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A propos du rôle des noyaux gris centraux, du cervelet et du cortex préfrontal dans

4.   Apprentissage procédural chez l’adulte

4.1.   Domaine moteur

4.1.3.   A propos du rôle des noyaux gris centraux, du cervelet et du cortex préfrontal dans

Quelques études ont vu le jour chez des patients porteurs de pathologies cérébelleuses, frontales ou striatales dans le but de mieux explorer le rôle respectif de ces différentes structures cérébrales dans l’apprentissage moteur.

25 1) cervelet : Dans l’ensemble, la littérature rapporte l’absence d’apprentissage séquentiel moteur dans les tâches de TRS chez les patients avec atteinte cérébelleuse (Pascual-Leone et al., 1993 ; Molinari et al, 1997), suggérant un rôle critique du cervelet dans la détection et la reconnaissance du matériel séquentiel. Gomez-Beldarrain et al. (1998) ont par ailleurs rapporté l’absence d’apprentissage chez des sujets avec atteinte cérébelleuse focale unilatérale d’origine vasculaire lorsque la tâche était effectuée avec la main ipsilatérale à la lésion alors qu’un apprentissage séquentiel normal était obtenu avec la main contralatérale à la lésion. Une étude de stimulation magnétique transcranienne répétitive (rTMS) sur le cervelet latéral effectuée auprès de volontaires sains a permis de confirmer qu’une interférence dans l’activité du cervelet latéral résultait en une diminution significative de l’apprentissage procédural dans une tâche de temps de réaction sériels (Torriero et al., 2004). Par ailleurs, une interférence dans l’activité du cervelet droit parasitait l’apprentissage procédural quelque soit la main (droite ou gauche) utilisée, alors qu’une stimulation sur le cervelet gauche parasitait essentiellement l’apprentissage procédural si celui-ci était effectué de la main ipsilatérale à l’interférence, suggérant l’implication du cervelet dans l’apprentissage procédural sériel, et des différences de rôles des hémisphères cérébelleux dans les capacités d’apprentissage.

2) Lobes frontaux : L’étude d’un collectif de patients avec lésions préfrontales unilatérales d’étiologies variées (Gomez et al., 1999) et une étude de cas avec lésion de l’aire motrice supplémentaire gauche (Ackermann et al., 1996) ont permis d’observer un déficit d’apprentissage dans des tâches de TRS indiquant le rôle du cortex préfrontal dans ce type d’apprentissage. Ces données semblent corroborées par une étude d’imagerie fonctionnelle montrant des activations spécifiques à l’apprentissage de séquences dans le cortex ventrolatéral préfrontal droit (Van der Graf et al., 2006) et par les résultats de rTMS, qui montrent qu’une stimulation du cortex préfrontal dorsolatéral perturbe l’apprentissage procédural dans une tâche de TRS (Pascual-Leone et al., 1996). Signalons que dans l’étude de Gomez et al (1999), la performance était d’autant plus affectée que le patient présentait un déficit de mémoire de travail, suggérant l’intervention de ce facteur cognitif spécifique dans la capacité d’apprentissage.

26 Malgré ces évidences de l’implication du cortex préfrontal dans l’apprentissage séquentiel moteur, d’autres études fournissent des résultats opposés. En effet, dans une étude spécifiquement orientée dans le but de départager le rôle du striatum, des lobes frontaux et du cervelet dans l’apprentissage procédural moteur, Doyon et al. (1997) ont montré que seuls les patients avec atteinte bilatérale des noyaux gris centraux (maladie de Parkinson) ou les patients avec atteinte cérébelleuse présentaient des troubles d’apprentissage procédural, suggérant que l’apprentissage séquentiel moteur dépendait de l’intégrité de ces deux structures, mais pas des lobes frontaux (9 patients, avec des atteintes dorsolatérales ou orbitofrontales principalement). Par ailleurs, une autre étude, effectuée auprès de patients avec atteintes frontales sur rupture de l’artère communicante antérieure, ne met pas non plus en évidence de déficit d’apprentissage procédural (Stefanova et al, 2000).

