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3.1. Chapitre 1 : Étude du transcriptome de cellules mononucléées périphériques sanguines de sujets porteurs de la mutation G2019S de LRRK2 et de sujets sporadiques.

La mutation G2019S de LRRK2 a été décrite comme la mutation causale de la MP la plus commune. Elle conduit à l’apparition d’un phénotype similaire et/ou proche de celui des formes sporadiques notamment au niveau de l’âge d’apparition des premiers symptômes et de la progression de la maladie. Ces similarités ont amené à penser que les mécanismes moléculaires conduisant à leur apparition étaient communs et, du fait de la prépondérance des formes sporadiques et de la forte fréquence des formes de MP liées à la mutation G2019S de LRRK2, que ces mécanismes pourraient être responsables de la majorité des cas de MP. Une première étude du transcriptome de cellules mononucléées périphériques sanguines de sujets porteurs de la mutation de LRRK2 avait montré que cette forme de la maladie était associée à des changements d’expression de gènes impliqués dans les mécanismes de dégradation cellulaire, dans la guidance axonale, dans la mitochondrie, l’inflammation et de l’apoptose241. L’observation de ces changements également retrouvés au niveau cérébral avait révélé que l’étude du transcriptome de cellules sanguines reflétait des perturbations des voies de signalisation ayant lieu dans le cerveau. L’identification de certains mécanismes pathologiques à partir de ces cellules est alors envisageable.

Sur la base de cette constatation et afin de déterminer si le développement de la MP repose sur les mêmes mécanismes chez les sujets porteurs de la mutation G2019S de LRRK2 et les sujets sporadiques, nous avons étudié le transcriptome de cellules mononucléées périphériques sanguines de 20 cas sporadiques, 9 sujets porteurs de la mutation G2019S de LRRK2 et 40 sujets témoins à l’aide de puces à ADN. Cette analyse nous a permis de comparer les niveaux d’expression génique entre les cas sporadiques versus les témoins et les malades porteurs de la mutation de LRRK2 versus les témoins. Ces gènes différentiellement exprimés ont été soumis au logiciel d’analyse Ingenuity Pathways Analysis (IPA®) qui permet de mesurer l’association entre les gènes soumis au logiciel et l’ensemble des gènes connus et admis comme étant impliqués dans un processus cellulaire donné ou voie canonique. En utilisant un test statistique exact de Fischer, IPA® détermine si cette association est due au hasard. Le seuil de probabilité (p) que nous avons utilisé pour considérer qu’une association n’était pas due au hasard est p<0,05, utilisé de manière empirique.

L’analyse des voies canoniques enrichies en gènes différentiellement exprimés chez les sujets sporadiques par rapport aux témoins a mis en évidence des dérèglements de voies déjà montrés comme étant perturbées chez les parkinsoniens. En effet nous avons retrouvé des modifications des

72 voies liées à la réponse inflammatoire, la réponse immunitaire, la prolifération et la mort cellulaire. Les perturbations des voies liées à l’inflammation et aux processus immunitaires sont également retrouvés chez les sujets proteurs de la mutation G2019S de LRRK2 chez qui des altérations des processus de survie cellulaires, des mécanismes du cancer (prolifération cellulaire) et de dégradation cellulaire ont aussi été observées. Afin d’évaluer le potentiel des études transcriptomiques effectuées à partir des PBMC, dans l’identification de biomarqueurs et de cibles thérapeutiques potentiels, nous avons comparé nos données de puces d’expression aux données de la littérature de Scherzer et al.240 et de Shehadeh et al.278 obtenues à partir de sang total. ALAS2, EPB42, SELENBP1 et

SLC4A1 sont 4 gènes liés au métabolisme du fer qui sont différentiellement exprimés entre les

malades et les témoins dans chacune de ces 3 études et qui du fait de leur variation d’expression répétée dans différents groupes de sujets pourraient être de bons candidats pour distinguer les malades des témoins.

