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1. Introduction

1.1. La maladie de Parkinson

1.1.4. Les mécanismes moléculaires contribuant au développement de la MP

1.1.4.2. L’apport des facteurs génétiques

1.1.4.2.2. Le gène LRRK2

LRRK2 est le second gène porteur de mutations à transmission autosomique dominante

ayant été lié à la MP. En 2004, grâce à des analyses de liaisons génétiques, deux équipes ont mis en évidence un changement de la guanine, au codon 6055, en une adénine chez des sujets atteints de la MP117,118. Cette modification au niveau du génome conduit au niveau protéique à un remplacement de l’acide aminé glycine en une serine en position 2019 (mutation G2019S). Bien qu’identifiée en premier lieu chez les malades présentant une forme génétique, cette mutation est aussi présente chez certains sujets sporadiques ainsi que chez des sujets sains. La pénétrance de la mutation varie avec l’âge et l’origine ethnique de la population considérée (de 17% à l’âge de 50 ans à 85% à l’âge de 70 ans), cela pourrait expliquer l’absence de phénotype parkinsonien chez certains sujets porteurs de la mutation119. Aujourd’hui on dénombre plus de 100 polymorphismes et/ou mutations (faux-sens ou non-sens) dans ce gène dont seules six mutations ont un rôle biologique démontré dans la MP : R1441C, R1441G, R1441H, Y1699C, G2019S et I2020T120 (figure 11).

Figure 11: Représentation de la protéine LRRK2 et des mutations causales de la maladie de Parkinson (d’après Corti, Lesage, & Brice, 2011)

La mutation G2019S compte pour 5-6% des formes familiales européennes et 1-2% des formes sporadiques. Elle est présente à hauteur de 40 à 50% chez les malades d’origine maghrébine ou juive ashkénaze alors qu’elle est quasiment absente dans les populations asiatiques121. Si la majorité des études indiquent que le phénotype induit par la mutation G2019S est similaire à celui des parkinsoniens sporadiques non mutés (âge d’apparition, sensibilité à la dopa-thérapie, phénotype clinique à l’exception de certains symptômes moteurs et de l’absence de corps de Lewy dans de rares cas)122, il a été rapporté que les patients porteurs d’autres mutations de LRRK2 présentaient en plus d’un phénotype parkinsonien, des phénotypes de type paralysie supranucléaire progressive ou atrophie musculaire121.

Le gène LRRK2 se situe sur le chromosome 12q12 et possède 51 exons codant un transcrit de 9kb123. Exprimé de manière ubiquitaire, son expression est fortement présente dans le cerveau au

31 niveau de la substance noire, des ganglions de la base, du cortex, de l'hippocampe et du cervelet. Les facteurs contribuant à sa régulation sont très peu connus, toutefois, Hyun Hin Cho et al. ont mis en évidence une régulation négative de l’expression de LRRK2 par l’intermédiaire de miARNs dont le miR-205124. LRRK2 code une protéine de 2527 acides aminés nommée LRRK2 ou dardarine (du basque dardara qui signifie tremblement). Elle appartient à la famille de protéines ROCO qui est caractérisée par la présence de 5 domaines conservés : LRR (leucin rich repear), ROC (Ras in complex proteins), COR (C-terminal domain of Roc), MAPKKK (mitogen-activated protein kinase kinase kinase) et WD40 contenant des répétitions dipeptidiques de tryptophanes et d’acides aspartiques125 (figure 11).

