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INTRODUCTION DE LA DEUXIEME PARTIE

Section 2 : Une nécessaire approche exploratoire

2.2. Résultats issus de l’analyse lexicale

Pour notre analyse, nous avons appliqué Alceste, version 4.5, sur les corpus des mères et des adolescentes, en ayant au préalable retiré les interventions de l’enquêteur.

2.2.1. Le discours des mères

L’analyse du corpus des mères nous permet de dégager trois classes de discours principales (annexe II-4-3).

D’abord, les deux premières classes ont été explicitement amenées par le guide d’entretien. La première classe évoque ce qu’est être une adolescente autonome par les mots « autonome », « responsabilité », « mature », « grandir », « adulte », « dépendre », « décision », « opinion », « réfléchir », « choix »… L’autonomie apparaît bel est bien comme un thème fondamental et particulièrement intéressant au moment de l’adolescence.

La deuxième classe de discours comprend un ensemble de mots relatifs à l’argent : « argent de poche », « acheter », « gagner », « dépense », « compte », « payer », « vêtement », « budget », « notion », « carte », « épargne »…. Les mères soulignent le rôle de l’argent de poche lorsqu’elles abordent le thème du shopping. En effet, c’est notamment dans cette classe qu’apparaissent les mots « vêtement » et « shopping ».

Ensuite, une classe de discours qui ne faisait pas partie des thèmes du guide d’entretien émerge spontanément : il s’agit du rôle « fonctionnel » de la mère dans l’autonomie de sa fille adolescente. Cette classe émerge à travers des verbes d’action relatifs aux conduites comme : « appeler », « téléphoner », « conduire », « chercher », « retourner », « rechercher », « organiser »…

2.2.2. Le discours des adolescentes

Les résultats de l’analyse lexicale par contexte menée sur le corpus des adolescentes semblent plus riches que ceux issus du corpus des mères (annexe II-4-3). En effet, trois classes de

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discours absentes chez les mères émergent chez les adolescentes : le shopping, l’avenir et l’importance des pairs.

D’abord, trois de ces classes ont été explicitement amenées par le guide d’entretien et sont directement dérivées de la littérature en sociologie : la vie au lycée, la relation parents-enfant et l’argent de poche.

La première classe de discours comprend un vocabulaire qui met en lumière la vie au lycée, et en particulier la relation que l’adolescente entretient avec ses pairs : « classe », « ami », « garçon », « gens », « personne », « monde », « contact », « extérieur », « résister »…. Dans le discours des adolescentes, être autonome se définit comme la capacité à entretenir des relations stables et saines avec ses pairs, à développer des relations intergroupes et mixtes, à résister à la pression et à l’influence des pairs... La deuxième classe comprend un ensemble de mots relatifs à l’autonomie financière : « argent », « compte », « dépenser », « gérer », « gagner », « « économiser »... L’autonomie financière correspond à un autre terrain d’application privilégié de l’autonomie de l’adolescente. La troisième classe regroupe un ensemble de mots évoquant la relation parents-adolescente : « bêtise », « parent », « indépendant », « accrochages », « cacher », « problème »… Bien que le mot « parent » soit représentatif de cette classe, la plupart des autres mots comme « accrochages », « cacher », « problème »…ont été utilisés dans un contexte bien précis : celui où l’adolescente abordait la relation qu’elle entretenait avec sa mère.

Ensuite, une classe de discours résulte d’un regroupement de plusieurs thèmes du guide d’entretien. Il s’agit des autres terrains d’application de l’autonomie de l’adolescente : les sorties, les vacances, le travail scolaire, l’aide ménagère… Ces termes évoquent l’ensemble des domaines où se manifeste l’autonomie d’une adolescente : « maison », « ranger », « métro », « soir », « vacances ».

Enfin, deux classes de discours qui ne figuraient pas parmi les thèmes du guide d’entretien ont émergé spontanément : une classe relative à l’avenir et une autre classe relative au shopping. Une classe de discours relative à l’avenir émerge à travers des termes comme: « métier », « médecin », « étude », « orientation »… Dans le discours des adolescentes, être autonome, c’est avoir des projets pour soi, en particulier des projets professionnels. Une autre classe de discours met en lumière les aspects du shopping : « acheter », « vêtements », « habit », « montrer », « magasin », « hésiter », « avis » … Cette classe de discours est la plus représentative23 « quantitativement » alors que le shopping était un thème parmi d’autres que

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les adolescentes ont abordé. Cela suggère que le shopping est un terrain privilégié d’application de l’autonomie de l’adolescente.

