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1. Introduction

1.1. La maladie de Parkinson

1.1.4. Les mécanismes moléculaires contribuant au développement de la MP

1.1.4.2. L’apport des facteurs génétiques

1.1.4.2.3. Le gène ATXN2

Les mutations du gène ATXN2, plus souvent connues pour être à l’origine de l’ataxie spinocerébelleuse de type 2 (SCA2), ont aussi été retrouvées chez des patients atteints de MP. Localisé sur le chromosome 12, ce gène s’étend sur une région chromosomique d’environ 130kb. Il comporte 25 exons et se caractérise par la présence d’une portion de séquence dans l’exon 1 contenant des répétitions de triplets de nucléotides CAG. La présence de ces triplets au sein d’un exon se distingue d’autres maladies à triplets comme la dystrophie myotonique par exemple, où les répétitions sont localisées dans des régions non codantes. Ce codon CAG code pour l’acide aminé glutamine dont l’augmentation du nombre conduit lors de la synthèse protéique à une succession de polyglutamine (polyQ). L'allèle physiologique contient 14 à 31 répétitions CAG143. Chez les sujets sains, ces répétitions CAG sont interrompues par 1 à 3 triplets CAA (codant également pour un acide aminé glutamine) dont l’organisation peut varier selon les individus (Figure 13).

Figure 12: Domaines protéiques et répétitions de polyglutamine dans la protéine ataxine-2

Dans la population générale, plus de 90% portent 22-23 répétitions selon une organisation de type (CAG)8 CAA (CAG)4 CAA (CAG)8. Chez les sujets malades atteints de MP, cette mutation hétérozygote contient un nombre de répétitions supérieur à 31 avec au moins une interruption CAA. Chez les sujets atteints de SCA2, l’allèle pathologique contient le plus souvent plus de 40 répétitions ininterrompues. Le nombre de répétitions CAG est inversement corrélé à l’âge d’apparition de la maladie et à sa sévérité. Ainsi, la SCA2 qui se déclare classiquement au cours de la troisième décennie peut également apparaître dès l’enfance. Certaines formes juvéniles sont associées à un nombre de répétitions compris entre 130 et 200144. Bien que l’augmentation du nombre de triplets CAG dans

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ATXN2 est initialement associée à la SCA2, une augmentation modérée (27 à 33 répétitions) a été

associée à un risque accru de développer d’autres maladies neurodégénératives telles que la sclérose latérale amyotrophique (SLA145), la dégénérescence lobaire fronto-temporale (DLFT) et la paralysie supra-nucléaire progressive (PSP). Le rôle des triplets CAG interrompus de l’ATXN2 dans la MP, n’est pas complètement élucidé. Alors que ces triplets ont été identifiés comme la cause de certaines formes familiales de MP, des données contradictoires d’une métanalyse sur une population caucasienne suggèrent que les sujets ayant un nombre de répétitions supérieur à 32 n’ont pas un risque augmenté de développer une MP146. A l’inverse, le seuil de significativité de la longueur des triplets identifiés dans une population japonnaise, suggère qu’ils pourraient influencer les résultats de l’association avec la MP ; ce seuil correspondant à un nombre de répétions égal à 25. Néanmoins l’utilisation de ce seuil dans la méta-analyse n’a pas entraîné de changement drastique de significativité. Aux vues de ces données, il demeure indispensable de mieux comprendre le role du gène ATXN2 dans la MP, dans les formes familiales tout d’abord mais aussi dans les formes sporadiques, ce d’autant que la MP est une maladie dont le caractère multifactoriel est en grande partie relié à des interactions gènes-gènes et gènes-environnements. Une absence d’association pourrait aussi s’expliquer par l’absence de données d’exposition environnementale dans la majorité des études.

Le gène ATXN2 code un transcrit majeur de 4712pb contenant 25 exons et 2 autres variants d’épissage générés par l’exclusion de l’exon 10 ou de l’exon 21. La découverte, dans l'exon 18, du site de fixation UGCAUG du facteur d’épissage RBFOX2 (aussi connu sous le nom de RBM9 ou HNRBP2) suggère l’existence d’un autre transcrit dont l’épissage serait dépendant de RBFOX2147. L’expression de l’ATXN2 semble être ubiquitaire. Par Northern Blot, Huynh et al. ont montré que ce gène était exprimé dans différents tissus cérébraux et non cérébraux148. Dans le système nerveux, ATXN2 est exprimé dans l’amygdale, le noyau caudate, le callosum corpus, l'hippothalamus, l'hypocampe, la substance noire, le noyau sous thalamique, le thalamus, le cervelet, la médulla, le cortex cérébelleux, la corde spinale, le putamen, le pole occipital, le lobe frontal et le lobe temporal. Au niveau du système nerveux central et en particulier dans le cerveau et la corde spinale, le transcrit majeur est prédominant. A l’inverse, le transcrit dépourvu de l'exon 10 est plus abondant dans le cervelet. Le variant d’épissage dépourvu de l’exon 21 est quant à lui exprimé dans le cerveau, la corde spinale, le cervelet, le cœur et le placenta. L'expression de l’ATXN2 est sous le contrôle de facteurs de transcription tel que Zinc Finger And BRCA1-Interacting Protein With a KRAB Domain 1 (ZBRK1) et v-ets avian erythroblastosis virus E26 oncogene homolog 1 (ETS1)149. La protéine ataxine-2 interagit également avec ZBRK1 agissant alors comme un co-activateur transcriptionnel et suggérant un mécanisme d’autorégulation.

