’un trouble sensoriel reste ouverte.

Enfin, une étude d’imagerie fonctionnelle (SPECT) semble attester du rôle des régions des noyaux gris centraux dans les troubles spécifiques de langage. Ainsi, Ors et al. (2005) ont mis en évidence une diminution du métabolisme dans les régions sous-corticales (striatales) et pariétales parallèlement à une symétrie anormale des régions temporales chez des enfants avec dysphasie.

Deux études ont récemment proposé des tâches d’apprentissage procédural à des personnes dysphasiques afin de tester le modèle d’Ullman. La première, conduite par Tomblin et al. (2007), s’est intéressée à l’apprentissage moteur séquentiel (tâche de TRS), chez des adolescents porteurs d’un diagnostic de trouble spécifique de langage, comparés à des participants contrôles appariés sur l’âge (version itérative proposant une séquence de 10 positions répétées sur 200 essais, avec un bloc d’essais en ordre aléatoire en début et fin de tâche). Les résultats ont montré un apprentissage procédural plus lent chez les adolescents avec TSL que sans trouble de langage. Une deuxième analyse - après avoir classé les jeunes gens dysphasiques selon leurs aptitudes grammaticales et lexicales - a permis de constater que ceux avec troubles grammaticaux (mesure langagière grammaticale mixte incluant des tâches de compréhension, complétion et répétition) montraient des déficits d’apprentissage procédural moteur, alors que ceux présentant des troubles lexicaux (mesure langagière mixte incluant de la dénomination et de la compréhension) disposaient de capacités normales d’apprentissage séquentiel moteur, corroborant ainsi l’hypothèse du modèle Déclaratif/Procédural.

Une deuxième étude s’est quant à elle penchée sur les capacités de détection des probabilités transitionnelles d’une langue artificielle d’une part et de séquences de tons d’autre part chez des enfants avec TSL âgés de 6 à 14 ans (Evans, Saffran & Robe-Torres, 2009). La langue artificielle était constituée de 12 syllabes consonne-voyelle, combinées en 6 mots trisyllabiques, et dans laquelle les probabilités transitionnelles liant les syllabes à l’intérieur des mots étaient supérieures à celles entre les mots. Une structure similaire pour les

53 tons était par ailleurs construite. L’apprentissage était mesuré au moyen d’un paradigme de choix forcé à la fin de la phase d’exposition à la langue. Alors que les participants contrôles montraient des capacités d’apprentissage dans les deux conditions proposées, les enfants dysphasiques disposaient de capacités réduites d’apprentissage pour la langue artificielle (effet d’apprentissage visible seulement après une exposition prolongée de 42 minutes à la langue artificielle chez les dysphasiques et non après 21 minutes d’exposition comme chez les contrôles) et l’échec d’apprentissage de la condition non-verbale (tons). Etonnamment, une corrélation entre les effets d’apprentissage statistique et les mesures lexicales a été mise en évidence, élément non prédit par le modèle Déclaratif/Procédural (corrélation avec les mesures de dénomination et de compréhension chez les participants contrôles, corrélation avec la mesure de compréhension lexicale chez les enfants avec TSL). Ce résultat a amené les auteurs à postuler un phénomène d’apprentissage implicite aussi dans le développement du vocabulaire chez l’enfant. Il est toutefois possible que le paradigme expérimental, prévu pour détecter des frontières entre les mots, ait élicité cette association entre les aspects lexicaux et les capacités d’apprentissage verbal. En outre, Evans et al (2009) n’ont pas intégré d’autres dimensions langagières en dehors des mesures lexicales dans leur analyse, ne permettant ainsi pas de connaître une éventuelle corrélation entre les aspects grammaticaux et les performances d’apprentissage verbal dans leur étude.

A ce jour, les données de la littérature sur l’hypothèse du déficit procédural à l’origine de la dysphasie restent donc très peu nombreuses et des controverses persistent quant au rôle que ce système de détection de régularités joue précisément dans le développement des différentes aspects langagiers (phonologique, lexical, syntaxique). Par ailleurs, aucune étude n’a tenté de vérifier l’hypothèse d’Ullman et Pierpont (2005) d’un déficit procédural global en proposant différents types d’apprentissages procéduraux (verbaux, moteurs, cognitifs). Le dernier volet de notre travail concernera ainsi l’étude des capacités d’apprentissage procédural dans ses différentes facettes, auprès d’une population d’enfants avec TSL.

54 7. OBJECTIFS ET HYPOTHESES DE CE TRAVAIL

L’objectif de ce travail consiste à étudier les capacités d’apprentissage procédural dans différentes modalités, premièrement dans une perspective développementale, auprès d’enfants sains de 8 à 12 ans, et deuxièmement dans une perspective clinique, chez de patients avec atteintes des noyaux gris centraux d’une part, et chez des jeunes avec trouble spécifique de langage d’autre part.

Notre étude s’inscrit dans une perspective de systèmes de mémoire multiples, dans laquelle le système d’apprentissage procédural est dissociable d’autres formes d’apprentissage, en particulier de l’apprentissage déclaratif, et dans laquelle ce système d’apprentissage procédural est lui-même composé de sous-systèmes d’apprentissage fonctionnellement distincts. Nous nous référons en effet aux nombreuses données de la littérature, notamment neuropsychologique, qui indiquent pour la grande majorité des profils de déficits procéduraux -et non de mémoire déclarative- chez les adultes avec atteinte des

Notre étude s’inscrit dans une perspective de systèmes de mémoire multiples, dans laquelle le système d’apprentissage procédural est dissociable d’autres formes d’apprentissage, en particulier de l’apprentissage déclaratif, et dans laquelle ce système d’apprentissage procédural est lui-même composé de sous-systèmes d’apprentissage fonctionnellement distincts. Nous nous référons en effet aux nombreuses données de la littérature, notamment neuropsychologique, qui indiquent pour la grande majorité des profils de déficits procéduraux -et non de mémoire déclarative- chez les adultes avec atteinte des