2.2.3. Du discours des adolescentes aux facettes

Nous tenterons de passer d’une description à une réorganisation de ces classes de discours à partir des travaux théoriques évoqués antérieurement. Notre objectif est de synthétiser les six classes de discours de l’autonomie (corpus adolescentes) en quelques axes organisateurs que l’on nommera les facettes de l’autonomie. Pour ce faire, nous nous inspirons du modèle multidimensionnel de l’autonomie de l’adolescent proposé par Noom, Dekovic et Meeus (2001). Suivant leurs préconisations, l’autonomie de l’adolescent se compose de trois facettes : la facette cognitive, la facette conative et la facette affective. Nous proposons de reprendre la différenciation qu’ont opérée Noom, Dekovic et Meeus (2001) entre le conatif et le cognitif puisqu’elle rend compte des deux versants que nous retrouvons en comportement du consommateur au niveau des réponses du consommateur : l’un relatif aux connaissances (le cognitif), l’autre à l’action (le conatif). Deux autres facettes émergent de l’analyse lexicale par contexte : il s’agit de la facette sociale relative au phénomène de socialisation par les pairs et de la facette financière relative à l’argent. Il s’agit de deux facettes à part entière qui ne s’inscrivent ni dans le conatif, ni dans le cognitif, ni dans l’affectif. Nous sommes donc passés de six classes de discours de l’autonomie de l’adolescente à cinq facettes de l’autonomie. Les classes de discours relatives aux terrains d’application de l’autonomie de l’adolescente24 s’inscrivent dans la facette conative. En effet, l’adolescente affirme son autonomie dans l’action, tant par les sorties, les activités extrascolaires que par l’achat et la consommation, en particulier de vêtements et de produits de maquillage. A partir des situations et des exemples pris par les adolescentes pour définir la notion d’autonomie, nous pouvons voir que deux formes d’autonomie conative se dessinent : l’autonomie dans le domaine de l’apparence physique (l’achat et la consommation dans les domaines vestimentaire et du maquillage) ainsi que l’autonomie en dehors de l’apparence physique (les sorties, les activités extrascolaires, les vacances, les transports en commun…).

Si l’autonomie est profondément inscrite dans l’action, elle est également tournée vers l’avenir, projetant tout un monde de potentialités. En effet, une classe de discours évoquant

24 Il s’agit de deux classes issues du discours des adolescentes : une première classe relative au shopping et une deuxième classe relative à la vie quotidienne des adolescentes (les sorties, l’aide ménagère, les vacances…).

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l’avenir et la capacité à anticiper renvoie à la facette cognitive de l’autonomie de

l’adolescente. Etre autonome, c’est avoir des projets pour soi, et en particulier des projets professionnels (choix d’orientation, choix du futur métier…).

La classe de discours relative à l’argent évoque la facette financière de l’autonomie.

L’adolescente revendique son autonomie dans la gestion autonome de son argent de poche. La classe de discours relative au phénomène de socialisation de l’adolescente montre bien qu’il n’y a pas d’autonomie sans présence, reconnaissance et communion avec les autres. L’autonomie ne trouve les conditions de son existence que dans une interdépendance et une socialisation grandissante. Nous proposons donc une troisième facette de l’autonomie de l’adolescente : la facette sociale.

Enfin, dans la dernière classe, nous trouvons toute une série de mots relatifs à la relation mère-adolescente. L’autonomie est donc décrite en termes affectif. Nous proposons ainsi une dernière facette de l’autonomie que nous désignons par la facetteaffective del’autonomie de l’adolescente.

Grâce aux différentes classes de discours qui ont émergé de cette analyse lexicale par contexte, l’autonomie apparaît bien comme un concept multifacettes :

- 1. La capacité à prendre de la distance par rapport à sa mère (se rapportant à la facette

affective du construit) ;

- 2. La capacité à développer une vie sociale saine et stable avec ses pairs, à résister à

l’influence et à la pression des pairs (se rapportant à la facette sociale du construit) ;

- 3. La capacité à prendre des décisions seule, à faire des choix seule, à avoir ses propres

opinions indépendamment des autres et à se fixer des objectifs ou des buts (se rapportant

à la facette cognitive du construit) ;

- 4. La capacité à se débrouiller seule dans la vie quotidienne (se rapportant à la facette

conative du construit).

- 5. La capacité à gérer seul son argent et/ou à gagner de l’argent (se rapportant à la facette

financière du construit)

Les résultats semblent offrir une bonne compréhension de l’autonomie de l’adolescente avec six classes de vocabulaires équilibrées, complémentaires et faciles à interpréter. De plus, les thèmes identifiés correspondent à des terrains d’application de l’autonomie que nous avions mis en évidence par l’analyse thématique traditionnelle. Il y a donc une certaine cohérence entre les deux modes d’analyses menées qu’ils soient « manuel » ou automatisé. L’analyse

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fournie par Alceste constitue une première piste concernant le dimensionnement de l’autonomie de l’adolescente.

Section 3 : Mise au point de l’outil de mesure de l’autonomie

1. Création d’une échelle de mesure destinée aux adolescentes

Avant de réellement construire l’échelle de mesure de l’autonomie, il convient de réfléchir sur le positionnement conceptuel de celle-ci. Autrement dit, la première étape consiste à définir ce que l’échelle mesure exactement : notre objectif est de développer un instrument de mesure de l’autonomie tel qu’il est perçu par les adolescentes. Dans cette première section, nous justifierons le choix de positionnement de notre échelle en deux temps. Dans un premier temps, nous montrerons l’existence de nombreuses difficultés à mesurer l’autonomie de l’adolescente. Dans un second temps, nous avancerons les arguments qui nous ont conduits à opter pour ne retenir que les dimensions cognitive et affective dans la mesure de l’autonomie.