35 La protéine ataxine-2 est une protéine de 140kDa composée de 1312 aides aminés. Elle contient plusieurs domaines protéiques informatifs concernant son rôle physiologique. L’extrêmité N-terminale (N-ter) de la protéine contient les domaines polyglutamines (polyQ) et acidique allant respectivement des acides aminés 166 à 187 et 280 à 481. L’extrêmité C-terminale (C-ter) contient quant à elle un domaine PAM2 (PABP-interacting motif) allant des acides aminés 908 et 925. Outre son domaine acide qui contient les domaines Like Sm Associated Domain (LsmAD) et Like Sm 1 et 2 (LSm1 et Sm2), la protéine ataxine-2 est hautement basique150. Ces domaines Lsm sont des motifs présents sur les protéines liées à l’épissage et sont partagés par les small nuclear ribonucleic proteins (snRNPs)151. L’ataxine-2 est essentiellement cytoplasmique et fortement exprimée dans les cellules de Purkinje. Cependant, elle a également été retrouvée dans le réticulum endoplasmique rugueux (REr), le réseau trans-golgien, les granules de stress, les P-bodies et à plus faibles proportions dans le noyau152. La localisation de l'ataxine-2 est modulée par des modifications post-traductionnelles telles que la troncation, la phosphorylation et l'ubiquitination. En effet, la phosphorylation de l'ataxine-2 a été retrouvée dans des lignées cellulaires de SY5Y et est impliquée dans le clivage protéolytique de la protéine et/ou son agrégation. Sous sa forme ubiquitinylée, l’ataxine-2 se retrouve dans les agrégats protéiques intranucléraires.

Bien que la fonction de l’ataxine-2 ne soit pas clairement identifiée, sa haute conservation à travers les espèces a rendu possible l'étude de sa fonction dans différents organismes modèles. Plusieurs études ont ainsi révélé que l'ataxine-2 jouait un rôle majoritaire dans le métabolisme des ARNs, en particulier l'épissage, la traduction et la dégradation des ARNs. Elle semble également intervenir dans des processus moins décrits tels que l'endocytose et la dégradation protéique, le métabolisme énergétique ou encore la signalisation calcique.

L’implication de l’ataxine-2 dans l’épissage réside dans la présence de domaines Lsm1 et 2 dans sa région N-terminale, qui sont des domaines caractéristiques des protéines Sm qui constituent les small nuclear Ribonucleoproteins (snRNPs). L'interaction de l'ataxine-2 avec des facteurs liés à l'épissage est également en faveur de son implication dans cette étape de maturation des ARNs. L’identification chez la levure, de l’interaction physique entre l’extrêmité C-terminale de l’ataxine-2 et la protéine Ataxin-2 Binding Protein 1 (A2BP1 ou RBFOX1)153 corrobore cette hypothèse aux vues du rôle de A2BP1 dans l’épissage au sein des cellules neuronales. D’autres facteurs d’épissage interagissent avec l’ataxine-2 tels que RNA-Binding Motif Protein 9 (RBM9)154, RNA-Binding Protein With Multiple Splicing (RBPMS), TAR DNA-binding protein 43 (TDP-43) et Fused in sarcoma (FUS)144. Il a été démontré que l'expansion de polyQ dans l'ataxine-2 contribuait à une mauvaise localisation des protéines TDP-43 et FUS. De plus, ces expansions de polyQ aggravent la toxicité induite par les

36 mutations des gènes TARDBP et FUS contribuant à la physiopathologie de la SLA et la DLFT, deux affections associées à des défauts d'épissage.