En s’intéressant de plus près aux voies canoniques dérégulées à la fois chez les cas sporadiques et les porteurs de la mutation G2019S de LRRK2, nous avons observé des perturbations communes des voies de survie cellulaire (« voie de signalisation PI3K/Akt ») et de la mitochondrie montrant que ces deux groupes de patients partagent des modifications communes déjà décrites comme étant associées à la maladie. L’identification de voies déjà décrites a conforté l’idée du potentiel du transcriptome de ces cellules dans la mise en évidence de nouveaux mécanismes, communs à ces deux formes de la maladie mais aussi à la majorité des cas de MP. De façon intéressante, la voie de signalisation EIF2 qui jusqu’ici n’a pas été fortement explorée, apparait comme la voie commune la plus significativement perturbée, à la fois chez les sujets sporadiques et les sujets porteurs de la mutation G2019S de LRRK2. Pour poursuivre notre analyse, nous avons ré-analysé les données transcriptomiques des équipes de Scherzer240 et de Shehadeh278 à l’aide de l’outil GEO2R. Ce dernier nous a permis d’identifier les gènes différentillement exprimés qui ont été soumis à IPA®. Les voies canoniques les plus retrouvées à la fois dans ces 2 études et dans la notre étaient l’entrée des virus via la voie de l’endocytose, la signalisation de l’infiltration leucocytaire et une nouvelle fois la voie de signalisation EIF2 (Tableau 3).

73 G2019S LRRK2 Sporadic PD Scherzer et al. Shehadeh et al. Simunovic et al. Elstner et al. Voie de signalisation EIF2

5,01E-17 2,50E-3 3,5 E-2 1,25E-4 4,00E-4 1,10E-3

Entrée des virus via la voie de l’endocytose

2,30E-2 4,00E-4 2,50E-4

Signalisation de l’infiltration leucocytaire

2,10E-2 3,90E-3 1,66E-3 2,50E-4 4,00E-2

Dysfonctions

mitochondriales 3,20E-5 4,40E-2

3,72E-3

Voie de signalisation

PI3K/Akt

1,20E-2 4,70E-2 6,03E-6 3,00E-4 1,80E-3

Voie de signalisation du

cancer de la prostate

1,40E-2 4,10E-3 3,71E-3

Voie de signalisation de

la leucémie myéloïde

3,80E-2 2,80E-2 2,57E-4

Tableau 3: Sélection de voies canoniques IPA® associées aux gènes différentiellement exprimés dans nos données et dans la littérature (p<0,05)

La MP ayant longtemps été considérée comme une maladie du système nerveux central et touchant majoritairement les neurones dopaminergiques de la substance noire, Simunovic et al.227 et Elstner et al.279 ont analysé le transcriptome de ces cellules obtenues par microdissection laser pour mieux comprendre les changements moléculaires liés à la maladie. Par le biais de ces deux analyses, plusieurs voies canoniques ont pu être identifiées montrant une nouvelle fois des voies associées à la maladie telles que les dyfonctions mitochondriales et la voie d’ubiquitination des protéines mais aussi des perturbations de la voie de signalisation EIF2.

Les similitudes entre nos données et celles obtenues de l’analyse du transcriptome des cellules neuronales de parkinsoniens renforcent l’idée que 1) les perturbations liées à la maladie au niveau cérébral puissent être retrouvées au niveau périphérique, 2) que ces cellules puissent être utilisées comme modèle d’étude afin d’améliorer les connaissances de la maladie. Jusqu’ici, les nombreuses recherches effectuées dans le cadre de l’étude de la MP ont mis en avant les perturbations des processus inflammatoires, des dysfonctions au niveau mitochondrial, au niveau

74 des mécanismes de dégradation protéique et du système immunitaire mais n’avaient pas mis l’accent sur la voie de signalisation EIF2. Telle que décrite dans IPA®, cette dernière est principalement connue pour son implication dans la régulation de la traduction. Elle joue aussi un rôle dans l’épissage car elle comprend des gènes RP (Ribosomal Protein) codant des protéines ribosomiques, qui sont capables de s’auto-épisser (Tableau 4).

Gènes Ratio (G2019S LRRK2/Témoins) Ratio (Sporadiques/Témoins)

RPL19 1,35 1,40 RPL21 -1,43/1,32 -1,33/-1,27/-1,32 RPL27A 1,20 1,57 RPL4 1,62 1,60/1,50 RPL9 -1,32 1,40/1,56 RPS2 1,22/1,30 1,34 RPS9 1,30 1,32

Tableau 4: Sélection de gènes de la voie EIF2 dérégulés chez les parkinsoniens porteurs de la mutation G2019S de LRRK2 et chez les sujets sporadiques (t-test de Welsch ; p<0,05)

Les gènes de la voie EIF2 communs à sujets porteurs de la mutation G2019S de LRRK2 et aux cas sporadiques sont rapportés dans le tableau. Les différents ratios d’expression indiqués pour un même gène correspondent aux différentes sondes de ce gène qui sont significativement dérégulées

La mise en évidence des dérèglements de cette voie, encore peu rapportée dans la littérature, laisse penser que nous sommes face à un nouveau mécanisme physiopathologique impliquant la traduction et/ou l’épissage.

Article 1: Involvement of the immune system, endocytosis and EIF2 signaling in both genetically