Ces études cliniques montrent des résultats controversés et rendent compte de la difficulté à départager le rôle spécifique de chacune des régions cérébrales dans l’apprentissage. Elles montrent cependant qu’une atteinte du circuit cérebello-fronto-striatal peut altérer l’apprentissage moteur de séquences. Pour Doyon (2003), l’acquisition d’habiletés motrices produirait des changements de représentation dans différentes structures cérébrales et ces changements ne dépendraient pas uniquement de l’étape d’apprentissage mais aussi du type d’apprentissage à effectuer (Figure 6). Ces derniers pourraient relever d’un apprentissage de nouvelles séquences (« Motor sequence learning ») ou de l’adaptation à des perturbations de l’environnement (« Motor adaptation »). Lors des phases initiales de l’apprentissage, le recrutement des régions cérébrales seraient relativement similaires et impliqueraient le striatum, le cervelet, les aires corticales motrices (cortex prémoteur et aires motrices supplémentaires notamment) en association avec les régions préfrontales et pariétales. Des interactions dynamiques entre ces structures permettraient d’établir des routines motrices nécessaires au développement de l’habileté motrice spécifique. Peu à peu, des modifications de recrutrement des différentes régions cérébrales selon le type d’apprentissage seraient observées. Ainsi, lorsque l’habileté motrice devient mieux automatisée, les représentations seraient davantage cortico-cerebelleuses pour les compétences qui requièrent une adaptation motrice, alors qu’elles deviendraient davantage

27 cortico-striatales lors de tâches motrices séquentielles. Ainsi, dans un premier temps, le cervelet serait impliqué dans la phase initiale de l’apprentissage de séquences nouvelles et de l’ajustement cinématique du mouvement en vue d’une réponse motrice précise. La contribution du cervelet diminuerait ensuite au profit du striatum qui jouerait un rôle plus important lors des phases davantage automatisées de la performance d’apprentissage séquentiel.

Figure 6. Plasticité des systèmes cortico-striataux et cortico-cérébelleux impliqués dans les différentes phases de l’apprentissage de séquences motrices (« Motor sequence learning ») ou d’adaptation motrice aux perturbations de l’environnement (« Motor adaptation »).Voir texte pour les détails. Tiré de Doyon, 2003

3) dysfonctions fronto-striatales : de nombreuses études étudient actuellement les compétences d’apprentissage procédural de patients présentant des troubles

28 neuropsychiatriques impliquant une dysfonction fronto-striatale. Une faiblesse d’apprentissage procédural dans des tâches de TRS a ainsi été décrite chez des personnes présentant un syndrome obsessif-compulsif (Kathmann et al., 2005 ; Goldman et al., 2008) et chez des patients schizophrènes (Kumari et al., 2002 ; Siegert et al., 2008).

Des données d’imagerie cérébrale fonctionnelle (fMRI) obtenues auprès de patients schizophrènes lors de la tâche de TRS ont par ailleurs permis de montrer des activations cérébrales différentes de celles des sujets contrôles (Kumari et al 2002), même lorsque les capacités d’apprentissage moteur sont similaires à celles des sujets normaux (Zedkova et al, 2006), suggérant des mécanismes de compensation cérébrale dans ces pathologies. Un des problèmes soulevés par ce type de population réside notamment dans le rôle de la dysfonction exécutive d’une part, et dans l’impact des médicaments neuroleptiques d’autre part dans les résultats obtenus. En effet, Bedard et al. (2000) ont montré que l’apprentissage procédural dans la tâche de TRS peut être affecté de manière différente selon que les patients sont traités par des neuroleptiques avec haute affinité aux récepteurs dopaminergiques (halopéridol, risperidone) et connus pour induire des symptômes extrapyramidaux -signant une dysfonction striatale - ou non (clozapine). Cet effet médicamenteux s’est également confirmé dans d’autres tâches procédurales motrices ou non motrices (Scherer et al., 2004 ; Purdon et al, 2003).