Outre son rôle dans l'épissage, l'interaction de l’ataxine-2 avec la protéine PolyA-Binding Protein Cytoplasmic 1 (PABPC1) fait le lien entre l'ataxine-2 et diverses autres fonctions telles que la polyadénylation des ARNm, leur dégradation par le Nonsense-mediated mRNA decay (NMD) ainsi que la traduction. Cette interaction fait intervenir le domaine PAM2 de l’ataxine-2 et le domaine MLLE (Mademoiselle) de PABPC1155. Les protéines PABPs possèdent des motifs de reconnaissance des ARNs (RRM) qui leur confèrent une haute affinité pour la queue polyA. De cette manière, elles protègent l'ARNm nouvellement synthétisé des attaques par les enzymes de dégradation et contrôlent ainsi leur stabilité. Chez la levure, la délétion des orthologues de PABPC1 et de l'ataxine-2 induit respectivement une augmentation et une diminution de la taille de la queue polyA144. L’impact de ces délétions sur la longueur de la queue polyA illustre le rôle de ces protéines dans la stabilité des ARNs, rôle partagé par l’ataxine-2 qui joue sur cette stabilité en se fixant sur l’extrémité 3' non traduite des ARNm156. Cette liaison promeut ainsi leur stabilité et module leur niveau de traduction156,157

Dans la cellule, certains des ARNs destinés à être dégradés sont localisés dans des sous-compartiments cytoplasmiques appelés les Processing-bodies (P-bodies). Ces P-bodies constituent un lieu de stockage des ARNs qui sont soit en latence soit destinés à être dégradés. Ils contiennent un large lot de protéines associées au métabolisme des ARNs telles que des protéines d’élimination de la coiffe (DCP1 (Decapping protein 1) et DCP2 (Decapping protein 2), des activateurs des protéines DCPs, des exonucléases 5’-3, des protéines du NMD, des éléments de la voie des microARNs (miARNs) et également des facteurs de la traduction. Il a été montré que l’ataxine-2 était localisée dans ces compartiments. Là, elle interagit avec la protéine DEAD/H-box RNA helicase 6 (DDX6) qui contribue au déroulement des ARNs mais aussi à leur traduction158. Cette interaction se fait via les domaines Lsm/LsmAD de l’ataxine-2 et appuie l’implication de l’ataxine-2 dans la stabilité et la dégradation des ARNs. La surexpression, dans différentes lignées cellulaires humaines, de l’ataxine-2 sauvage (Q22) ou mutée (Q79) entraîne une diminution du nombre de P-bodies et perturbent leur assemblage soulignant l’importance de l’ataxine-2 dans les fonctions relatives à ces sous-compartiments cellulaires. La mise en évidence de l’interaction de l’ataxine-2 avec les ribosomes dans les ovaires de drosophile et dans des lignées cellulaires HEK293T ainsi que son interaction avec la protéine PABPC1 est en faveur de son rôle dans la traduction157,159,160. PABPC1 interagit via ses domaines RRM avec la protéine eukaryotic Initiation Factor 4G (eIF4G). eIF4G se lie à la coiffe 5’ des ARNm et par son interaction avec PABPC1 liée à la queue polyA, permet une circularisation de l’ARNm favorisant ainsi la traduction. La découverte chez la drosophile d’une interaction directe entre l’ataxine-2 et les

37 protéines GW182 et Argonaute 1 suggère que l’ataxine-2 pourrait réprimer la traduction via les miARNs, GW182 et Argonaute 1 étant impliquées dans la biosynthèse de miARNs161.

Chez la levure, l’ataxine-2 interagit avec l'endophiline A1 et A3, deux protéines interagissant avec les phospholipides membranaires et impliquées dans l'endocytose162. La génération d'un modèle murin invalidé pour le gène l’ATXN2 entraîne une importante prise de poids qui s'accompagne d'une augmentation du niveau d'insuline dans le sérum, témoin d’une insulino-résistance caractéristique des syndromes métaboliques163. Celle-ci est suivie d’une augmentation des lipides hépatiques et sanguins également retrouvée au niveau du cervelet. L’ensemble de ces modifications induites par la déplétion de l’ATXN2 lie ainsi l’ataxine-2 au métabolisme et en particulier au métabolisme lipidique et glucidique. La localisation de l’ataxine-2 dans le RE, principal lieu de stockage du calcium intracellulaire, suggère l’intervention de cette protéine dans le métabolisme calcique associé à la pathogénèse de la SCA2. Jing Liu et ses collaborateurs ont démontré chez la souris que la protéine ataxine-2 (Q58) interagissait avec l'extrémité C-terminale de la protéine Inositol 1,4,5-trisphosphate Receptor type 1 (InsP3R1), un canal calcique fortement exprimé dans le RE des cellules de Purkinje163,164. Cette interaction conduit à une sensibilité accrue du canal calcique à son activateur l’inositol 1,4,5-trisphosphate (InsP3) conduisant à une augmentation du calcium intracellulaire pouvant être délétère.