L’identification des rôles physiologiques de LRRK2 a été basée dans un premier temps sur l’analyse des domaines fonctionnels que contient la protéine. Mata et al. ont suggéré que la présence des domaines ARM, ANK, LRR et WD40 conférait à la protéine la capacité d’interagir avec ses partenaires. Cette interaction lui permettrait notamment d’exercer une fonction de protéine échafaudage contribuant à la formation de complexes multiprotéiques126. Le domaine WD40 a été montré comme étant nécessaire à l’interaction de LRRK2 avec de nombreuses protéines pré-synaptiques telles que SNAP-25, syntaxine 1A, VAMP et actine127,128. Ces protéines sont impliquées dans le transport des vésicules le long du cytosquelette suggérant un rôle de LRRK2 dans le trafic des vésicules. Ce trafic permet la communication entre les différents systèmes endomembranaires de la cellule dont le réticulum endoplasmique, l’appareil de golgi et le lysosome ainsi que l’adressage des protéines dans ces différents sous-compartiments cellulaires. De nombreuses données de la littérature viennent étayer l’implication de LRRK2 dans le transport des vésicules synaptiques comme par exemple l’inhibition de LRRK2 dans un modèle C. elegans qui est responsable d’une perte de l’adressage des protéines vers la synapse indiquant l’implication de LRRK2 dans ce flux de protéines. Cette perturbation du trafic vésiculaire induit par l’inhibition de l’expression de LRRK2 est également observée suite à l’inhibition de son activité kinase qui empêche l’interaction de LRRK2 avec les vésicules et des protéines présynaptiques127. Cet adressage semble faire intervenir l’appareil de Golgi depuis que LRRK2 y est localisée. Cette localisation ainsi que sa présence dans les vésicules synaptiques et la membrane de la cellule a suggéré une interaction de cette protéine avec les membranes, confirmée par son interaction avec les lipides au niveau de radeaux lipidiques129.

Cette protéine joue également un rôle dans la transduction du signal notamment par son domaine kinase qui lui confère un rôle de protéine enzymatique catalysant des réactions de phosphorylation et le domaine ROC associé à une activité GTPase qui permet l’hydrolyse du GTP/GDP130. Des études in vitro ont démontré que les mutations de LRRK2 notamment les mutations

32 G2019S et R1441C augmentent l’activité kinase de la protéine, suggérant ainsi un gain de fonction. Cette activité augmentée a été montrée comme étant à l’origine d’une modification de la morphologie neuronale et d’une réduction de la taille des neurites à la fois dans des cultures primaires et dans le système nerveux central de rat in utero. Cet effet est inversé par la réintroduction de la forme sauvage montrant un rôle de LRRK2 dans la morphologie des neurites131.

LRRK2 est aussi associée à la fonction de dégradation des protéines de la cellule, la mutation G2019S entraînant un raccourcissement des neurites par induction de l’autophagie132,133. Un modèle murin invalidé pour le gène LRRK2 révèle une diminution des mécanismes d’autophagie et des lysosomes contribuant à l’accumulation de l’α-synucléine134, également observée chez des souris transgéniques exprimant la forme G2019S de LRRK2127. Par son activité kinase, elle est capable de phosphoryler des protéines telles que les protéines de la voies MAPK/ERK135, ou l’endophiline A1, une protéine impliquée dans la formation des vésicules d’endocytose et interagissant avec des protéines du cytosquelette. Par son domaine ROC, LRRK2 est aussi capable de se fixer à des protéines du cytosquelette telles que la tubuline136 suggérant son implication dans l’organisation et la polarité cellulaire.

L’expression de la forme sauvage de LRRK2 dans des cellules exposées à un stress oxydant par exposition à de l’H2O2 induit une augmentation de la survie des cellules par rapport à des cellules exprimant la forme mutée Y1699C ou G2019S. Ceci montre que la forme sauvage de la protéine a un rôle de protection contre le stress oxydant137. Des études chez les nématodes montrent que LRRK2 sauvage permet de lutter contre le stress induit par 6-OHDA et empêche la mort des cellules dopaminergiques, à l’inverse de la forme mutée G2019S138. L’implication de LRRK2 dans la réponse à ce type de stress passe également par sa capacité à phosphoryler la protéine 4E-BP, un régulateur négatif de la traduction dont l’hyperphosphorylation atténue la résistance des neurones au stress oxydant et leur survie chez la drosophile139.

Enfin, le rôle de LRRK2 dans l’inflammation a récemment été suggéré depuis qu’il a été observé que l’inhibition de l’expression de LRRK2 s’accompagne d’une faible production de molécule proinflammatoire140 et que cette protéine régule l’activitation microgliale après une exposition à la protéine HIV-1 Tat, une protéine inductrice de la réponse inflammatoire141. Des polymorphismes de ce gène ont également été associés à des maladies inflammatoires telle que la maladie de Crohn142

LRRK2 semble donc être impliquée dans la transduction du signal en particulier via son activité kinase qui permet de moduler différents processus dans la cellule telle que la croissance, la

33 neurogenèse et le trafic vésiculaire. Elle est également impliquée dans la réponse au stress mitochondrial et très récemment dans la réponse inflammatoire.